Photo Days, 5ème édition : Interview Emmanuelle de l’Ecotais

© Carline BOURDELAS, 2024 · courtesy de l’artiste et Photo Days

Le temps d’un mois, 75 lieux dont 35 galeries, plus de 180 artistes, 5 foires et 2 festivals sont réunis par Photo Days. Fidèle à ses valeurs et convictions, l’association a connu une croissance exceptionnelle, organisé 25 expositions avec une attention particulière aux artistes femmes et à la scène française. Le soutien à l’émergence est au cœur de ses missions comme le précise Emmanuelle de l’Ecotais, directrice, avec la création du Grand Prix pour la Photo. 

Parmi les temps forts et nouveaux lieux 2024 : le Carrousel du Louvre, autour d’une série inédite par Juliette Agnel, le Cinéma L’Arlequin, avec une proposition d’Ariane Michel, et SPOT24, qui expose la lauréate du Grand Prix, Letizia Le Fur. De plus, à l’occasion de cette édition anniversaire, Photo Days publie un catalogue rétrospectif (soutien de la Fondation Antoine de Galbert). Emmanuelle de l’Ecotais a répondu à mes questions. 

Emmanuelle de l’Ecotais © Marjolijn de Groot

Emmanuelle de l’Ecotais est commissaire d’expositions indépendante, expert, conseil et directrice de Photo Days.

Docteur en Histoire de l’Art spécialisée en photographie, Emmanuelle de l’Ecotais a été chargée de la collection photographique du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris de 2001 à 2018, et en charge de la collection Man Ray au Centre Pompidou de 1994 à 1999. Elle a organisé un grand nombre d’expositions en France et à l’étranger, parmi lesquelles Man Ray, la photographie à l’envers (Centre Pompidou/Grand Palais 1998), Rodtchenko, la révolution dans l’œil (Musée d’Art Moderne, 2007), Objectivités, La Photographie à Düsseldorf (ARC, 2008), Henri Cartier-Bresson (MAM, 2009), B&A Blume (Maison Européenne de la Photographie, 2010), Shape of Light, 100 Years of Photography and Abstraction (Tate Modern, Londres, 2018), Man Ray (Centro Cultural do Banco do Brasil, 2019-2020), ou encore Jean-Philippe Charbonnier, raconter l’autre et l’ailleurs (Pavillon populaire de Montpellier, 2020), French Photography today : a new vision of reality, (Sungkok Museum, Séoul, juin-août 2024). Elle est l’auteur de plusieurs livres et participe à de nombreux jurys et comités d’acquisitions pour des institutions prestigieuses. 

Marie de la Fresnaye. Depuis notre rencontre en 2020, année de lancement de Photo Days, quel regard portez-vous sur ces années ?

Emmanuelle de l’Ecotais. C’est une vaste question et à l’occasion de cet anniversaire nous avons justement publié un catalogue qui permet de réaliser le chemin parcouru. Le bilan est très positif avec une trentaine d’expositions produites et soutenu chacun.e des artistes à travers les cartes blanches dans des lieux atypiques et méconnus. Un soutien à la création contemporaine et la découverte de lieux font partie de notre ADN. J’aime l’idée que nous sommes facilitateurs et initiateurs de rencontres et de projets d’expositions et d’éditions notamment à travers la lecture des portfolios. Nous sommes dans une super dynamique qui est très productive et bénéfique pour les artistes, ce qui était notre objectif de départ. Je suis contente mais pourvu que cela dure ! Nous restons très tributaires de nos partenaires et mécènes. C’est vital pour nous ayant très peu de subventions, mise à part celle de la Région Ile de France. Notre cercle d’amis est un grand soutien également. L’ensemble des évènements reste gratuit, c’est ce qui nous motive.

© Juliette AGNEL, 
Zanthoxylum zanthoxyloides, 2024 
courtesy of the artist, Photo Days & Galerie Clémentine de la Féronnière

MdF. En quoi votre offre s’est-elle renouvelée ? Quelles évolutions avez-vous remarqué ? 

EdL. Je tiens à garder une certaine rigueur dans notre façon de travailler afin de créer une réelle connexion entre le lieu et les artistes exposés. C’est compliqué à mettre en place mais quand c’est réussi, très satisfaisant. A travers le format carte blanche, nous nous adaptons à de multiples propositions et variations de mediums.

Par exemple, Ariane Michel a conçu une véritable installation pour le cinéma l’Arlequin avec des tirages sur tissu, de la video et du son. J’aime créer des ponts entre les différentes pratiques comme nous le proposons également avec le spectacle de théâtre photo documentaire en association avec Photo Doc. Autant de nouvelles façons d’aborder la photographie qui reste un medium très ancien. Le croisement de toutes ces disciplines est passionnant. Nous favorisons ce mélange avec les arts vivants, l’année dernière avec la danse, cette année le théâtre et un sujet original autour de la perle dans le cadre de notre partenariat avec la Maison Van Cleef & Arpels. L’idée est de s’ouvrir au maximum. 

© Letizia LE FUR 
Le Beau Jeu, 2024 
courtesy de l’artiste, galerie Julie Caredda et Photo Days

MdF. L’affiche commandée à l’artiste Quentin Guichard que cherche-t-elle à traduire ?

EdL. Dans le cadre de la mise en place de nouveaux outils de communications, l’agence Mouvement à qui nous avons fait appel nous a suggéré l’idée de « la photographie s’empare de Paris ». Le photographe plasticien est allé collecter les lettres dans l’espace. Le résultat est très parlant avec Paris révélé par tous ces détails. 

MdF. Quels lieux atypiques participent-ils à cette édition 2024 ?

EdL. Le lieu le plus atypique pour moi cette année est le Carrousel du Louvre qui n’est pas muséal malgré son emplacement mais hybride et populaire à travers de multiples évènements. Nous avons passé une commande à Juliette Agnel qui est partie au Bénin pour réaliser ce projet intitulé « Dahomey Spirit » s’inscrivant dans le cadre de ses recherches sur les plantes témoins du changement climatique. Une expérience décisive pour l’artiste sur « la terre où est né le Vaudou » comme elle le précise. 

Le cinéma l’Arlequin est également un lieu mythique à Paris qui n’avait jamais encore été investi de la sorte par Ariane Michel qui a dépassé le cadre imparti au départ pour diffuser une installation sonore et filmique dans une sorte de décor fabriqué par ses soins.

L’on peut également citer la Bibliothèque de l’Hôtel de l’Industrie qui est habituellement fermée au public avec le projet expérimental inédit d’Anaïs Tondeur « Lorsque le monde était rire » autour des frères Lumière. 

© Fatoumata DIABATÉ 
J’ai été brûlé vif, 2024 
courtesy de l’artiste et Photo Days

MdF. Quelle part de productions ?

EdL. Cette année nous fédérons 91 lieux et nous produisons 6 expositions. Ce volet correspond à la plus grande partie de notre travail. 

En ce qui concerne l’organisation du festival, l’accès à tous les lieux est une valeur forte pour nous, accompagné d’un important travail de médiation culturelle (visites guidées…). Un véritable travail d’éducation à l’image.

MdF. Quelle est votre définition de la photographie ?

EdL. Rires. Quelle question ! Pour moi la photographie est un medium comme un autre avec juste une qualité supplémentaire, à savoir nous obliger à nous poser la question de ce que l’on regarde, de ce qu’est le réel. Plutôt que de partir du constat que la photographie est le reflet du réel, je préfère prendre la posture inverse. Savoir se méfier des apparences…

Chiffres clés :

● mois
●  commandes aux artistes

●  75 lieux participants avec 35 galeries, 21 institutions, 17 lieux atypiques

● 13 événements
● foires et festivals
● 60 visites guidées
● avec plus de 180 artistes 

Infos pratiques :

Photo Days 2024 

Paris et Ile de France 

Du 2 au 30 novembre 

Agenda

Carte 

https://photodays.paris