Interview Irene Aristizábal, directrice du Frac Poitou-Charentes 

© Lola Gonzàlez | Les Anges [photogramme] , 2017 | collection Frac Poitou-Charentes | Graphisme par Pierre Tandille

A l’occasion de la 10ème édition de la Biennale de Melle à laquelle s’associe le Frac Poitou-Charentes, entretien avec Irene Aristizábal, directrice depuis mars 2024 qui nous dévoile les priorités qui l’anime et les axes de son projet ancré dans l’écosystème contemporain local et contexte rural. Le soutien à la création et l’internationalisation du Frac ainsi qu’un chantier de rénovation pour les sites sont également à l’ordre du jour.

Marie de la Fresnaye. Le Frac Poitou Charentes est l’un des 3 Frac de la région Nouvelle-Aquitaine, quel est son ADN ?

Irene Aristizábal. Créé en 1983, le Frac Poitou-Charentes se déploie sur deux sites : l’un à Angoulême, sur les bords de la Charente, dans le quartier de l’Houmeau avec une architecture
contemporaine signée Jean-Marie Mandon qui accueille depuis 2008 les expositions, le
centre de documentation et les bureaux du personnel. Le second à Linazay (entre
Angoulême et Poitiers) dans un espace architectural singulier en zone rurale reconfiguré par
Jean-Pierre Fauvel, dédié aux réserves ainsi qu’à des espaces d’expérimentation et
d’exposition.

Le Frac Poitou-Charentes a pour mission de constituer et de diffuser sa collection d’art
contemporain au plus grand nombre dans sa région d’implantation — la Nouvelle-Aquitaine
— et au-delà, et soutenir les artistes et commissaires d’exposition. Sa collection, forte de 1
086 œuvres, reflète l’actualité et la diversité des enjeux et des pratiques artistiques des 40
dernières années, avec une attention portée, dès les années 90, aux artistes émergents. Le
fonds présente un tiers d’œuvres photographiques ainsi qu’un beau corpus d’œuvres liées à
l’esthétique relationnelle et d’œuvres d’art conceptuel.

Irene Aristizábal dans l’œuvre Floppy Forrest, Bea McMahon, 2021 © Barbara Fecchio

MdF. Quel projet y défendez-vous ?

IA. Le Frac Poitou-Charentes est à un tournant clé de son histoire. Mon projet pour celui-ci s’intitule Autopoïese et interdépendance radicale. J’envisage un Frac centré sur le partage et le
développement durable, axé sur ses communautés, positionnant les artistes au cœur de toutes
ses activités. Le Frac doit soutenir la production artistique, le développement professionnel et la visibilité nationale et internationale des artistes et des commissaires d’exposition en
Nouvelle-Aquitaine. Pour que le Frac participe à la valorisation de l’écosystème de l’art
contemporain régional, il est essentiel d’établir des échanges actifs autour de co-productions, de partenariats et de collaborations avec les autres structures artistiques et culturelles en
Nouvelle-Aquitaine, mais aussi avec des centres d’art et des musées dans le reste de la France
et à l’étranger.

Aller à la rencontre des habitants de Nouvelle-Aquitaine, de tous âges et de tous milieux, qu’ils résident à proximité ou qu’ils soient plus éloignés, en ville ou en contexte rural et qu’ils soient familiers ou non avec l’art contemporain, sera une démarche essentielle pour le Frac en 2024 – 2028. Les contextes ruraux seront prioritaires pour le rayonnement régional du Frac. Il ne s’agira pas seulement d’offrir des opportunités de rapprochement et d’éducation à l’art contemporain à travers la collection, des expositions, des évènements et la médiation, mais aussi de créer des espaces et temporalités qui facilitent la participation et la co-création. Les deux sites du Frac sont des points clés pour le rayonnement dans son territoire, et le projet propose un chantier de rénovation pour chacun d’eux sur les trois années à venir afin de les transformer en lieux vivants, accueillants et conviviaux pour toutes et tous.

La collection du Frac, qui regroupe des pratiques très diverses, est au centre de ses activités. Un grand chantier de collection, comprenant le récolement, la documentation, l’écriture autour de la collection et la conservation de celle-ci sera lancé dès 2025. Être à l’écoute des créateurs en Nouvelle-Aquitaine pour mieux les soutenir et les accompagner sera également une action essentielle pour le Frac en 2024 – 2028. En collaboration avec Documents d’artistes Nouvelle-Aquitaine, le Réseau Astre, le Frac Nouvelle-Aquitaine Méca, le FRAC – Artothèque Nouvelle Aquitaine, entre autres, le Frac mettra en place une programmation en soutien à la professionnalisation et à l’expansion des réseaux des artistes et commissaires de la région, à travers de rencontres, d’ateliers, de résidences, mais aussi d’opportunités pour développer des projets et des évènements.

L’amplification du rayonnement international du Frac est un enjeu majeur pour les prochaines années. Cela se fera au travers de collaborations multiples, telles que des co-productions d’œuvres et d’expositions, ainsi que des projets d’expositions itinérantes initiées par le Frac ou en collaboration. Les partenariats en région avec des partenaires culturels mais aussi hors du champ artistique, ainsi qu’avec des établissements scolaires seront renforcés et renouvelés. De nouveaux formats de résidences artistiques et des projets de co-création seront développés.

© Lola Gonzàlez | Les Anges [photogramme] , 2017 | collection Frac Poitou-Charentes | Graphisme par Pierre Tandille

MdF. Quelle est la genèse de l’exposition de Lola Gonzàlez ?

IA. À mon arrivée au Frac j’ai voulu inviter un.e artiste qui incarne le nouveau projet du Frac autour de ses valeurs – partage, équité, innovation – et qui soit en lien avec le territoire local. Je suivais depuis plusieurs années le travail de Lola Gonzàlez que j’ai rencontré pour la première fois lors d’une exposition à sa galerie – Marcelle Alix à Paris. Elle développe sa pratique artistique autour du partage, de l’amitié et de l’exploration de langages multiples – oralité, corporalité et gestuelle, ce qui m’a paru extrêmement pertinent pour la première exposition de mon projet pour le Frac. À cela s’ajoute le fait que le Frac a acquis en 2017 sa vidéo Les anges (2017) et que Lola est une artiste du territoire local avec un parcours national et international, qui a d’ailleurs récemment décidé de retourner en Nouvelle Aquitaine pour créer un lieu de création et de convivialité à Lisle en Dordogne (La maison dans laquelle). Je me réjouis que Lola ait répondu avec grand enthousiasme à cette invitation. L’idée a été de donner à voir une riche sélection de ses vidéos créées au cours de ces 13 dernières années.

MdF. Qu’évoque le titre choisi ?

IA. Exfaristo poli, le titre de l’exposition, est emprunté à la langue grecque, et veut dire merci. Lola Gonzàlez a grandi à Angoulême et pour sa première exposition personnelle sur le territoire qui l’a vu grandir, elle a voulu faire un clin d’œil à tous ceux et celles qui l’ont soutenue au fil des années et qui ont eu un impact sur son parcours artistique.

MdF. Vous êtes partenaire de la Biennale de Melle : en quoi consiste ce partenariat ?

IA. Le Frac Poitou-Charente soutient la biennale de Melle depuis plusieurs années. En 2022, notamment, le Frac a réalisé le commissariat de la biennale. Pour cette nouvelle édition de la biennale dont Evariste Richer est le commissaire, nous sommes ravis d’avoir mis en place un partenariat avec la biennale autour du prêt de 8 œuvres de la collection du Frac, pour lesquelles le Frac assume le coût des droits d’auteur. Notre partenariat se porte aussi sur le voyage de presse.

Infos pratiques :

Lola Gonzàlez : EFXARISTO POLI
du 28 juin au 3 novembre 2024

Frac Poitou-Charentes

SITE D’ANGOULÊME

https://www.fracpoitoucharentes.com/exposition

La Biennale de Melle, 10ème édition

« Nous merveillons »