AEQUO © Julia Borderie – Eloise Le Gallo, OVNi festival 2024, Chambres d’amis, WindsoR Hôtel
Directrice artistique d’OVNi depuis 2022, Nathalie Amae a donné une impulsion curatoriale d’une grande cohérence. Pour les 10 ans du festival, elle a choisi comme thématique « le Grand Jeu », titre d’une revue dissidente et visionnaire, publiée à la fin des années 20. Un état d’esprit qui correspond au pari fait par Odile Redolfi fondatrice du festival qui défend une version augmentée de l’art vidéo. Parmi les lieux emblématiques investis cette année : la Villa Éphrussi de Rothschild, avec le projet d’Hélène Delprat (artiste invitée 2024), la Fondation Maeght avec le 1er lauréat de la Carte Blanche Art & Science portée par la Fondation Louis Roederer et le Fresnoy, la Citadelle de Villefranche sur mer dans le cadre de la saison de la Lituanie en France, le 109 avec la proposition très aboutie de Pierre Giner ou la grotte du Lazaret avec Jérémy Griffaud, un habitué du festival. Entre fidélité et innovations, la recette se révèle gagnante autour de cette trilogie complémentaire : lieux patrimoniaux, chambres d’hôtel et art contemporain. Si d’autres déploiements sont envisagés (Monaco) le concept est de rester fidèle à la vocation première autour de certaines valeurs comme l’hospitalité. Nathalie revient sur ce qui l’anime et dévoile quelques temps forts du volet à venir Parcours Hôtels (30 novembre/1er décembre), autour du programme curateur invité et des Prix. Dans ce cadre, le groupe HappyCulture a rejoint le festival en devenant mécène, ce qui est une vraie reconnaissance. Si le format Biennal est retenu pour l’année 2025, OVNi continuera d’exister notamment à travers sa future plateforme.
Le choix du Grand Jeu : quelles sources d’inspiration ?
Le point de départ est le groupe d’adolescents et lycéens à Reims à l’origine de cette revue à leur arrivée à Paris entre 1928 et 1930. Leur but était de « tuer le surréalisme » Membres du groupe rémois Phrères Simplistes, ils se retrouvaient à Reims au Cosmos, boîte de nuit.
Le Grand Jeu c’est aussi politique avec ce que nous vivons actuellement et pour cette 10èmeédition je trouvais que le titre était un bon détonateur.
Nous poursuivons ou faisons des extensions par rapport à des projets initiaux. En ce qui concerne Odile qui aime bien jouer, cela correspondait à un pari et une histoire familiale avec les chambres du WindsoR qui sont rejouées à chacune des interventions d’artistes.
Quelles nouveautés ?
Nous avons un partenariat majeur qui a été impulsé par la Fondation Louis Roederer en la personne d’Audrey Bazin qui, au moment de son arrivée souhaitait renforcer leur soutien à l’émergence et créer un Prix autour de l’art vidéo. Le partenariat s’est réalisé avec le Fresnoy. Il s’agit d’une carte blanche Art & Science autour d’un projet d’un étudiant de première année, Alexandre Cornet, qui est accompagné par la Fondation. Nous avons alors la primeur de l’œuvre et du dévoilement du nom de l’artiste. De plus, c’est la première fois que nous sommes à la Fondation Maeght. C’est ce que j’appelle une synchronicité double avec une exposition d’Hélène Delprat prévue par Maeght l’année prochaine.
Vous avez animé une table ronde avec Yasmine Chemali directrice du Centre de la photographie à Mougins et Pascale Obolo à l’occasion de l’exposition de l’artiste américain Bayété Ross Smith : genèse du projet, les enjeux
Our Kind of People 2010 – en cours, Bayété Ross Smith courtesy the artist
Nous avons une complicité professionnelle avec Pascale et complémentaire qui a pour point d’articulation : « décoloniser l’art vidéo » à la fois comme recherche et propositions éditoriales et artistiques. Cette Conversation initiée par Yasmine nous a permis d’aborder la (re)construction nécessaires des Récits dans un contexte de décolonialité. Le récit des corps, notamment, la manière dont ils sont perçus ou comment ils personnifient des identités minoritaires de genre et de couleur. Le travail de Bayeté Ross Smith aborde l’enjeu du corps politico-artistique. Pour nous, il s’agit également de restituer cette notion de « qui parle pour qui », de mettre en exergue comment le regard sur l’autre élabore un corps-objet, qui en premier lieu, fut un sujet d’étude (anthropologique). Et comment, pour y échapper, les corps sont obligés de performer entre stratégie d’effacement ou stratégie de surexposition, notamment dans l’espace public.
Jéméry Griffaud intervient à plusieurs moments du Festival : une histoire de fidélité
Odile Redolfi l’avait déjà montré il y a 10 ans étant membre de plusieurs projets collectifs entre le Pavillon Bosio et la Villa Arson. Le festival a été le témoin de ses premières expérimentations et a joué un rôle de tremplin comme il l’explique volontiers. L’apothéose est cette année où il intervient à trois reprises. D’une part à la Grotte du Lazaret qui accueillait OVNi pour la première fois l’année dernière et une proposition inédite de Justine Emard. Par ailleurs et de façon simultanée, une commande lui a été passée par le Musée natinal Marc Chagall, pour une version immersive « sous le ciel », proposée en version VR dans une chambre dédiée à l’hötel WindosR.
Eric Oberdorff, Métamorphose 2023-2028 / Eric Oberdorff La Compagnie Humaine
Au sein du parcours Hôtels, l’espace de l’art concert investit également une chambre
Une vraie complicité anime les liens entre OVNi et Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l’eac et qui accompagne OVNi depuis le début de l’aventure. En 2022 le festival a été accueilli à l’eac qui nous a permis de proposer une exposition de vidéos issues de la collection LightCone et en coïncidence avec l’esprit de l’art concret . Cette année ils s’inscrivent dans le cadre du programme Curateur invité à travers une invitation faite aux artistes ayant fait œuvre dans les chambres du WindsoR entre les années 1990 et 2000, d’inviter à leur tour un vidéaste. Parmi eux, certains sont décédés, nous avons alors invités des curateurs pour leur rendent hommage. Fabienne intervient donc dans la chambre de Gottfried Honegger, en invitant l’artiste Ange Leccia. Une vraie histoire de fidélité. Cela illustre ce que disait Odile vis-à-vis des institutions qui ont appuyé le projet dès le départ. Dans le cadre de Chambre d’amis, Isabelle de Maison Rouge, commissaire et Guillaume Theulière, directeur des musées de Menton se sont associés autour d’une proposition de 4 artistes epxosés au NAP hôtel.
Quels nouveaux hôtels en 2024 ?
Nous accueillons le groupe HappyCulture présent avec le NAP, le Grimaldi et le Deck. Ce groupe est devenu mécène. C’est une vraie reconnaissance du travail entrepris par Odile en associant le patrimoine hôtelier avec le patrimoine culturel et l’art contemporain. Cet engagement renforcé est un signal fort pour le festival.
Autre partenariat avec le Pavillon Bosio
Tout à fait et nous avons noué un partenariat dès 2022 avec le Pavillon Bosio pour une accompagnement en scénographie par des étudiants diplômés (notamment pour la grande halle du 109). Cette année, nous inversons, ce sont des étudiants de la Villa Arson qui sont intervenus. Dès lors, nous avons invité le Pavillon Bosio à exposer leurs diplômés, très enthousiastes pour ce Grand Jeu !
Parmi les projets qui vous tiennent à cœur : faire d’OVNi une véritable plateforme, maintenant que le format devient Biennal
Nous pensons dans un premier temps à une accessibilité numérique en développant OVNI Online, l’idée étant de poursuivre l’aventure malgré un budget contraint, sachant que tous les artistes participants sont rémunérés.
En termes d’équipe, combien êtes-vous ?
Nous sommes deux avec Odile pour élaborer le projet général de l’édition. Aujourd’hui, s’ajoutent deux étudiants en Master en coordination de projets, un profil communication, un autre sur la médiation, nous sommes au moment fort du Festival six personnes. En parallèle, nous avons une équipe de production constituée d’une directrice de production Lili-Jeanne Benente et de son assistante. Ce qui fait un total de 8 personnes, ce qui est peu au regard des plus de 1000 artistes passés par OVNi depuis 2015 !
Quelle serait votre définition de l’art vidéo ?
L’art vidéographique, est un art de l’image, du son et du langage, un art de l’expérience, celui de l’engagement car il a été dès les débuts un relai pour l’activisme social et radical, la défense des minorités. Il est donc un art de la performativité de l’exitance, du temps, de l’esthétique, du récit aussi silencieux soit-il.
Je dirais surtout qu’il s’agit de l’art le plus avant-gardiste qui soit. Puisque c’est le seul qui, d’une part évolue constamment avec son outil technologique, et qui d’autre part est pratiqué par des millions de personnes au quotidien. Bien que l’on ait fêté soixante ans d’art vidéo en 2023, donc une pratique finalement récente, tout autant que le jeu vidéo, il y a fort longtemps qu’il n’est plus un « art de niche » comme on se complaisait à le décrire. L’art vidéo, nous permet de couvrir une production artistique visuelle et sonore, très large, dans un spectre technique qui part de l’électron et du cathodique et se prolonge par les expérimentations de création numérique (réalité virtuelle ou augmentée, jusqu’à l’I.A). J’ai quelque impatience à connaître ce qui suit !
Infos pratiques :
10ème édition Festival OVNi
Parcours Hôtels
Du 29 novembre au 1er décembre