Johan Creten et l’équipe de la Triennale de Beaufort 2024, La Solfatara, janvier 2024
A l’occasion de sa participation à la Triennale de Beaufort 24 (Flandre), Johan Creten nous reçoit dans le superbe atelier qu’il partage avec Jean-Michel Othoniel à Montreuil : La Solfatara. L’œuvre « THE HERRING » qu’il a imaginé sera sans aucun doute l’un des symboles fort de cette 8ème édition : une femme placée à la lisière des dunes et soumise à l’action de la marée, à l’emplacement d’une légende mystérieuse. Un défi technique important qui a nécessité l’intervention de 45 personnes. De plus, Johan Creten est l’invité d’honneur de la nouvelle foire ceramic brussels, ce qui a suscité chez lui une certaine surprise et appréhension comme il le souligne. Autre actualité parisienne cette fois, son solo show à la galerie Perrotin Matignon intitulée « How to explain the sculptures to an influencer ? » qui ouvre cette semaine. On verra également en 2024 ses œuvres à Orléans et en région nantaise. Tout un programme qu’il nous dévoile avec la passion qu’on lui connait.
Johan Creten A Sheep Called Bedotte © Courtesy of the Artist and Almine Rech Photo: Hugard & Vanoverschelde
Vous dîtes réaliser un rêve à l’occasion de la Triennale de Beaufort qui rejoint un souvenir d’enfance
Oui l’œuvre « THE HERRING » est une grande sculpture que j’ai imaginée et rêvé depuis plusieurs années or il est rare que je conçoive une sculpture pour un projet. Je cherche plutôt des moments où une œuvre trouve sa place. Cette figure d’une femme qui tient un poisson devant elle rejoint mes souvenirs d’enfance sur la côte belge où mes parents nous emmenaient à quelques occasions exceptionnelles. Or un évènement m’a particulièrement marqué à l’âge de 7 ans, quand le jour de notre départ, j’ai réalisé une construction avec des bouts de bois qui a très vite été engloutie par la mer. J’ai alors pris subitement conscience du caractère éphémère de la vie et de l’énergie que demandait la création artistique.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Cette femme s’inscrit dans une grande lignée belge avec Rubens, Permeke, Delvaux, et de nombreux sculpteurs qui ont approché cette icône même si elle n’est pas qu’une femme nue car si vous regardez les cheveux plus en détail, ils sont étranges avec peut-être l’inspiration de coiffes classiques de femmes de pêcheurs du Nord.
Ce projet a été un véritable défi technique
Nous avons dû prévoir une importante fondation qui reste invisible, pour se préparer face au phénomène de la marée qui peut venir toucher ou submerger en partie la sculpture. Elle est positionnée sur une ligne entre les dunes et la mer, ce qui est symboliquement très fort si l’on considère la polysémie du mot : la mère patrie, notre mère à tous et cette grande étendue.
Par ailleurs vous êtes l’invité d’honneur de la nouvelle foire ceramic brussels, comment avez-vous accueilli cette proposition ?
En réalité et comme vous le savez, Je n’aime pas la céramique. J’ai d’abord souligné auprès des organisateurs à quel point je me bats depuis 30 ans pour rester hors des ghettos et je trouvais qu’une foire uniquement de céramique n’avait pas sa place. Mais les fondateurs ont souligné à quel point j’avais été un exemple pour de nombreux artistes amorçant une véritable révolution et que la foire s’ouvrait également sur le design et les arts décoratifs. Je suis donc très curieux de voir le positionnement de cette foire et j’espère que la partie art sera importante.
Parmi vos projets en régions : il y a le Musée des Beaux-Arts d’Orléans et dans les environs de Nantes le Domaine de la Garenne Lemot
J’ai deux grands projets en France. Le premier avec le musée des Beaux-Arts d’Orléans et dans toute la ville. Au musée seront exposés 75 dessins, un ensemble de sculptures en céramique et études et dans la ville 10 sculptures monumental en bronze seront visibles pendant un an et demi.
Dans la région de Nantes, l’exposition aura lieu à la Garenne Lemot, domaine et villa néoclassique construit par François Frédéric Lemot à son retour de la Villa Medicis. Elle s’intitulera « Les Fabriques ou la rage des utopies » à partir de la tradition paysagère des fabriques italiennes au XVIIIème siècle. La rage des utopies renvoie au climat actuel d’un monde qui me fascine et me tétanise à la fois. L’exposition réunira surtout des céramiques et des bronzes dans la maison tandis qu’une colonne de 5 mètres de haut sera exposée dans les jardins pour une durée d’un an.
Ressentez-vous un impact de l’instabilité mondiale sur certains de vos projets ?
Il est certain qu’une sculpture comme celle de la Triennale qui a impliqué le travail de 45 personnes, engage une très grande responsabilité avec des coûts qui évoluent constamment.
Pour revenir à cet atelier il est inscrit dans le patrimoine de la ville
C’était probablement au départ un atelier de métallurgie qui s’est transformé en entrepôt pour l’entreprise Decaux. A sa fermeture, la ville ne voulait pas que cela soit détruit, ce à quoi nous nous sommes engagés avec Jean-Michel Othoniel.
N’y a-t-il pas un risque de gentrification à Montreuil avec l’arrivée de tous ces artistes ?
La Mairie fait le maximum pour empêcher ce genre de phénomène à travers notamment une politique de logements sociaux même si le danger existe toujours si l’on songe à New York avec Soho ou le Marais. Je me rappelle que quand je suis venu à Paris dans les années 1980 le Marais était considéré comme un endroit très sale et pauvre à Paris jusqu’à ce qu’arrivent les jeunes, les artistes, les gays qui font un travail d’assainissement en quelque sorte.
Autre actualité avec la galerie Perrotin Paris, espace de Matignon
J’inaugure cette semaine une exposition à la galerie espace Matignon intitulée « comment expliquer les sculptures à un influenceur ? ». C’est une exposition importante à mes yeux car elle soulève la question de comment l’art peut se vivre dans un monde où notre attention est réduite à une seconde et constamment monnayée ! Nous sommes tous devenus influenceurs, vous comme moi, et comment réagir face est à cette révolution qui est en train de s’opérer avec ces nouvelles technologies devenues omniprésentes. J’écoutais sur CNN aujourd’hui que 40% de métiers sont directement menacés par l’IA !
Infos pratiques :
ceramic brussels,
Johan Creten invité d’honneur
Du jeudi 25 au dimanche 28 janvier 2024
Tour & Taxis, Bruxelles
Tarif standard : 20€
Tickets ceramic brussels (tickoweb.be)
How to explain the sculptures to an influencer ?
Perrotin, Matignon
Du 18 janvier au 2 mars
Johan CRETEN – Contemporary Art Exhibition (perrotin.com)
BEAUFORT 24, la triennale du littoral
8ème édition
Du 27 mars au 3 novembre 2024
Beaufort24 | Triënnale Beaufort (triennalebeaufort.be)