Jacqueline de Jong, The Ultimate Kiss, WIELS interview Devrim Bayar, co-commissaire

Devrim Bayar devant The Ultimate Kiss, exposition Jacqueline de Jong, WIELS 2021

Rétrospective événement conçue en étroite collaboration avec Jacqueline de Jong et plusieurs institutions européennes majeures dont le WIELS, The Ultimate Kiss en est le premier jalon, remarquable à plus d’un titre. Ayant fui son pays pendant la guerre avec sa mère pour la Suisse, l’artiste y rencontre les membres du mouvement Cobra dont Asger Jorn qui devient son compagnon. Après sa rupture avec l’Internationale Situationniste, elle fonde à Paris en 1962 The Situationist Times et participe activement aux mouvements contestataires de l’époque. Dans une pratique éclectique et foisonnante de la dérive, ses œuvres mêlent subversion et appropriation, absurde et détournement, érotisme et macabre. Elle a su trouver sa propre voie et reste rétive à toute forme de catégorisation et stéréotypes. Jacqueline de Jong incarne une fusion étonnante et rarement mise en parallèle de l’esthétique Cobra et du Pop comme le résume la co-commissaire Devrim Bayar. Elle fait partie d’une relecture actuelle de l’histoire de l’art et de la place des femmes (Prix d’honneur Aware 2019) à laquelle le WIELS s’est engagée. Devrim Bayar nous dit comment et nous retrace les étapes de conception de cet ambitieux projet.

Vue de l’exposition Jacqueline de Jong WIELS photo Philippe de Golbert

Genèse du projet

L’origine du projet revient à Dirk Snauwaert qui suivait depuis longtemps son travail. Même si le Stedelijk Museum d’Amsterdam lui avait consacré une rétrospective en 2019, les œuvres avaient alors été mises en relation avec les collections du musée, il nous semblait donc encore possible d’envisager une nouvelle recherche sous la forme d’une rétrospective et d’une monographie, la dernière remontant à plus de 20 ans. Nous nous sommes alors associés avec le musée des Abattoirs à Toulouse, sa directrice Annabelle Ténèze cherchant des partenaires pour produire une monographie de référence. Elle a participé à la production du catalogue et écrit un essai. Quand nous avons invité Jacqueline, elle nous a mis en contact avec la commissaire d’exposition franco-anglaise Juliette Desorgues, senior curator au centre d’art Mostyn (Pays de Galles) qui envisageait également un projet d’exposition. Nous nous sommes alors tous mis autour de la table et avons décidé d’une exposition itinérante. Le WIELS accueille la première étape du projet qui part ensuite à l’automne au Pays de Galles et en 2022 en Allemagne au Kunstmuseum de Ravensburg. Nous nous inscrivons ainsi au début d’une présentation internationale très attendue.

Vue de l’exposition Jacqueline de Jong WIELS photo Philippe de Golbert

Le parcours : partis pris scénographiques et temps forts

Il n’est volontairement pas 100% chronologique ni linéaire, à l’image du parcours de vie de Jacqueline dont les motifs picturaux reviennent d’une décennie à l’autre. Nous avons voulu commencer par cette œuvre monumentale La face arrière de l’existence/De achterkant van het bestaan réalisée au début des années 1990 qui révèle des éléments importants de sa pratique et son rapport à la théâtralité. Cette grande toile suspendue rappelle un décor de théâtre avec ces figures monstrueuses, carnavalesques, burlesques que l’on retrouve souvent avec une violence sous-jacente mais souvent mise en scène. Il est important de rappeler que Jacqueline avait souhaité durant sa jeunesse devenir actrice et avait postulé dans une école de théâtre. Cette œuvre est mise en parallèle avec quelques exemples de la série Upstairs-Downstairs, initialement conçue pour le nouvel hôtel de ville d’Amsterdam et jamais encore exposée dans un contexte artistique. Elle rejoue à la manière d’une représentation le lieu même de la commande : les paliers de l’édifice avec ces marches d’escalier qui semblent mener à une scène.

C’était selon nous, une belle introduction à l’exposition et de là il est possible de partir soit vers une approche plus chronologique avec les premiers pas de l’artiste dans l’abstraction, les premières séries figuratives avec l’influence Cobra et un geste très intuitif proche de l’expressionnisme abstrait ou, de l’autre côté, vers son travail très figuratif et presque Pop. Chaque salle rassemble une ou plusieurs séries comme ici avec la peinture d’Elvis qui ne fait pas partie à proprement parler de la série des billards mais partage un lien formel évident, y compris en terme de contenu avec cette musique du café dans lequel on joue au billard et on discute.

A la fin de l’exposition nous proposons un saut chronologique volontaire avec, d’un côté, les peintures-valises réalisées au début des années 1970 lors des allers et retours de Jacqueline entre Paris et Amsterdam qui montrent son intérêt pour le quotidien avec des récits liées à la vie de tous les jours et également aux évènements de l’actualité dans le monde. Ainsi le quotidien est toujours imprégné, influencé, connecté à l’environnement plus large dans lequel on vit, tout comme avec cette peinture tout à fait contemporaine, présentée de l’autre côté de la salle, point de départ d’une nouvelle série qui s’intéresse à la crise des réfugiés et à la question du confinement que tout un chacun a vécu pendant cette crise. Nous avons ainsi tout au long du parcours cherché à faire des ponts et passerelles entre différentes époues et différents sujets.

Vue de l’exposition Jacqueline de Jong WIELS photo Philippe de Golbert

Le choix du titre The Ultimate Kiss

Il est toujours difficile de choisir un titre et un visuel pour l’ensemble des supports de communication. Quand nous y avons réfléchi avec Jacqueline, elle souhaitait privilégier une œuvre relativement récente, ce tableau datant de 2012. Elle n’aime pas, et c’est légitime, être étiquetée comme une artiste des années 1960 car, bien qu’ayant 82 ans, elle reste très active et investie dans les questions contemporaines. Jacqueline a d’ailleurs été très présente dans tout le processus de travail de l’exposition et du catalogue. En même temps The Ultimate Kiss reprend ces figures monstrueuses qui apparaissent dès le début et cette combinaison de violence et de sexualité inhérente à beaucoup d’œuvres, avec ce squelette qui renvoie à la mort et à la maladie et ce baiser dont on ne sait pas s’il empoisonne ou redonne la vie. Et enfin, ce titre poétique et mystérieux.

A ne pas manquer également l’exposition collective Regenerate autour d’artistes de la scène belge en réaction à cette période de confinement et de réclusion traversée.

Infos pratiques :

Jacqueline de Jong

The Ultimate Kiss

Jusqu’au 15 août

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WIELS | Centre d’Art Contemporain

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