Vue d’exposition, Myriam Mihindou, «Praesentia», Palais de Tokyo, 17.10.2024 – 05.01.2025. Crédit photo: Aurélien Mole © ADAGP, Paris, 2024
2020. Courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller Adagp 2024
Guillaume Désanges, fidèle à une écologie des pratiques, imagine une nouvelle saison pour le Palais de Tokyo sous le régimes de récits oubliés ou invisibilsés autour d’ancestralités opérantes, de spiritualités réparatrices et émancipatrices, de savoirs longtemps négligés. Les artistes Myrim Mihindou, Barbara Chase-Riboud (cf mon interview avec Guillaume Désanges lors de l’exposition de Barbara à la Verrière/ Bruxelles), Malala Andrialavidrazana et l’exposition « Tituba qui pour nous protéger ?», transcription poétique et ultra-marine du récit de Maryse Condé Moi Tituba, sorcière noire de Salem, dessinent une œuvre chorale, résiliente, incarnée.
Myriam Mihindou, « Praesentia »
« Le cuivre c’est un petit peu comme le sang qui circule dans mon corps » Myriam Mihindou
Le cuivre c’est l’eau et l’eau c’est la parole comme disent les Dogons.., telles sont les premières phrases de l’artiste franco-gabonaise Myrim Mihindou pour présenter le fil conducteur de son exposition « Praesentia » sous le commissariat de Marie Cozette, directrice du Crac Occitanie qui accueillera l’exposition à Sète. Artiste nomade qui se nourrit des récits, rencontres, pratiques curatives marginalisées, la performance a un rôle de matrice dès le départ avec son corps qui devient le vecteur d’une réécriture de l’histoire oppressive et dominante dont il faut exsuder les plaies et scories. A partir de la circulation et du caractère vibratoire du cuivre, elle dessine des tableaux messages et des arborescences où il est question de se reconnecter à son essence et à des récits mystiques.
A noter que l’artiste bénéficie d’une exposition au Musée du Quai Branly où elle rend hommage aux pleureuses punu, une pratique ancestrale et cathartique qui l’accompagne. (derniers jours).
Vue d’exposition, Malala Andrialavidrazana, «Figures», Palais de Tokyo, 17.10.2024 – 05.01.2025. Crédit photo Aurélien Mole.
Malala Andrialavidrazana
L’artiste franco-malgache investit la grande verrière du Palais de Tokyo le long de ce mur courbe de 60 mètres de long. Ses « Figures » immédiatement reconnaissables, sont réalisés à partir de photomontages numériques issus d’archives iconographiques héritées pour la plupart des 19e et 20e siècles, et qui renvoient aux imageries de la modernité concomitant à la colonisation. Une circulation accélérée des biens et des images, imposée par le capitalisme qui repose sur l’extraction des ressources naturelles et la domination des corps.
A grande échelle ce panorama est très impressionnant !
Vue d’exposition, Barbara Chase-Riboud, «Quand un nœud est dénoué, undieu est libéré», Palais de Tokyo, 17.10.2024 – 05.01.2025. Crédit photo Aurélien Mole
Barbara Chase-Riboud
Ecrivain, poète et artiste américaine qui a des liens importants avec Paris où elle réside depuis 1961, elle est mise en lumière par huit musées parisiens dont le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou…Une reconnaissance tardive et nécessaire comme le souligne Guillaume Désanges. Dessins, sculptures monumentales qui associent le bronze, à la soie et la laine, l’abstraction et le figuratif, il est question chez elle du destin de la diaspora africaine, dans une lecture mouvante et intuitive.
Vue d’exposition, «Tituba, qui pour nous protéger? », Palais de Tokyo, 17.10.2024 – 05.01.2025. Crédit photo Aurélien Mole
Tituba, qui pour nous protéger ?
L’exposition envisage le rôle de protection spirituelle et d’amis imaginaires que jouent nos défunts, nos souvenirs, nos mythes, nos rêves et l’invisible dans nos quotidiens. Réunissant des pratiques diverses (sculpture, film, photographie, peinture, installation…), « Tituba, qui pour nous protéger ? » présente des récits qui se déploient à une échelle à la fois intime et collective, transgénérationnelle et historique mais également symbolique et matérielle. Les 11 artistes réunis sont basés en France mais aussi en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis sous le commissariat d’Amandine Nana, curatrice au Palais de Tokyo mais aussi poète et chercheuse.
Dans le journal qui accompagne la Saison, intitulé « Ancestraliés », l’une des artistes Claire Zaniolo, chercheuse et directrice artistique franco-guadeloupéenne se saisit de la photographie argentique dans le cadre de ses recherches sur les afrodescendants. Avec « Portrait des mien.nes » elle raconte son retour en Guadeloupe après 15 ans « d’absence, de silence et de tabous ». Les peintures et dessins de l’artiste américaine Naudline Pierre aux textures précieuses et tourbillonnantes mettent en scène des figures ailées animées d’esprit de guérison et de salut.
Ines Di Folco Jemni artiste franco-tunisienne que j’avais découverte à Art-o-rama Marseille, galerie Sissi Club, a bénéficié d’une exposition aux Magasins Généraux « le Salon des songes ». Ses œuvres guidées par une quête du sacré dans le quotidien et une perspective décoloniale. Entre photographies d’archives familiales, imagerie populaire, mythes caraïbéens, ses toiles tissent des mondes et des visions pleins de sortilèges.
Myriam Charles, réalisatrice et photographe canadienne d’origine haïtiene, avec son premier court métrage « Cette maison » rend hommage à sa cousine Teresa Alexis Wallace, décédée à l’âge de 14 ans. Entre la perte et les moments de retrouvailles, il est question de deuil et de migration.
A découvrir également ,
Dans le cadre de Saison de la Lituanie en France :
« Les Frontières sont des animaux nocturnes / Sienos yra naktiniai gyvūnai » un projet coorganisé par le Palais de Tokyo à Paris, KADIST Paris et le Centre d’art contemporain de Vilnius.
Cette exposition collective présente une douzaine d’artistes de plusieurs générations, pour la plupart lituanien·nes, mais également installé·es dans cette région et en France. Le projet tire son origine des troubles géopolitiques actuels causés par la guerre en Ukraine et suit la multitude de ruptures et d’ondulations qu’elle provoque dans le temps et l’espace. Deux ans après le début de l’invasion, quelle normalité est encore possible dans la zone de conflit, alors que nous assistons à une répétition de l’histoire ? En utilisant les formes, l’imaginaire et la poésie comme outils politiques, l’exposition tisse un fil fragile entre des histoires coloniales complexes, la diversité des réalités d’aujourd’hui et la nécessité de créer des visions pour l’avenir.
Parmi les artistes, le collectif « Beyond the post-soviet Btps» fondé en 2021 dans un esprit non hiérarchique qui créé pour l’exposition une archive sonore à plusieurs voix et invite l’artiste ukrainienne Anna Zvyagintseva basée à Kiev à concevoir une installation pensée comme un lieu d’écoute et de partage. A KADIST, Btps pourquit une colleboration avec l’artiste Danylo Haolkin autour d’une série de vitraux évacués de sa ville natale de Dnipro en Ukraine.
Le titre de l’exposition fait référence à l’essai de Luba Jurgenson, Quand nous nous sommes réveillés. Nuit du 24 février 2022 : invasion de l’Ukraine (Verdier, 2023) : « Les frontières sont des animaux nocturnes, elles bougent pendant que nous dormons. Il faudrait toujours veiller. »
L’exposition est présentée simultanément au Palais de Tokyo et à KADIST Paris, à l’automne 2024. Une version finale aura lieu au Centre d’Art Contemporain de Vilnius en 2025.
Parcourir le Magazine du Palais de Tokyo, PSL
5 euros, bilingue, numéro 38 (disponible à la librairie)
Infos pratiques :
Nouvelle Saison, Automne 2024
« Praesentia » Myriam Mihindou
« Quand un nœud est délié, un dieu est libéré » Barbara Chase-Riboud
« Figures » Malala Andrialavidrazana
« La ELLE » Renée Levi
« Tituba, qui pour nous protéger ? »
« Les frontières sont des animaux nocturnes » Saison de la Lituanie en France
« Stone Speakers » Juilan Charrière
Jusqu’au 5 janvier 2025