L’exposition Seen Through Others réunit à Lafayette Anticipations, une trentaine d’œuvres qui dépeignent les énigmes de notre époque vécues par des individus et leurs animaux de compagnie. À travers ses gestes, ses figures et ses paysages peints, Xinyi Cheng (née en 1989 à Wuham, Chine) exprime la complexité des émotions, des désirs et des relations qui font la vie contemporaine. Pour sa première exposition institutionnelle en France, de nouvelles connexions entre ses œuvres ont été créées pour offrir une compréhension renouvelée de son travail.
L’exposition s’ouvre sur les scènes et situations intimes devenues caractéristiques de l’œuvre de Xinyi Cheng. Certains tableaux jouent avec notre vision de l’intimité, par exemple à travers deux joues machinalement ou passionnellement collées l’une contre l’autre (Tango Class), ou un baiser rendu comique par une simple question (Where Do the Noses Go?). D’autres nous invitent à découvrir l’intimité qui se cache sous nos yeux : la tendresse inattendue d’un coiffeur qui lave les cheveux d’un client (Julien) ou ces petits gestes que l’on fait lors de rituels ordinaires lors de la vie privée (Itches).
Les œuvres exposées à cet étage présentent aussi la bouche comme le site de l’intimité. On y voit des personnages échanger un baiser, fumer, parler ou manger. Même quand deux corps apparaissent sur une même toile, l’attention est attirée avec douceur sur l’expérience d’un seul individu, comme pour suggérer le lien profond entre solitude et intimité. L’ambivalence, ou l’expérience d’émotions simultanées mais contradictoires, est une clé importante pour comprendre l’œuvre de Xinyi Cheng. Dans son dialogue avec la nature, elle s’intéresse à la stupeur et à l’émerveillement que celle-ci suscite en misant sur la variabilité de la perspective. Dans Whirlpool, on aperçoit deux pieds juste avant qu’ils ne disparaissent dans un tourbillon, mais qui sait ce qui se trouve de l’autre côté ? Dans Gust, un corps est rattrapé dans sa chute. Le filet de protection qui réceptionne le personnage nu peut aussi représenter les liens qui l’empêchent d’accéder à la liberté totale qu’il recherchait. Ces prises de conscience créent un certain froid, un résidu psychologique à l’image des cendres dispersées de Campfire, elles-mêmes la trace d’une présence humaine passée et disparue. Face à l’incertitude, nous sommes contraint.e.s de chercher des réponses. Comme les personnages d’Incroyable (En route) – des triplés d’un autre monde représentant les versions passée, présente et future d’un même personnage -, nous sommes lancé.e.s dans une quête sans coordonnées géographiques claires, uniquement guidé.e.s par l’envie de prendre la route des possibles. Le désir, comme l’eau, peut changer ; il s’écoule dans des configurations futures. Sous la verrière du dernier étage, nous revenons au désir en tant que changement constant et expérience collective au sein de laquelle nous partageons ce que nous sommes. Les potentiel.le.s amants de Midday Troubles se reposent, mais leurs postures trahissent autant la puissance que la vulnérabilité. Qu’iels attendent qu’un événement vienne rompre leur ennui ou s’abandonnent avec délice à un moment de temps libre, nous savons que cet instant ne peut pas durer. Il faut continuer à avancer, comme les chiens de Swimmers qui barbotent vers la nuit ou le jour nouveau. À l’instar du personnage submergé de Red Kayak, nous ne savons peut-être pas toujours où se trouve la surface, mais plonger dans ce monde fluctuant, c’est être pleinement conscient.e.s de nos propres réalités. |
Infos pratiques :
Xini Cheng, Seen through others
jusqu’au 28 mai
9 rue du Plâtre Paris 4