Centre Pompidou : Un Prix Marcel Duchamp très politique et Gilles Aillaud, Devenir animal

Bertille BAK

Affiche de la vidéo Nature Morte, 2023 © Bertille Bak & Liliana Correa

Les traumatismes de l’exil, de la guerre, du déplacement, les déséquilibres des écosystèmes, la globalisation galopante… innervent les propositions des 4 artistes nommés pour le Prix Marcel Duchamp 2023. Que ce soit Bouchra Khalili avec The Tempest Society à partir des expériences au théâtre du Mouvement des travailleurs arabes en France dans les années 1970 ou d’autres corpus très engagés, Tarik Kiswanson que l’on retrouve après son exposition décisive au Carré d’art de Nîmes qui traduit le déracinement et la métamorphose dans des formes sculpturales ouvertes et primordiales, Massinissa Selmani qui transpose des territoires en conflits sur le calque et le dessin et la 3ème dimension. Enfin Bertille Bak, petite fille de mineurs du Nord de la France qui se penche avec nostalgie sur des coutumes populaires au sein de communautés en voie de délitement et le trafic des plantes à grande échelle entre les pays du Nord et du Sud. Chacun à leur manière se fait le sismographe de traumas individuels et collectifs et d’un monde sur le fil.

Jean-Marc Prévost (directeur du Carré d’art), Nataša Petrešin-Bachelez (responsable de la programmation artistique et culturelle à la Cité internationale des arts), Natasha Marie Llorens (curatrice, et professeure de théorie de l’art au Royal Institute of Art de Stockholm), et Cédric Fauq  (commissaire en chef au CAPC) ont été choisis par les quatre finalistes pour défendre leur projet devant le jury de la 23e édition. Le lauréat sera annoncé par l’ADIAF le 16 octobre 2023 pendant la « semaine de l’art » à Paris.

Gilles Aillaud, Mangouste, nuit rouge, 1976 Huile sur toile, 97 × 146 cmCollection AdF, courtesy galerie Loevenbruck, Paris © Adagp, Paris, 202

Peintre, écrivain, décorateur de théâtre, Gilles Aillaud  a plus d’une corde à son arc. Il est l’objet d’une exposition intitulée Animal politique sous le commissariat très inspiré de Didier Ottinger. Il décortique notre rapport au vivant à partir d’intérieurs de zoos dont les habitants captifs transpercent notre regard. Très influencé par Buffon et les premières ménageries royales, il créée une encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux lors d’un voyage au Kenya. Il pose un regard clinique et carcéral sur ces théâtres dédiés à la vie animale. Des dispositifs proches de la pensée de Foucault, « Surveiller et punir » et du cadrage cinématographique oscillent entre le Pop et l’ hyper réalisme. L’accrochage très abouti favorise les rebondissements formels et conceptuels dans ce qui ressemble à une sorte de labyrinthe.

Alors peintre ou philosophe ? S’il a hésité entre les deux au cours de son parcours, ses questionnements anticipent de nombreux enjeux écologiques.  

A l’heure de la sortie du film «Le Règne animal » avec Adèle Exarchopoulos et Romain Duris, conte fantastique spectaculaire où les humains, frappés d’un mal étrange deviennent des amimaux, la coïncidence est troublante !

Gilles Aillaud est représenté par la Galerie Loevenbruck (Paris).

Infos pratiques :

Prix Marcel Duchamp

Exposition des artistes nommés

Jusqu’au 8 janvier

Gilles Aillaud

Animal politique

Jusqu’au 26 février

https://www.centrepompidou.fr/