Planches Contact 2024 : Interview avec Bettina Pittaluga, projet coup de coeur !

Bettina Pittaluga, In bed with, Planches Contact 2024 courtesy of the artist

L’une des révélations du festival Planches Contact 2024 est la photographe Bettina Pittaluga avec la série « In Bed With » (projet Besides Stories). Basé sur la notion d’intime, le projet met en scène différentes personnes autour de leur lit, sans jamais tomber dans le voyeurisme. L’approche est à la fois sociologique et artistique autour d’un objet quotidien devenu le prolongement de nos vies suite notamment au confinement. Photographe invitée en résidence par le festival, elle revient sur cette expérience. Elle évoque ses commandes en parallèle pour la presse (M Le Monde, Wall Street Journal Magazine, The New Yorker, Vogue) une approche complémentaire et essentielle pour « déconstruire les stéréotypes et célébrer l’authenticité ».

Photographe franco-uruguayenne, Bettina Pittaluga s’est spécialisée dans la prise de vue de moments de vie intimes et émouvants à travers son objectif. Son intérêt précoce pour la photographie a émergé à l’âge de 14 ans lorsqu’elle prenait des photos de ses amis et de sa famille. Après une formation de photo-journaliste, elle poursuit l’excellence académique, en obtenant une maîtrise en sociologie à la Sorbonne et une autre au Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées. La sociologie est devenue une révélation pour elle, lui offrant une manière structurée d’explorer ses questions et de contextualiser ses intérêts. Sa photographie, qui met l’accent sur l’authenticité, s’articule autour des personnes et de leurs histoires. Elle travaille principalement avec des films de format moyen, privilégie la photographie argentique et s’occupe souvent de l’impression de ses photos dans un souci du détail et du geste. 

Vous dévoilez à l’occasion de Planches contact la nouvelle série “In Bed With”. Comment en avez-vous fixé le cadre ?

« In Bde With/Bedside stories »  est le fruit d’une quête profonde pour explorer l’intimité humaine à travers le prisme du lit, cet espace à la fois familier et chargé de significations. En tant que sociologue et photographe, j’ai voulu créer un projet qui ne se limite pas à l’image, mais qui s’imbrique dans une réflexion sur les récits personnels de chacun. Lors de ma résidence, j’ai pris conscience que chaque rencontre dans ce cadre intime devenait un véritable dialogue, une confession où les mots et les images se nourrissent mutuellement. Le cadre est donc celui d’un échange authentique, où chaque personne se sent en sécurité pour partager non seulement son image, mais aussi ses pensées et ses émotions.

Le projet interroge la notion de l’intime : quelles limites vous êtes-vous fixées pour éviter le voyeurisme ou l’intrusion ?

La question de l’intime est cruciale dans ma démarche. J’établis des limites claires dès le départ : chaque sujet doit se sentir maître de son récit. J’invite mes participants à choisir ce qu’ils souhaitent révéler, tout en créant un environnement chaleureux et respectueux. Mon but n’est pas de voyeuriser, mais de célébrer l’authenticité. Je suis consciente que chaque histoire a son poids et sa valeur.

Bettina Pittaluga, In bed with, Planches Contact 2024 courtesy of the artist

Vous avez été en résidence de création à l’occasion de Planches contact : que retenez-vous de cette expérience à la fois individuelle et collective ?

Ma résidence a été un moment de conscientisation intense, où j’ai pu marier ma pratique artistique à ma réflexion sociologique. Évoluer parmi d’autres créateurs m’a permis d’échanger des idées, de nourrir ma vision et d’affiner mes questions sur l’intimité. J’ai compris que le lit, au-delà d’être un meuble, est un témoin des histoires humaines. Cette expérience m’a appris à apprécier le pouvoir du récit partagé ; chaque confession fait résonner une vérité plus large, enrichissant ainsi le projet d’une dimension collective. J’ai réalisé que ces échanges sont tout aussi précieux que les images elles-mêmes, créant un lien indéfectible entre le visuel et le verbal.

Vous collaborez régulièrement pour la presse ou la mode : en quoi ces commandes interagissent-elles avec votre pratique artistique ?

Mes collaborations avec des médias comme Le Monde ou The New Yorker nourrissent ma pratique d’une manière essentielle. Ces projets m’incitent à aborder des thèmes sociétaux tout en conservant ma sensibilité artistique. Ils me permettent d’interroger la condition humaine à travers des récits variés, où l’esthétique devient un moyen d’élever la voix de ceux qui ne sont pas souvent entendus. Chaque commande est une opportunité d’explorer des questions contemporaines tout en restant fidèle à ma vision : capturer la complexité des expériences humaines. Cette dualité entre commande et création personnelle me permet de redéfinir ce que la photographie peut accomplir.

Qu’est-ce qu’être photographe pour vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, être photographe, c’est s’engager à faire entendre des voix souvent marginalisées. Mon parcours en sociologie m’a appris que chaque image a le potentiel d’être un récit puissant. Je veux que mon travail serve de miroir à la diversité des expériences humaines, en déconstruisant les stéréotypes et en célébrant l’authenticité. La photographie est un moyen d’expression, un acte d’amour et de résistance. Chaque portrait que je capture est une invitation à ressentir, à réfléchir et à engager un dialogue sur ce que cela signifie d’être humain. Mon objectif est de transformer chaque cliché en une expérience immersive, où le spectateur peut se connecter aux récits de vie, ressentir les émotions et comprendre la complexité de notre monde contemporain.

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Infos pratiques :

Planches Contact, 15ème édition

Festival de photographie de Deauville 

partout dans la ville !

Jusqu’au 5 janvier 2025

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