Vue de l’exposition Regenerative Futures, Fondation Thalie Bruxelles photo Hugard & Vanoverschelde
Espace d’exposition à Bruxelles et désormais Arles, plateforme de rencontres, résidence d’artistes, la Fondation Thalie à l’occasion de son 10ème anniversaire nous livre une exposition à valeur de manifeste Regenerative Futures, agissant sous le prisme de recherches interdisciplinaires afin d’élargir les imaginaires vers de possibles récits prospectifs face aux enjeux de la transition. Nathalie Guiot, mécène et collectionneuse, Présidente de la Fondation et à l’origine de ces multiples initiatives et collaborations, retrace cette aventure unique qui ne cesse de se redéployer et de se réinventer. Elle a répondu à mes questions.
Nathalie Guiot, fondatrice et présidente de la Fondation Thalie photo Lydie Nesvadba
L’exposition Regenerative Futures dont vous partagez le commissariat avec Yann Chateigné Tytelman propose d’incarner les enjeux qui animent la Fondation : quels partis pris vous ont-ils guidée pour la mettre en œuvre ?
La célébration des 10 ans de la Fondation a été l’opportunité de réfléchir de façon rétrospective à ce que nous avons construit et structuré au fil des ans : depuis l’ouverture d’un lieu à Bruxelles en 2018 avec un programme d’expositions, de résidences, une collection d’art et des événements hors-les-murs, jusqu’à l’inauguration en 2023 d’un espace saisonnier à Arles.
Depuis 4 ans nous avons par ailleurs réorienté une partie de notre programmation sous le prisme de la transition climatique et du rôle de la création contemporaine pour sensibiliser et agir face à l’épuisement des ressources planétaires. Lancé en 2020, le programme de rencontres et de podcasts « Créateurs urgence Climat »,mené depuis 2 ans en partenariat avec l’École des Arts Décoratifs, invite artistes, scientifiques et penseurs de notre temps à partager leur expertise et susciter des collaborations interdisciplinaires sous l’angle de la transition.
L’exposition Regenerative Futures a donc été pensée à la fois de manière rétrospective en se plongeant dans la collection de la Fondation, en valorisant les savoir-faire et l’intelligence de la main qui font partie de l’ADN de la Fondation. Mais elle se veut également annoncer et ancrer la réorientation de nos activités vers le champ du design et de la prospective, en montrant les recherches de designers invités dans le cadre de notre programme « Créateurs Urgence Climat ».
A l’aune de cette célébration des 10 ans, il nous paraissait essentiel d’adresser un message d’optimisme en montrant les solutions qui existent déjà pour répondre aux enjeux de notre temps.
Vue de l’exposition Regenerative Futures, Fondation Thalie Bruxelles photo Hugard & Vanoverschelde
La rencontre art et design dessine l’arborescence de cet écosystème vertueux que vous souhaitez incarner : comment ont été sélectionnés artistes et designers ?
Durant plusieurs mois nous avons mené un travail de réflexion pour faire dialoguer une sélection d’œuvres de la collection de la Fondation avec des propositions en design de solutions. Issues de la collection, les œuvres de Latifa Echakhch, Benoît Platéus, Solange Pessoa, Michel Blazy ou encore Alina Szapocznikow traduisent notamment une forme de pensée végétale et organique que nous avons mis en dialogue avec des proposition en design de solutions.
La programmation du podcast Créateurs Urgence Climat a infusé la sélection des designers invités, nous avons souhaité montrer les recherches d’intervenants que nous avions invité dans le cadre du programme. Marlène Huissoud par exemple avec ses mobiliers conçus en cocons de vers à soie questionne la temporalité des procédés de production en faisant appel au temps long. Natsuko Uchino, artiste japonaise formée aux Etats-Unis, déploie une grande tenture en laine teintée avec des fleurs collectés sur les bords de voies ferroviaires dans le Lot, et fait le lien avec le monde rural et agricole. Noémie Sauve présente ses productions de dagues en bronze et en céramiques issues de sa résidence Tara Océan.
Nous avons souhaité créer la rencontre entre un large public et ces designers qui proposent de concevoir et de produire à partir de matière naturelle, souvent d’ailleurs à partir de déchets à valoriser (squelettes d’oursins, algues sargasse, etc).
Vue de l’exposition Regenerative Futures, Fondation Thalie Bruxelles photo Hugard & Vanoverschelde
De nouvelles commandes ont été réalisées in-situ à cette occasion, pouvez-vous nous en décrire quelques-unes ?
A l’aune de ce 10ème anniversaire, il me semblait important de valoriser l’architecture caractéristique de la Fondation, une maison patrimoniale des années 1920, à travers des commissions in situ d’artistes dont je suis le travail depuis plusieurs années.
L’artiste textile Adélaïde Feriot, résidente à POUSH et qui travaille le velours peint, s’est notamment inspirées des feux de forêts en Gironde, sa région natale, pour concevoir une installation monumentale dans la cage d’escalier : trois panneaux de velours peint se déploie et reprennent les motifs des arbres en feu d’après d’images qu’elle a prises avec son téléphone. Le feu étant à la fois symbole de destruction et de régénération, cette œuvre fait le lien dans le parcours entre le rez-de-chaussée orienté vers le design de solutions et le premier étage qui investigue nos relations aux non-vivants, aux gestes et à la matière.
Nous avons également invité le jeune collectif bruxellois Bento Architecture (co-commissaire du Pavillon Belge de la Biennale d’Architecture de Venise 2023) à concevoir une éco-scénographie en béton de chanvre. A partir de matériaux naturels et sourcés localement, ils proposent une scénographie entièrement compostable à l’issue de l’exposition et dont l’installation a été permise grâce à un chantier participatif favorisant l’insertion professionnelle.
Nous avons souhaité par ce biais mettre en avant les solutions qui existent pour produire des événements artistiques grâce à des circuits vertueux de conception et de transformation des matériaux.
Vue de l’exposition Regenerative Futures, Fondation Thalie Bruxelles photo Hugard & Vanoverschelde
À un niveau plus personnel : quelles rencontres ont été particulièrement impactantes pour la genèse et l’évolution de la Fondation ?
La rencontre avec le designer Samuel Tomatis a été une révélation. Je l’ai découvert grâce au formidable travail de Marie-Ange Brayer conservatrice en chef au Centre Pompidou qui se dédie à la prospective dans le champ du design et en particulier des innovations autour de la fabrique du vivant, thème d’exploration qu’elle a initié il y a quelques années sous un format d’exposition. C’est là où j’ai découvert le travail de Samuel à travers cet alphabet de formes en vannerie, composé à partir d’algues sargasse, algues qui sont considérées comme des déchets et que le designer a transformé en objets du quotidien : sac à dos, pâte à papier, panneau de revêtement. Il y a à la fois une dimension esthétique car les objets révèlent une dimension plastique forte et en même temps, il y a aussi un aspect plus industriel très concret car ces objets ont une valeur d’usage et ils ont vocation à nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles.
Infos pratiques :
Exposition Regenerative Futures
Du 13 avril au 28 septembre 2024
Activités
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Fondation Thalie