Vue de la carte blanche à Marilou Poncin au macLYON du 22 septembre 2023 au 7 janvier 2024 © Marilou Poncin et la galerie Laurent Godin Photo : Juliette Treillet
Dans le cadre de l’exposition Incarnations carte blanche est donnée à l’artiste Marilou Poncin, découverte par Matthieu Lelièvre, responsable de la collection du macLyon lors de son commissariat pour 100% La Villette en 2019. La standardisation et la place du corps féminin dans l’espace public et les médias sont au cœur de ses recherches. Elle déroule tout un environnement aquatique et liquide pour le hall du musée autour de la perception des canons esthétiques sur la sphère digitale tandis que sa dernière série autour des fantasmes liés à la morphologie de Kim Kardashian fait partie de l’exposition au 1er étage. Diplômée des Beaux-arts de Lyon et des Arts-décoratifs de Paris, l’artiste retrace les éléments déclencheurs de son parcours et l’opportunité qui lui est donnée ici.
Quelle est la genèse du projet ?
Cela remonte à ma première rencontre avec Matthieu Lelièvre à l’occasion de l’exposition 100% La Villette dont il était le commissaire juste après mon diplôme aux Arts décoratifs de Paris. Il a soutenu plus récemment mon travail à l’occasion du prix SAM Art et m’a ensuite proposé cette carte blanche dans le cadre de l’exposition Incarnations. La série qui est présente dans l’exposition spécialement produite pour l’occasion s’intitule Etre Belle comme elles, une séquence de 5 images. Sur la première j’incarne le stéréotype générique parfait qui ressemble beaucoup à Kim Kardashian mais aussi à d’autres femmes à l’instar de cette amie qui me confiait que je ressemblais à la plus grande chanteuse du monde arabe : Haifa Wehbe. J’aime cette idée d’incarner un générique duplicable à l’infini.
Que représente pour vous cette invitation ?
Une incroyable opportunité. C’est fascinant d’être entourée d’artistes tels que Marina Abramovic, ORLAN, Bruce Nauman, Claire Tabouret en face de mon œuvre ou Eija-Liisa Ahtila sur laquelle j’ai écrit mon mémoire aux arts-déco. Un immense privilège !
L’installation du hall
L’installation est dense avec plusieurs strates qui se superposent. Il y a d’abord un wall paper qui recouvre l’ensemble des murs du hall où l’on voit des formes organiques et qui emprunte aussi beaucoup à l’univers des réseaux, du synthétique, du circuit imprimé. Des images de villes fantasmées prises de nuit et de corps de jeunes femmes photographiés chez elles dans un entre- deux, une lumière entre chien et loup où elles mettent des artifices sur leur corps pour correspondre à des canons de beauté. J’ai voulu raconter des micro-fictions au sein de chaque image. Ce sont des femmes de mon entourage qui ont posé pour moi avec des accessoires comme ces faux ongles pour les pieds qui rejouent une sorte de faux naturel avec l’ongle qui est blanc phosphorescent.
L’univers de l’aquarium se détache
Oui mon travail est très organique et liquide, aquatique. Il y a également tout un son qui baigne l’installation de respiration sous-marine avec un bruit de ville en toile de fond. Trois écrans verticaux viennent se superposer aux images. Sur le premier d’entre eux, une plante d’aquarium phosphorescente vient se poser au rythme de la respiration, sur le 2ème une sculpture en silicone reprend la forme du réseau et se met à respirer et le dernier écran propose un scroll infini, avec des images de jeunes femmes sur internet. Par-dessus se greffe comme les paroles d’un journal intime sous forme de textos avec les pensées intérieures d’une jeune femme qui décrit ses impressions devant son corps et son envie de toujours l’améliorer. C’est à la fois cynique et drôle.
Quel a été le point de départ de votre réflexion sur la beauté ?
J’ai précédemment travaillé sur une série autour des love dolls japonaises, objets à aimer avec qui on entretient des relations charnelles. J’ai réalisé un autoportrait sous forme de diptyque Happy Sad, où je me grime en love doll. Ce travail m’a naturellement conduit aux stéréotypes liés à la beauté. J’ai aussi fait une installation video sur les camegirls, ces femmes ou ces hommes qui vendent des services en ligne souvent à caractère sexuel et sont rémunérés selon ce qu’elles font face à la caméra dans des shows privés ou publics, chacun pouvant interagir à travers le tchat. Un marché direct entre le client qui échange des images pornographiques et la personne qui les fournit.
Depuis quand êtes-vous représentée par la galerie Laurent Godin ?
Je l’ai aussi rencontré lors du vernissage de 100% La Villette et il a proposé mon premier solo show en 2019.
La place de la vidéo dans votre parcours
Après un premier diplôme au Beaux-arts de Lyon je me suis ensuite orientée vers la photo-vidéo aux Arts décoratifs de Paris. J’ai commencé la vidéo dès mon adolescence avec des autoportraits sous forme de films.
Comment jugez-vous ces années aux Beaux-arts de Lyon ?
Une période très formatrice. Je venais d’un lieu en pleine campagne aveyronnaise très isolé. J’avais ce lien à la pop culture à travers la télévision. C’était la première fois que je vivais dans une grande ville et cette expérience reste décisive.
Site de l’artiste :
Infos pratiques :
Carte blanche à Marilou Poncin
Incarnations, le corps dans la collection du macLyon, acte II
Jusqu’au 7 janvier 2024
| Musée d’art contemporain (mac-lyon.com)
Relire mon interview de Matthieu Lelièvre, Responsable de la collection
Interview Matthieu Lelièvre : macLyon, nouvelle saison – FOMO VOX (fomo-vox.com)