Vue de l’exposition Be The Holy, PACT, 2025 photo Nicolas Brasseur
J’ai rencontré Pierre-Arnaud Doucède et Charlotte Trivini, fondateurs de PACT en 2020 à l’occasion de nouveaux modèles de foires pendant le Covid. Je le retrouve avec Arthur Yedid, directeur, autour de l’exposition hors-les-murs, Be The Holy qui traite de la résurgence du sacré et de la religion dans l’art actuel selon un angle transhistorique. Pierre-Arnaud revendique une place donnée à l’art ancien avec une collection développée en parallèle de l’activité de la galerie. Il revient sur le contexte de cette démarche inédite dans le panorama des expositions et les projets à venir, insistant sur un art incarné à l’heure du tour instagrammable ! Il dresse un bilan du Paris Gallery Week-end 2025 très positif.
Marie de la Fresnaye. Comment est née l’exposition ?
Pierre-Arnaud Doucède. J’ai remarqué que plusieurs jeunes artistes autour de moi, qu’ils soient croyants ou non, continuaient à s’emparer des figures religieuses comme le Christ, les saints, les Vierges un peu comme d’un vocabulaire vivant. Pour certains, la religion devient une forme de mythologie. Pour d’autres, elle reste une vérité intérieure. Il y a des artistes pieux, d’autres qui ne le sont pas, mais ce sont des sujets qui continuent à les toucher. L’exposition est née aussi de l’achat par la galerie d’une œuvre forte d’Ashley Bickerton, et du développement d’une collection d’art ancien en parallèle de notre collection contemporaine. C’était le bon moment pour les faire se rencontrer.

Vue de l’exposition Be The Holy, PACT, 2025 photo Nicolas Brasseur
MdF. Le titre suggère la notion du sacré. Comment habite-t-il les œuvres ?
PAD. Be The Holy vient d’une photographie de 1987 de Michael Timpson, un artiste américain peu connu, mais très singulier, qui explore le rituel, la religion intime, l’invention de sa propre spiritualité. Ce titre m’a tout de suite parlé. Il ouvre une question : qu’est-ce que cela veut dire aujourd’hui, être saint ? Le sacré dans l’exposition n’est pas posé comme une réponse. Il est là, dans la forme, dans les tensions, dans les contrastes. Il ne relève plus de la foi, mais d’une présence persistante, parfois dérangeante, parfois lumineuse.
MdF. Pourquoi selon vous, assistons-nous à une résurgence du sacré dans la création contemporaine ?
PAD. Parce que ce sont des images fondatrices. Elles ont structuré notre culture visuelle depuis des centaines d’années. Le Christ, la croix, les anges, les larmes, les auréoles, les Pietà, tout ça fait partie d’un langage collectif. C’est un vocabulaire que les artistes réinvestissent, pas pour illustrer la foi, mais pour explorer des formes puissantes. On revient à ces images comme on revient aux mythes : pour leur beauté, leur charge et leur mystère. Et aussi parce que l’art chrétien a ouvert un champ esthétique immense — De Van Eyck à Titien, de Bosch à Ribera, ce sont des mondes visuels inépuisables.

Vue de l’exposition Be The Holy, PACT, 2025 photo Nicolas Brasseur
MdF. Comment avez-vous organisé le parcours ?
PAD. Le parcours repose sur des contrastes, des tensions, des vis-à-vis forts. Il y a de vraies confrontations d’œuvres : le grand tableau d’Amélie Bigard à côté de celui d’Eugène Appert, Ashley Bickerton confronté à deux Ecce Homo Espagnol du XVIIᵉ siècle, Hugo Sebastião à côté d’un Carlo Dolci et d’un gisant du XVIIIᵉ, ou encore Clément Bataille face à un Belisario Corenzio du XVIᵉ et à une Vierge espagnole du XVIIᵉ. On joue avec les échos, les écarts, les surprises. Il n’y a pas de narration linéaire. On laisse les œuvres se parler entre elles, frontalement ou subtilement. Ce qui compte, c’est le rythme, l’équilibre et l’intensité des regards.

Vue de l’exposition Be The Holy, PACT, 2025 photo Nicolas Brasseur
MdF. Quel bilan tirez-vous de Paris Gallery Weekend ?
PAD. L’exposition a bien circulé. Le public était au rendez-vous, varié, curieux. Beaucoup ont été touchés, parfois déstabilisés, ce qui est plutôt bon signe. On sent un vrai intérêt pour des expositions exigeantes, qui ne se contentent pas d’aligner des œuvres, mais qui proposent un regard. C’est ce que je retiens : les échanges, les retours profonds, les visiteurs qui prenaient le temps. C’est là que ça se passe vraiment.

Vue de l’exposition Be The Holy, PACT, 2025 photo Nicolas Brasseur
MdF. Quels sont les projets qui vous animent en ce moment ?
PAD. Nous allons continuer à faire ce que l’on aime : des expositions au sein de la galerie, rue des Gravilliers, et une fois par an, un projet plus large, hors les murs, dans un lieu différent. Be The Holy est le premier exemple de ce format. Ce ne sera pas forcément toujours entre art ancien et art contemporain — on aime explorer d’autres thèmes, d’autres croisements. On est avant tout une galerie d’art contemporain, on soutient les artistes que l’on suit depuis longtemps, et on veut continuer à les montrer.
Et surtout, on tient à ce que les gens viennent voir les expositions physiquement. On vit dans un monde hyper digitalisé, et Instagram ne remplace pas le face-à-face avec l’œuvre. Ce qu’on montre, c’est de l’art réel, de la peinture réelle, de la matière.
Avec : Jure Kastelic, Clément Bataille, Victoria Oresko, Maria Adjovici, Carlo Dolci, Eugène Appert …
Infos pratiques :
Be The Holy
Jusqu’au 15 juin
PACT-Hors les murs
11 rue Pastourelle, Paris 3
https://parisgalleryweekend.com/gallery/pact-2
A venir : Lise Soufflet
Le Ciel S’Inquiète
Du 5 juin au 12 juillet
PACT
70 rue des Gravilliers
Paris 3