Interview Laura Serani : Planches Contact, 14ème édition

© Omar Victor Diop,19h30 Planches Contact 2023

Du littoral aux terres intérieures, des Franciscaines à la plage, de l’embarcadère  à la 25ème Heure, la 14ème édition de Planches Contacts confirme plus que jamais sa vocation de laboratoire. Parmi les projets invités : Richard Pak, Olivier Goy, The Anonymous Project et une rencontre fictive entre Robert Doisneau et Malick Sidibé, deux hommes qu’a rencontré Laura Serani à l’origine de ce rapprochement inédit entre deux cultures et personnalités. Directrice artistique, elle nous révèle les fondamentaux  et  questionnements qui l’habitent autour de l’envie de surprendre et de croiser les focales. Temps forts : jeunes talents et artistes en résidence avec la sortie très attendue du dernier Fashion Eye Deauville (édition Louis Vuitton) de Omar Victor Diop, diffusé à Paris Photo. Laura a répondu à mes questions.

Avec quel état d’esprit avez-vous ouvert cette 14eme édition du festival ?

Toujours avec une certaine anxiété après un an de travail intense avec les artistes et mon équipe. Au moment de l’ouverture on n’a pas le recul nécessaire pour savoir si ce que  nous avons conçu montré et produit va rencontrer le même enthousiasme avec lequel nous avons préparé cette édition. On n’est jamais surs de rien et jusqu’au dernier moment ! Un état de tension qui concerne aussi bien les photographes que des équipes du festival. Une tension très positive.

Gone with the wind ©The Anonymous Project Planches Contact 2023

Quelle ligne directrice vous anime au fur et à mesure des éditions ?

J’avance toujours autour d’une même ligne à savoir l’éclectisme, la multiplicité de regards, l’esprit de découverte, l’interdisciplinarité et l’envie de surprendre autour de projets inédits.

Une place importante est donnée à l’émergence : comment cela se traduit-il cette année ?

Principalement à travers l’appel à candidature pour la section intitulée Tremplin Jeunes Talents avec plus de 400 candidatures reçues cette année pour en sélectionner une trentaine et ne retenir que 6 dossiers et 5 résidents au final, la dernière n’ayant pu obtenir son Visa depuis le Nigeria. Un jury de professionnels de l’image et de la culture nous accompagne dans ce choix.

© Robert Doisneau, Palm Springs
1960. Courtesy Atelier Robert Doisneau
© Malick Sidibé, Au bord du
Niger, Mali 1974. Courtesy galerie
Magnin-A


Cette année la grande exposition sur la plage est dédiée à une rencontre fictive entre Robert Doisneau et Malick Sidibé : Comment a-t-elle été imaginée ? 

Pour rappel nous avons plusieurs modes de fonctionnement : les photographes invités directement, les photographes sélectionnés pour la partie émergence, les photographes sélectionnés avec le jury  de la fondation photo4food et, cette année avec le Conservatoire du littoral. Tous ces photographes viennent en résidence et il faut anticiper la programmation quasiment d’une année sur l’autre pour engager les résidences.

L’exposition sur la plage par contre n’est pas dédiée à une résidence mais à un travail précédent comme avec Martin Parr l’année du Brexit avec les photos de Brighton. Je cherche toujours une exposition grand public et qui questionne également comme le reste du programme. Pour cette édition, j’ai eu cette idée un peu bizarre de Robert Doisneau et Malick Sidibé à partir d’un travail singulier de Doisneau à Palm Spring en couleur dans les années 1960 assez peu connu, en parallèle au travail de Sidibé sur les plages et à la nouvelle piscine de Bamako. Deux séries peu connues voir inédites pour certaines photos qui n’avaient jamais été tirées.  Cela m’a semblé une évidence, ces deux hommes avec les quels j’ai  eu la chance de collaborer  ayant beaucoup de points communs : la gaité, un grand amour pour les gens, drôles et taquins, avec un humour particulier.  Très populaires et aimés du public. Je suis sûre que s’ils s’étaient rencontrés, cela aurait été formidable.  J’avais déjà fait se rencontrer à Stockholm, Malick Sidibé etLutfi Ozkok un poète et photographe turc, deux hommes qui avaient traversé le siècle dans des pays éloignés et j’avais de nouveau envie de forcer le destin.

En soulignant le côté le plus drôle de l’un et de l’ autre je propose  un parallèle entre deux sociétés. L’énergie de la jeunesse au Mali qui venait de gagner son indépendance et l’opulence américaine avec la construction de terrains de Golf dans le désert du Colorado. Chacun ses rêves… Un dialogue entre deux mondes, deux cultures, des histoires.

© Elina Brotherus Planches Contact 2023

Elina Brotherus est l’une des photographes invitées en résidence : que vous inspire son travail à Deauville et au Havre ?

Une grande sérénité, une grande poésie et ce romantisme qui plane un peu partout sur cette édition et aussi sur toutes ces images. Un retour du romantisme,  avec des références à la peinture et à l’histoire de l’art,  particulièrement évidentes chez Elina.  Il y a cette poésie de l’espace, cette lumière éblouissante. Si elle est très présente dans certaines des images prises lors de sa résidence à de Deauville, elle peut aussi juste parfois apparaitre comme un signe, une sorte de calligraphie dans les paysages. C’est un travail qui me touche beaucoup et le travail au Havre n’est pas que plastique c’est une façon de rappeler à notre mémoire une ville complètement détruite par la guerre et ces femmes qui se retrouvaient souvent seules dans des maisons reconstruites, toutes identiques avec ce vide et ce silence, que Elina restitue si bien . C’est une manière de parler du passé et du présent parce que à nouveau, hélas, la guerre est là et même si l’on en parle beaucoup, nous avons du mal à réaliser et ressentir ce que cela concrètement signifies pour les civiles. Une façon indirecte d’aborder des sujets graves.

Retour sur le projet et le livre Fashion Eye Deauville d’Omar Victor Diop (éditions Louis Vuitton)

C’est un projet conçu avec le fondateur des éditions Fashion Eye,  Julien Guerrier, qui était aussi membre du Jury de Planches Contact, il m’avait proposé de faire un livre sur Deauville avec un des photographes invités en résidence. J’ai suggéré et nous avons choisi Omar Victor Diop qui a travaillé à cheval sur deux éditions du festival avec des restitutions en deux expositions.  Omar Victor en travaillant à Deauville s’est livré à une démarche plus autobiographique que davantage où finalement le portrait de la ville passe au premier plan.

La sortie du livre cette année est un joli cadeau pour le festival et pour la ville, merci Julien.

Infos pratiques :

Planches Contact

Jusqu’au 7 janvier 2024

https://planchescontact.fr/