Anna-Eva Bergman, « Voyage vers l’intérieur », musée d’art moderne de Paris

Anna-Eva Bergman N°49-1969 Paysage nordique 1969 Vinylique et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué 146 x 98 cm Fondation Hartung-Bergman © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Claire Dorn

Le musée d’art moderne de Paris propose une exceptionnelle exposition à l’artiste norvégienne Anna-Eva Bergman et c’est un évènement ! Tombée dans un relatif oubli après sa mort, inivisibilisée par son compagnon l’artiste Hans Hartung qu’elle épousera deux fois, sa quête d’émancipation et son cheminement par-delà les vicissitudes de la guerre qu’elle traduit dans des caricatures, sont exemplaires. Elle met au point un langage formel inédit aux confins de l’abstraction et une technique bien particulière inspirée des paysages nordiques qu’elle découvre enfant alors placée chez des oncles, à la suite de la séparation de ses parents. Ses écrits servent de fil conducteur à son évolution personnelle et elle n’hésitera pas à rompre en 1937 avec Hans Hartung qu’elle épouse en Allemagne alors âgée de 20 ans. Malgré leurs profondes affinités et respect mutuel, leur attraction pour l’île de Minorque où ils font construire une maison, elle réalise qu’elle doit tout remettre à plat pour trouver sa propre esthétique.

Anna-Eva Bergman N°18-1956 Grand soleil 1956 Huile et feuille de métal sur toile 162 x 143 cm Stortinget, The Norwegian Parliament © Anna-Eva Bergman / Adagp, Paris, 2023 Photographie © Peter Mydske / Stortinget

Cette longue phase d’introspection où elle tient un journal, ses recherches autour de la symbolique des couleurs, du nombre d’or et de l’harmonie avec les forces telluriques et géologiques de la nature expérimentées lors d’un voyage décisif aux îles Lofoten en 1950 donnent lieu à sa première œuvre à la feuille de métal, inspirée de l’art du Moyen Age qui va devenir sa marque de fabrique pour ses facultés de captation de la lumière. Elle met au point une sorte d’alphabet de l’épure autour de formes archétypales simples : pierres, astres, arbre, stèle, montagne, tombeau.. qui se prêtent volontiers à des variations. Une vision cosmique héritée des mythes et légendes nordiques et de sa quête de fusion avec le paysage, comme l’expérience du soleil de minuit dans le Finmark. Le rapport au sacré et mysticisme est sous-jacent avec ces grandes toiles minimalistes, clés de voute de sa propre cosmogonie. L’accrochage dans les salles circulaires de l’Arc est un moment qui invite à la méditation. Une recherche de l’essentiel nourrie aussi de ses séjours dans le sud de l’Europe comme avec Hans Hartung en Andalousie où elle achête un terrain et projette d’y installer son atelier.

C’est à Antibes en 1973 que les deux artistes vont trouver une félicité nouvelle et font construire une ville au milieu des oliviers, désormais la Fondation Hartung-Bergman. Anna Eva tourne alors ses recherches vers l’horizon et les sensations atmosphériques environnantes : la pluie, les vagues…Une ode à l’infini teintée de notes funèbres comme pour rappeler le poids de son destin.

Eprise de liberté et d’absolu, Anna Eva Bergman livre enfin au grand jour toute l’étendue de son talent. Une visite s’impose.

Catalogue aux éditions Paris Musées, 280 pages, 45 €

Infos pratiques :

Anna-Eva Bergman, « Voyage vers l’intérieur »
Musée d’art moderne de Paris

Jusqu’au 16 juillet