« Bonsoir Mémoire », la Villa Dufraine à la Monnaie de Paris

Bonsoir Mémoire, vernissage, Maxime Bagni, Tout public photo Patrick Rimond

L’Académie des Beaux-arts n’est pas aussi formatée que l’on croit. Preuve en est avec cette exposition accueillie à la Monnaie de Paris de la première promotion de jeunes artistes résidents de la Villa Dufraine que l’Académie possède parmi d’autres sites culturels. Située à 70kms de Paris dans le Val d’Oise et reliée par le train, la Villa est dirigée par Jean-Michel Othoniel. Françoise Docquiert, correspondante de la section de sculpture à l’Académie des beaux-arts, accompagne le projet. C’est le commissaire Lou Justin Tailhades qui a été sélectionné autour de l’idée de « Bonsoir Mémoire » convoquant l’absence ou la persistance des souvenirs, la solitude, le vide, la perte des repères, le nomadisme.. à travers les 8 artistes : Maxime Bagni, Sarah Konté, Hatice Pinarbaşi, Jordan Roger, Pierre-Alexandre Savriacouty, Christophe Tabet, Mathilde Rossello Rochet, Halveig Villand et une graphiste : Agathe Bourrée. Tous les médiums sont représentés.

Le sous-titre de l’exposition tout ce que je veux par-dessus tout oublier mais dont il faut absolument que je me souvienne, indique une coloration particulière que l’on trouve dès le départ dans l’œuvre de Maxime Bagni. Intitulée Tout public elle est constituée en deux parties, avec d’un côté un vestiaire de musée recréé et de l’autre, une étrange bibliothèque faite de couvertures et de citations et listes d’action sous l’influence de Beuys. Il y est question de vulnérabilité et de soin, de perte d’identité. Chez Jordan Roger qui a exprès barré son nom comme on se tranche brutalement d’une généalogie. Une rupture à la suite de l’excommunication dont il a été victime par les Témoins de Jéhovah, secte à laquelle appartient sa famille. Il va se « débaptiser » dans un rituel de guérison parmi la famille qu’il s’est choisi comme en atteste la vidéo Nous remontions les rivières ensemble autrefois tournée à proximité des lieux de son enfance. De même avec la broderie Hell Soon où il apparait au premier plan en femme de Loth s’échappant d’un paysage apocalyptique. La fin d’un monde dominé par le capitalisme, le patriarcat et l’intolérance.

Bonsoir Mémoire, vernissage photo Patrick Rimond

Chez Christophe Tabet, les souvenirs de la guerre civile libanaise deviennent matière brûlante d’une narration faite de blocs de béton et d’activation orale de l’artiste qui donne souffle à ses sculptures guerrières, entre cendres et lumière.

Bonsoir Mémoire, vernissage photo Patrick Rimond

Halveig Villand dans une partie de campagne en apparence idyllique se livre à des performances entre rêve et cauchemar où il est question de se laver de ses oripeaux pour être en pleine conscience, de se débarrasser du poids des stigmates jusqu’à se faire couper les cheveux par des peignes aux lames tranchantes. Dramaturgie libératrice ?

Bonsoir Mémoire, vernissage photo Patrick Rimond

La crypte funèbre de Pierre-Alexandre Savriacouty faite de rebuts parés de moisissures d’or et de stigmates précaires nous enveloppe tandis que des vidéos surgies d’outre-tombe crachent des poèmes intranquiles. Avec l’installation de Sarah Konté Mind Channels le jazz le dispute à des éclats de voix « It’s not a dream, it’s not a dream », tandis que 4 photographies malmenées et proches de l’effacement incarnent ces souvenirs parcellaires d’une mémoire qui s’enraye.

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La Villa Dufraine

Grâce à la générosité de Louis Dufraine, l’Académie des beaux-arts possède depuis 1937 la Villa Dufraine, située dans le village de Chars (Val d’Oise), qu’elle a dédiée depuis les années 1950 à l’accueil d’artistes en résidence. En 2022, elle a supervisé une rénovation complète de la propriété dans le but d’accueillir dans les meilleures conditions les artistes d’aujourd’hui. Après Jean Cardot, puis Muriel Mayette-Holtz, Jean-Michel Othoniel, directeur de la Villa Dufraine depuis le 22 septembre 2021, a souhaité proposer pour ce lieu un modèle de résidence inédit en accord avec l’esprit et la situation géographique de la Villa. Ce programme consiste à accueillir chaque année un collectif composé d’une dizaine d’artistes au plus et d’un commissaire autour d’un projet d’exposition.

Visite : Artaïs art contemporain.

Infos pratiques :

« Bonsoir Mémoire »

Exposition des artistes en résidence à la Villa Dufraine – Académie des beaux-arts

Jusqu’au 3 décembre

Monnaie de Paris

11 quai de Conti, Paris VIe

Entrée libre

https://www.academiedesbeauxarts.fr/

https://www.monnaiedeparis.fr/