Thomas Mailaender De la série « Extreme Tourism », 2011 © Thomas Mailaender
Il y a des artistes qui connaissent d’un coup une sorte d’épiphanie, c’est le cas du marseillais Thomas Mailaender représenté par la galerie londonienne Michael Hoppen qui cumule les actualités et s’exporte remarquablement à l’international (Rencontres d’Arles, Tate, FOMU, SFMOMA, Saatchi Gallery…). Simon Baker, directeur de la MEP lui donne carte blanche sur les 3 étages de l’institution parisienne, soit 800 m², un vrai cadeau. On frise parfois l’overdose devant ces archives de nos vies collectées, disséquées et transformées selon de multiples processus. Un flux en continu qui avale et qui recrache, miroir tendu à nos addictions et pulsions scopiques.
De la série « Illustrated People », 2013 © Thomas Mailaender
L’artiste ouvre le parcours en mangeur de négatifs, geste subversif autant que blasphématoire, tandis qu’un voilier de seconde main (merci le Bon Coin, partenaire de l’exposition, comme on le répète lors du vernissage) vogue sur les eaux tumultueuses de nos déchets fossilisés. La matérialité de l’image, son régime de diffusion et sa valeur sont passés à la moulinette et nous devenons partie prenante d’un jeu aussi séduisant que pervers. Serez-vous vous l’heureux gagnant de la super loterie imaginée par l’artiste ou allez-vous prendre la pause instagram devant un wall- paper en lave de volcan prêt à vous cuire un œuf ?
Thomas Mailaender De la série « Les Belles Images », 2010 © Thomas Mailaender
Pratiques inhabituelles (l’argile, la lave, la résine, le papier mâché, le placoplatre, l’émail), supports non conventionnels (la peau, une salle d’exposition devenue photosensible), les séries défilent, certaines plus anciennes, d’autres conçues pour l’occasion : « Fail Anthology », « Extrem Retouch », « Chemical Room », véritable laboratoire in process, transformant l’espace d’exposition en studio de travail comme il l’avait fait au Centre photographique de Marseille (Grand Arles Express). De « Belles Images », titre de l’ensemble qui reprend cette série d’images de presse puisées dans la rubrique fait divers qui se voient magnifiées et rehaussées dans des cadres fabriqués à la main et émaillés. Une archéologie visuelle en devenir alimentée par la propre collection de l’artiste qui est un amateur compulsif d’images et d’artefacts « The Fun Archeology » est le titre de sa collection. On se croirait chez Martin Parr par endroits même si Thomas Mailaender ne se retrouve pas totalement dans la comparaison. Plus il y a d’imperfections dans les cadrages ou les montages, plus cela est recherché par l’artiste qui va jusqu’à envoyer à des studios de retouche en Inde des images ratées. Si le soleil couchant reste un motif récurrent de notre panthéon d’images, dès lors qu’il fait la couverture de divers livres, sérieux ou non, il perd son potentiel évocateur.
Thomas Mailaender De la série « Life and Adventures of a Silver Woman on Planet Earth », 2024 © Thomas Mailaender
Séquence émotion avec l’histoire de Rosemary Jacobs, victime d’empoisonnement au nitrate d’argent suivant recommandation médicale que l’artiste est allée rencontrer au Etats-Unis. Elle lui a confié ses propres archives. Et quand on sait que Thomas Mailaender participe à de nombreuses campagnes publicitaires, cela boucle la boucle de l’obsolescence programmée et du temps de cerveau captif. Chapeau l’artiste !
Anne-Lise Seusse Les enfants du Palais sous la mer, le gant 2024
A ne pas manquer également lors de votre visite la démarche d’ Anne-Lise Seusse (Studio) « Les enfants du Palais sous la mer » à partir de ses recherches autour des colonies de vacances des classes populaires et loisirs en plein air de l’après-guerre. Des vestiges intimes et collectifs saisis de nostalgie autour de la mémoire visible et invisibles des lieu.
Infos pratiques :
Thomas Mailaender
« Les Belles Images »
Jusqu’au 29 septembre
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