Coups de cœur et incontournables 13ème PAC Marseille : Katia Kameli, Buropolis, Montévidéo, le 3bisf…

Juliette Feck, Les Sirènes, performance Anse du Grand Mugel, PAC 2021

Comme nous l’annonçait la présidente du Printemps de l’Art Contemporain, Diane Guyot de Saint-Michel dans son interview (relire) les 62 membres du réseau ont su se fédérer et se mobiliser malgré un contexte général de crise très pénalisant. Le signal fort de résistance de ce laboratoire marseillais qui ne cesse de se renouveler.

Sur place, les propositions très variées illustrent la richesse du territoire, son identité forte et la créativité des artistes avec comme fil rouge le paysage. On passe d’une calanque (Le Mugel) à un bâtiment brutaliste à l’Estaque (Fonds M-ARCO / Le Box), d’un Pavillon XVIIIème à un hôpital psychiatrique (le 3BisF), d’un artist-run space (Sissi Club) à une friche industrielle (Buropolis), d’une maison particulière (Le Berceau) à un ancien couvent (Montévidéo), une Villa Belle Epoque sur la Corniche Kennedy (Villa Gaby) à d’anciens bains douche (galerie Art-cade)… il y en a pour tous les goûts que vous aimiez les ballades urbaines, l’architecture, l’art contemporain ou la nature.

Certaines propositions ressortent plus que d’autres et voici quelques recommandations et coups de cœur.

Kameli Kameli au Frac

« Elle a allumé le vif du passé », titre choisi par l’artiste et réalisatrice franco-algérienne pour ce nouvel opus renvoie à l’exposition de Triangle à la Friche Belle de mai « En attendant Omar Gatlato » que j’ai déjà chroniquée et au livre de Wassyla Tamzali sur le cinéma algérien. Transformant tout le rez-de-chaussée du Frac en une salle de cinéma, ce dispositif incite le visiteur à prendre le temps de se pénétrer de ces images et de ce qu’elles véhiculent.  A partir du kiosque sauvage à Alger où sont proposées quotidiennement sur les grilles de la Banque nationale par Farouk des cartes postales de la période coloniale, Katia Kameli s’interroge sur cette démarche alors que la question de l’image reste un tabou en Algérie ou comment une certaine mémoire occultée vient ressurgir dans le présent. Cette part manquante au récit officiel, la « béance de la décennie noire » comme elle le résume. Elle se met alors à interroger les passants et au fil de ses rencontres tisse la trame de ce qu’elle appelle Le roman algérien. De ce premier chapitre nait rapidement une suite avec la philosophe Marie-José Mondzain dont le père avait été peintre en Algérie que l’on retrouve devant le kiosque et différents lieux de son passé avant que le chapitre 3 ne se concentre sur le  « tsunami d’images » que représente le Hirak vu à travers le regard de la photographe algérienne Louiza Ammi dont l’un des clichés emblématiques ouvre le parcours. Des combattantes, les moudjahidates et des femmes qui ont se sont battues pour l’indépendance et ont été volontairement effacées par le FLN. A l’étage, Stream of stories reprend et poursuit ce projet évolutif sur les inspirations orientales des Fables de La Fontaine dans un nouveau dispositif qui rejoue celui de la Biennale de Rennes ou du Mac Val (Tous des sangs-mêlés) à travers des masques et des facs-similés de manuscrits provenant de la BNF. La question du traducteur, des droits d’auteur, de la fiction et ses codes sont sous-jacentes. Cette réponse de Katia Kameli subtile et juste à l’invitation de N’Gone Fall, la commissaire générale de la Saison Africa 2020 sur la place des femmes dans les grands récits historiques nous invite à nous pencher sur une autre proposition de la Saison : les ateliers Sahm fondés en 2021 à Brazzaville à La Cômerie (ancien couvent) et à Montevidéo, développés plus loin dans le texte.

Katia Kameli, image extraite de Le Roman Algérien – Chapitre 3, 2019, Vidéo HD, 45 min.Adagp

Buropolis

Yes We Camp est un collectif fondé à l’occasion de Marseille 2013, capitale de la culture qui vise une occupation inventive et militante d’espaces vacants pour les transformer en tiers-lieux. L’espace Les Grands Voisins à Paris et à présent Buropolis à Marseille qui va accueillir 200 artistes dans un immeuble de bureaux voué à la démolition du 9ème arrondissement. Espace de création et plateforme d’échanges, nous y rencontrons les artistes : Martin Belou et Truc-Anh, ce dernier préparant l’exposition inaugurale « 88 Mediums », performance collective de 8 heures le 29 mai sous forme de cadavre exquis en réponse à l’état d’urgence soulevé par cette crise sanitaire.

Buropolis,Truc-Anh, courtesy the artist galerie Sator

Gothic Revival- A Gothic lounge par Emmanuelle Luciani (Pavillon Southway)

Manifeste esthétique et work in progress qui irrigue tous les pores et surfaces de la maison de famille d’Emmanuelle Luciani et ses invitées : Bella Hunt & Ddc et Jenna Kaës. Un dédale de références de l’Angleterre Victorienne et Pré-Raphaélite à l’underground contemporain magistralement mises en scène entre nostalgie médiéviste et approches art& craft. Entre vernaculaire et nouvelle spiritualité, un désir d’un rapport autre au monde. Emmanuelle Luciani nous explique que ces projets doivent s’adapter et s’adapter à chaque contexte, ce qui rejoint les échanges en Europe autour du Gothique, qui convergent à Anvers dans les Flandres. Des fusions et sédimentations qui la passionnent et qu’elle traite dans les expositions à travers toutes ces résurgences formelles. Interview à suivre.

Gilles Pourtier château de Servières photo Jean Christophe Lett

Gilles Pourtier, Château de Servières

Diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, après avoir été verrier à Nancy et en Angleterre Gilles Pourtier présente des œuvres spécialement produites pour ce projet qui se déroule dans 3 centres culturels pendant 2 ans, URDLA à Vileurbannes et le Point du Jour à Cherbourg-Octeville. Ces multiples expérimentations rejoignent ces questionnements du medium: dialectique négative, plaques de verre, origami en papier photosensible, xylogravure..Investissant l’ensemble de l’espace il livre tour à tour ses recherches conceptuelles autour du langage. On se souvient de son exposition au 3bisf à la suite de sa résidence.

Alice Guitard, Double V Gallery

Alice Guittard m’avait accordé un interview à l’occasion de sa proposition pour OVNI festival 2019 autour d’un récit imaginaire et introspectif des voyages de Marco Polo, « Filature à la gondole ». Pour sa première exposition personnelle en France l’artiste s’est lancé dans la technique de la marqueterie de marbre dont l’imbrication des fragments lui rappelle le processus photographique.

Camille Bernard, Sissi Club

Première exposition personnelle de Camille Bernard en collaboration avec Simon Lahure, artiste et musicien. Diplômée de la Glasgow School of Art sa mère est écossaise son père français Camille Bernard, vit et travaille à Paris. Avec Bruisse l’Eau elle propose un environnement immersif où les personnages de ses peintures comme échappés d’une fresque de Diego Rivera côtoient des créations en plâtre. Elle avait été exposée au Couvent de la Cômerie, ce qui nous introduit à la prochaine étape : les ateliers Sahm.

Les ateliers Sahm : Réinventer le monde..à l’aube des traversées (Montévidéo, La Cômerie)

Dans le cadre de la Saison Africa 2020, les ateliers Sahm fondés en 2012 à Brazzaville s’installent 3 mois à Marseille. Artistes, chorégraphes, slameurs confrontent leur expérience avec des acteurs de la scène marseillaise et partagent avec nous leurs travaux sous forme de worshops, de débats et de rencontres.

Juliette Feck, Les sirènes Anse le Grand Mugel, PAC 2021

Juliette Feck, Calanque Le Mugel (La Ciotat)

La « sirène » sort de l’eau pour nous présenter ses céramiques émaillées. Une pratique qui remonte à son enfance et qu’elle a exploré aux côtés de Johan Creten aux Beaux-Arts. De couleur vertes elles renvoient au macabre et à la crise des migrants et le cimetière que représente la méditerranée.

Après Londres, Bruxelles et Paris Juliette se décide pour Marseille et s’installe à la Déviation au départ à l’occasion d’une résidence en 2016. De ce gigantesque casse de voitures face à la mer elle puise son inspiration et recycle les résidus… Interview Podcast à suivre.

Hélène Bellenger et Charlotte Perrin, 3 bis f Aix en Provence

Dans cet environnement encore marqué de ses stigmates carcérales au sein du Centre hospitalier psychiatrique Montperrin, le 3 bis f propose des résidences de création et de recherches à des artistes ou compagnies du spectacle vivant. Hélène Bellenger et Charlotte Perrin réagissent à la sensation d’emprisonnement de l’in situ avec d’une part une recherche iconographique autour de publicités pour antidépresseurs et anxiolytiques et du marketing olfactif et d’autre part, l’architecture asilaire du bâtiment et ses usages qu’elle recompose.

Dans le jardin le duo VOOGT, suite à leur résidence, propose un avant goût de l’installation Fleurs de dopamine présentée à partir du 29 juin dans le jardin des Arts Ephémères à Marseille (PAC) de se reconnecter à l’essentiel, de ralentir.., selon leur démarche et philosophie. De quoi finir sur une note positive et relaxante ces découvertes intenses. Plusieurs circuits de visite sont proposés les week-ends sur inscription.

Infos pratiques :

13ème édition du PAC

Agenda et calendrier général :

PAC – Le festival (p-a-c.fr)