Chaumont-sur-Loire, saison d’art 2025, rencontre avec Vincent Laval : « Rapporter une notion d’organique et de végétal dans un lieu qui est humain pour créer une forme de dialogue ». 

Vincent Laval, Plus loin dans la forêt photo Jean-Baptiste Monteil

C’est l’une des œuvres la plus en adéquation avec la place de la nature et la philosophie du Domaine de Chaumont-sur-Loire. Elle est dévoilée par Vincent Laval à l’occasion de la nouvelle saison et à l’invitation de Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine et commissaire des saisons d’art. La sculpture intitulée « Plus loin dans la forêt », a pris racine dans l’étable du verger du Bois des Chambres, l’hôtel éco-responsable conçu par Patrick Bouchain (parc des Prés du Goualoup) et intègre la collection des œuvres du Domaine. Diplômé de l’École Boulle et des Beaux-Arts de Paris, Vincent Laval est un artiste-marcheur-cueilleur qui conçoit l’espace forestier comme le prolongement de son atelier, attentif à ce que le sol de la forêt peut offrir dans un temps long qui n’a rien d’une forme de prédation. De longues phases de recherche et d’ajustement qui donnent naissance à des structures naturelles, cocon protecteur pour le corps de l’artiste face aux agressions extérieures. Entre refuge et hostilité, ces deux pôles jouent une partition où il est question des cabanes de l’enfance et des mystères du vivant. De David Thoreau à Gilles Tiberghien, les philosophes et naturalistes habitent sa démarche. Il revient sur l’emplacement de cette cabane, sa vocation et ce qu’il considère comme le sauvage, quand les éléments trouvent leur place loin de toute forme de domination. Il a répondu à mes questions. 

Pouvez-vous nous décrire votre sculpture ? 

Il s’agit d’une sculpture cabane, la 3ème réalisée à ce jour, les deux premières ayant des dimensions similaires mais plus en hauteur. Plus j’en réalise, plus elles se connectent au niveau du sol jusqu’à devenir des racines. Si je pouvais rentrer à l’intérieur de la première cabane, je devais me pencher à l’inférieur de la seconde alors que celle-ci est faite pour accueillir mon corps allongé. Une partie centrale qui impose d’avoir une position fœtale, prévue comme un cocon. Le philosophe Gilles Tiberghien qui a écrit sur les cabanes a parlé pour les qualifier de ventre hostile, un terme dans lequel je me reconnais car il est très parlant. Toutes ces épines, ces ointes acérées sont l’œuvre du vieillissement naturel. 

J’ai passé une grande partie lors des 3 mois de travail uniquement à l’intérieur. On se sent protégé de l’humain, de l’hostile et de soi-même.  Il y avait quelque chose de très agréable à juste y rester pour lire, observer, méditer. Une forme de lâcher-prise. Son titre est « Plus loin dans la forêt ».

Quel est votre processus de création ?

Je procède en 3 temps.

Le 1er temps est la marche et phase de recherche.

Le 2ème temps est celui de la cueillette, un travail où le bois est le cœur de la sculpture même si je prélève aussi d’autres matières. 

Enfin vient le temps de l’assemblage auquel on peut ajouter celui de la monstration et du dialogue avec le regardeur. La clé de ces sculptures est principalement ce travail de collecte de centaine de morceaux de bois. Cela démarrage par le sol puis au fur et à mesure la sculpture monte et s’invente par elle-même. Parfois j’ai des nécessités à obtenir des formes particulières ce qui implique de rester bloqué sur une zone. 

Vincent Laval au Bois des Chambres, Domaine de Chaumont-sur-Loire photo MdF

Comment s’opère la phase de collecte qui peut parfois être longue ?

Je recherche le duramen qui résiste à l’eau au cœur des forêts. Plusieurs d’entre elles me sont chères. Je procède par des cartes mentales à partir de de branches qui sont tombées depuis quelques années à un endroit spécifique, que je viens rechercher plus tard. Ce sont des marches longues qui parfois n’aboutissent pas. Selon les régions tous les morceaux de châtaigniers ne vieillissent pas de la même manière. J’ai passé quelques jours en Dordogne où je n’ai pas pu récupérer des morceaux de bois devenus inutilisables car ils avaient été cuits par le soleil.

Que pensez-vous de l’emplacement de l’œuvre à l’étable du verger du Bois des Chambres ? 

Je ne tenais pas à un endroit en particulier même si je connais bien les espaces d’expositions du Domaine. J’aime que les œuvre soient en cohérence et en dialogue avec des matières fortes, comme ce sol assez brut et ce mur de pierres. Ce sont des sculptures, les cabanes et les autres, prévues pour permettre cette connexion avec l’architecture : plafond, mur ou sol. 

Est-elle transposable dans une partie du parc ?

Elle perdrait je pense son sens en extérieur. J’ai eu l’opportunité d’exposer pour la Fiac Hors les murs dans les jardins des Tuileries une cabane dans une zone particulière au bord d’un bassin sur une partie en pierre, ce qui avait un intérêt. Mais il est vain de vouloir s’imposer et lutter contre la beauté de la nature. Nous sommes juste un lien entre ce que l’on peut y trouver et rapporter de ces beautés, la force dégagée est optimum selon moi quand la sculpture est dans un intérieur et en dialogue avec une architecture. 

Vous avez cité Gilles Tiberghien, y a-t-il d’autres influences autour des cabanes ?

Je suis un grand amateur d’aventuriers et de naturalistes américains comme John Muir qui a été précurseur dans le domaine de l’écologie en créant une association de protection d’un parc naturel qui existe encore aujourd’hui. Botaniste, géologue, explorateur, Il a découvert à travers ses marches, 63 glaciers. C’est quelqu’un qui part ses expériences a tenté de comprendre le plus possible ce que pouvait être le vrai sauvage comme lors de sa volonté d’expérimenter et de voir ce qu’était un arbre lors d’une tempête où il s’est accroché avec une corde à 30 m de haut pour voir le mouvement de la cime de l’arbre. 

Vos œuvres révèlent des contraires comme les forces à l’œuvre de la forêt 

Le rapport à l’enfance me parle énormément dans l’ensemble de mon travail et une notion d’intemporel. Une grande partie de mes sculptures auraient pu être crées il y a des milliers d’années comme aujourd’hui. Les contrastes forts entre la fragilité et la rudesse, la douceur de ce qui se passe à l’intérieur comme élément protecteur et l’hostilité de l’extérieur. C’est un écho de ce qui se passe dans le sauvage plus que dans la nature, cette dualité entre le puissant et le fragile. 

Qu’est-ce que selon vous le sauvage ?

Le sauvage est ce qui échappe à l’humain, au-delà de la nature. C’est accepter ce contraste dont je parlais. Dès l’instant où l’humain n’a plus la mainmise sur ces territoires, il y a à la fois la force et la fragilité qui opèrent. Pour moi le vrai sauvage c’est quand les éléments sont tous à leur place, là où ils doivent être sans forme de dominance. Je pense à ce parc national en Italie où l’on organise une réintroduction des loups qui se retrouvent aux côtés d’autres animaux, juste pour boire et sans penser à la chasse. C’est cela le vrai sauvage. 

A suivre mes impressions sur l’ensemble de la Saison 2025 dont l’exposition de Fabienne Verdier « Poétique de la ligne » dans le château, ou l’intervention de Sophie Xénon (Aisnerie) autour des techniques de l’histoire de la photographique également marquantes.

Infos pratiques :

Nouvelle Saison d’art de Chaumont-sur-Loire 

Expositions et installations d’art contemporain 

Jusqu’au 2 novembre 2025

Château, parc cet écuries 

Hôtel du Bois des Chambres 

https://domaine-chaumont.fr/fr/centre-d-arts-et-de-nature/saison-d-art-2025

Suivre Vincent Laval :

Vincent Laval (@vincent_laval)