Sébastien Janssen, Sorry We Are Closed, new space in Le Sablon, Brussels © Marie de la Fresnaye
Sébastien Janssen, fondateur de la galerie Sorry We’re Closed, appartient à une dynastie d’acteurs de l’art passionnés. Son frère n’est autre que le galeriste Rodophe Janssen et leur père Stéphane avait préfiguré ce qui allait devenir Art Brussels. C’est à l’occasion de l’ouverture prochaine du nouvel espace de Sorry We’re Closed que Sébastien Janssen me donne rendez-vous au 39 rue des Minimes. Entre deux volées d’escalier spectaculaire, il me parle aussi bien d’un bureau art nouveau, ( « Gustave Serrurier-Bovy vous connaissez ? ») que d’art africain, de bijoux d’artistes ou du musée Juif tout proche (« leur nouvelle directrice a une programmation très ouverte sur l’art contemporain »). Si nous sommes au cœur du quartier des Antiquaires, ce dont il se réjouit, il constate que d’autres galeries ont fait comme lui ce choix comme la puissante Barbara Glastone ou la très pointue Mendes Wood. Un défi qui marque aussi un nouveau cap pour les 10 ans à venir comme il le résume entre humour, un flegme so british et une grande capacité de conviction.
Genèse de ce projet au Sablon
J’apprécie beaucoup d’intégrer le cercle des antiquaires du Sablon avec qui je partage les mêmes passions étant un collectionneur dans l’âme.
J’aimais mon ancien lieu rue de la Régence mais la galerie prenant plus d’importance nous étions de plus en plus à l’étroit et c’est alors que j’ai entendu parler d’un espace qui se libérait au Sablon, rue des Minimes dans l’un des plus beaux hôtels particuliers du quartier. Même si l’esthétique néoclassique était loin de ce que j’avais imaginé, l’ensemble m’a tout à fait séduit. Le bâtiment de 400 m² réparti sur deux étages avait été au départ conçu pour être les bureaux de l’éditeur des codes de droits Larcier proche du Palais de Justice pour y recevoir les clients privilégiés à une période où la Belgique en 1877 était au fait de sa gloire.
Je tenais à garder l’esprit général du lieu et cette impression de pure folie qui vous saisit dès le hall d’accueil avec son imposant escalier même si un certain nombre d’aménagements étaient nécessaires pour pouvoir se projeter et envisager d’exposer des œuvres. Avec l’expérience et mon goût pour l’architecture, je n’ai pas eu à recourir à un architecte. Nous avons doublé les murs et privilégié une approche minimaliste. Derrière cette grande salle d’exposition nous aurons notre bureau et un jardin, petit mais tout à fait charmant.
L’exposition d’ouverture
Nous avons prévu d’ouvrir le 29 mai avec une jeune artiste française, Anastasia Bay diplômée des Beaux-Arts de Paris et vivant à Bruxelles. Elle venait travailler de temps en temps à la galerie quand elle m’a parlé de son travail que j’ai découvert lors d’une visite à son atelier. Son exposition a déjà été reportée plusieurs fois, si bien que j’ai décidé qu’elle ferait l’inauguration et la Art Brussels Week.
A l’étage outre une autre grande salle d’exposition baignée de lumière qui offre de nombreuses possibilités en termes de sculpture ou d’installations, nous avons ce que l’on appelle le salon dédié à des rencontres plus intimes avec des collectionneurs que parcourt l’élégante fresque d’Anastasia, ainsi qu’un storage pour les tableaux, avec une vue magique sur Bruxelles !
Comment définiriez-vous la ligne de la galerie ? Et y en a-t-il une ?
Je pense que ce n’est pas à moi de la définir. J’ai un choix très personnel d’artistes mais ne peux déterminer la ligne de la galerie si ce n’est que j’ai organisé les premières expositions d’artistes en Europe et au-delà et que j’aime être à la naissance des choses. J’ai un côté découvreur même si je ne m’empêche pas de soutenir un artiste plus confirmé ou historique, c’est l’avantage de la Belgique et de la structure de ma galerie, assez légère avec une équipe réduite. Je poursuis de plus en parallèle mon activité d’éditeur de livres d’artistes et de bijoux du second marché d’artistes modernes tels que Picasso, Max Ernst, César ou plus contemporains comme Ugo Rondinone., Eric Croes ou Josh Sperling
Le confinement, inflexions sur la stratégie et quel impact ?
Pendant le premier confinement je me suis dit que tout allait s’arrêter et contrairement à cela, les choses se sont accélérées. J’ai réalisé qu’il fallait se préparer à l’après et me suis demandé si à l’âge de 54 ans je me voyais encore rue de la Régence ou comment finalement me projeter dans les 10 ans à venir. J’ai réalisé une fois les travaux démarrés qu’il fallait aussi se réinitialiser, un peu comme un logiciel d’ordinateur. Sans forcément tout changer mais remettre en perspective le genre d’artistes, d’accrochages, oser des confrontations, programmer des concerts, des projets multiples dans un endroit qui me plait et me donne envie d’y passer du temps.
En termes d’impact économique, cette période n’a pas été négative pour nous avec une sorte d’engouement pour l’art généré principalement par les réseaux sociaux et aussi du fait de la visibilité acquise par la galerie. Les gens qui se trouvaient face à un monde à l’arrêt m’ont alors appelé pour me demander ce que j’avais à leur proposer. Cela m’a donné l’impulsion et les moyens d’envisager les travaux, le déménagement mais également la refonde de mon site internet, l’identité graphique de la galerie…Je trouve cela très excitant dans le challenge que cela représente.
Comment imaginez-vous une reprise et sous quelle forme ?
Les agendas de voyages allant être allégés pour tout le monde, les gens vont plus visiter les galeries et je l’ai déjà constaté les périodes de réouverture avec une hausse de fréquentation. Les gens ne pouvant plus aller au musée ni au restaurant avaient besoin d’art, de sorties, d’aller voir les œuvres en vrai. Cela m’a fait très plaisir et redonné confiance avec la présence de beaucoup de jeunes qui j’espère continueront à venir ici.
En ce qui concerne les foires, ma prochaine participation se fera à l’Armory New York, ce qui est encore assez risqué même s’ils restent optimistes et exigeants en termes d’engagement financier. Nous y proposerons un solo de l’artiste américain Matt Kleberg, puis la FIAC malgré une incertitude de par l’espace réduit, la très pointue foire NADA à Miami et en espérant qu’en 2022 tout reprenne son rythme. Je ne participe qu’à 3 ou 4 foires par an maximum.
Pourquoi, selon vous, une telle attractivité pour Bruxelles ?
Tout d’abord l’accessibilité des espaces et des loyers, même si cela tend à changer.
De plus, une communauté artistique internationale que je constate tous les jours à travers mon public en grande parti international, un réseau commercial très dynamique de marchands, d’artists-run spaces..quelques musées comme le WIELS qui a remis l’art contemporain au centre de la carte à Bruxelles ou le Centre Pompidou KANAL dont l’ambition est très intéressante.
La communauté de galeries est aussi très importante et reste très solidaire, ce dont je me rends compte quand je compare avec mes confrères américains ou parisiens. Concurrents, certes mais aussi amis de longue date ! Nous sommes toujours très enthousiastes à l’ouverture d’une nouvelle galerie.
Enfin et pour en revenir à ce quartier, je suis entouré de plusieurs confrères internationaux comme Nino Meir gallery de Los Angeles, Mendes Wood basé à Sao Paulo et à New York dans un très joli hôtel particulier, Jan Mot avec une approche plus conceptuelle, une autre galerie brésilienne Jacqueline Martins qui vient de s’installer rue aux Laines et enfin Barbara Glastone qui fait figure de vétérante à Bruxelles.
Infos pratiques :
Ouverture de Sorry We’re Closed
Le 29 mai 21
39 rue des Minimes, Bruxelles
http://www.sorrywereclosed.com/
Art Brussels Week
3 – 6 juin, dans les galeries :
Online Viewing Room by artsy :
Art Brussels online viewing room
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