Christophe Gaillard : Le premier catalogue raisonné ancré dans la blockchain et La Résidence-Le Tremblay

C’est à l’occasion du lancement du premier catalogue raisonné digital ancré dans la blockchain conçu par la société Arteïa pour l’artiste Hélène Delprat représentée par Christophe Gaillard, que j’ai souhaité percer le mystère de ce phénomène qui cristallise le marché. De plus Christophe Gaillard a annoncé ouvrir ce printemps La Résidence/Le Tremblay dans un ancien château du XVIIIè siècle en Normandie dont la bâtisse et le parc, après d’importants travaux, seront envisagés comme une extension de la galerie pour pouvoir y accueillir des artistes en résidence mais aussi des collectionneurs, des critiques d’art et des amis suivant affinités électives. Un projet qu’il a voulu situer en France, proche de Paris et dont il nous dévoile les contours. Son exposition consacrée à Marcel Bascoulard, autodidacte qui questionne la notion du genre et de l’autoportrait dès les années 1940 a connu un réel succès, (quand on pouvait encore visiter les galeries…!) alors que la formidable exposition dédiée à l’artiste rom Ceija Stojka est reportée pour la 3ème fois.

Vue de l’exposition An anatomy of politics de Brian Maguire courtoisie de l’artiste galerie Christophe Gaillard photo Rebecca Fanuele

Le premier catalogue raisonné digital ancré dans la blockchain : genèse et enjeux de la digitalisation du monde de l’art

Au-delà de l’euphorie du marché de l’art pour les NFTs (non fungible token ou jetons non fongibles) et leurs résultats insolents, personne aujourd’hui n’est capable de dire ce qu’il en sera dans 10 ans, ce qui ne veut pas dire que cela ne va pas prendre une place très importante ou aucune ! Les deux scénarios sont possibles. Il y a beaucoup d’excès derrière ce phénomène qui cache aussi des gens très sérieux pour qui ce n’est pas juste un jeu. L’enjeu est comment adosser la technologie NFT à de vraies œuvres, physiques ou non et pensées en tant que telles.

Mais je ne vais pas entrer dans ces éléments techniques et technologiques qui ne me concernent pas à ce stade.

J’ai fait confiance aux deux fondateurs d’Arteïa qui ont su me convaincre de me lancer dans ce projet de catalogue raisonné digital ancré dans la blockchain. Il est certain que le catalogue raisonné dans son format papier rencontre un réel problème en termes d’actualisation (1er supplément, 2ème..) et de corrections qui a posteriori sont impossibles. De plus, un catalogue raisonné à part quelques exceptions comme Jean Dubuffet ou Jean-Pierre Raynaud n’est pas spécialement agréable à parcourir, contrairement à un livre d’artiste. Le catalogue raisonné se prêtait bien pour Hélène Delprat à ce stade de sa carrière et permettait aussi à Arteïa de montrer que l’on peut commencer un catalogue raisonné du vivant de l’artiste. L’idée est de le développer ensuite pour d’autres artistes comme Michel Journiac ou Daniel Pommereulle.

courtoisie l’artiste, galerie Christophe Gaillard et Arteïa

Quel bilan faîtes-vous de la période ?

Nous naviguons à vue et cela devient très compliqué en terme de programmation pour des projets à moyen terme. On va devoir annuler pour la 3ème fois l’exposition de Ceija Stojka alors que nous avions prévu une ambitieuse programmation autour. J’avais pendant le confinement lors de mes focus en ligne « ça n’a pas de prix » retracé l’émotion ressentie devant les œuvres de cette artiste rom rescapée des camps, découverte pour la première fois à la Friche Belle de Mai à Marseille à l’occasion de l’exposition conçue avec la Fondation Antoine de Galbert. Tant de résilience au milieu du cauchemar et de l’indicible avaient scellé mon engagement à représenter son œuvre.

De même pour l’exposition Daniel Pommereulle qui devait commencer dans 15 jours et pour laquelle nous devions emprunter des œuvres majeures de Delacroix, Rebecca Horn ou Giacometti.

L’art est aussi une affaire de convivialité et d’échange, de transmission mais en ce qui concerne le volet strictement commercial, le bilan de la galerie n’est pas si mauvais. Nous avons accusé une baisse de revenus suite à ces mois de fermeture avec des décalages ou des retards. Mais les efforts déployés par le CNAP, certains FRAC ou certains musées sont à saluer lors du premier confinement.

Nous avons pu compter aussi sur nos collectionneurs, étant donné que la galerie n’est pas dépendante des foires. Comme nous tous, les collectionneurs après ce moment de tétanie qui accompagne le premier confinement, ont retrouvé l’habitude de venir en galerie malgré les contraintes et les lourdeurs.

Marcel Bascoulard
Pose 8 du 3 mai 71, 3 mai 1971 Signé et daté
Tirage argentique d’époque Vintage silver print 12.9 x 8.8 cm
5 1/8 x 3 1/2 in
(MaB150)
Courtoisie de la Galerie Christophe Gaillard

La stratégie on line pendant cette période

Je suis toujours un peu rétif vis-à-vis du virtuel.

J’ai l’impression qu’il y a eu 3 temps. En premier lieu, tout le monde s’est précipité sur le digital avec presque un côté ad nauseum, aboutissant à un phénomène de rejet face à toutes ces offres de viewing rooms et autres, alors qu’à présent nous avons tous changé notre rapport aux écrans que nous regardons et utilisons beaucoup plus qu’avant.

Hier par exemple j’étais à Bruxelles chez des collectionneurs et même si j’avais fait le déplacement, nous n’avons pas quitté l’écran même si je persiste à dire que ma présence a été essentielle pour accompagner leur regard sur l’artiste et décision à venir.

Pendant le confinement et malgré mes doutes, j’ai tout de même réalisé 3 opus intitulés « ça n’a pas de prix », insistant sur le besoin d’une offre qui corresponde à l’identité de chacun. Certaines galeries ont très bien réussi l’exercice comme David Zwirner dont les newsletters étaient tellement bien conçues qu’elles en devenaient même presque nécessaires pour aller découvrir l’exposition ensuite. Il y a donc des expériences qui fonctionnent.


Vues de l’exposition Marcel Bascoulard – Sélection, Galerie Christophe Gaillard, Paris, 2021.
Courtoisie de la Galerie Christophe Gaillard
© Photo : Rebecca Fanuele.

La résidence -Le Tremblay

Avec Nathalie nous avons eu un véritable coup de cœur. C’est un lieu qui nous ressemble, porteur d’une identité qui est la nôtre.

Nous prévoyons une ouverture fin juin. Il s’agit en fait de trois entités distinctes au sein d’un même domaine (surface du château de 850m² et parc de 14 ha), le tout étant privé et se faisant sur invitation.

-un lieu de création

Le premier ensemble est une grange que nous convertissons en atelier et résidence d’artiste au 1er étage avec au rez-de-chaussée une salle d’exposition et de convivialité où l’on pourra lire, prendre un verre…et qui nous servira aussi d’espace pour organiser des symposiums et des colloques. Les artistes accueillis en résidence seront sélectionnés par un jury composé de collectionneurs et de critiques d’art. Nous pourrons imaginer des échos en termes de programmation avec la galerie avec la possibilité d’accueillir des artistes étrangers en résidence de création avant leur exposition. Sur l’inspiration des colloques de Cerisy, nous pourrons organiser des jubilées autour de certains artistes qui à leur tour pourront inviter d’autres créateurs.

-un lieu de réception et d’exposition

Le 2ème espace est le château conçu comme la réunion de l’écosystème de la galerie en fonction des affinités électives de chacun et sans aucune hiérarchie. Les 10 chambres pourront héberger des collectionneurs, des artistes, des journalistes, des critiques, les intervenants des colloques…dans un cadre prestigieux qui réunit après un an de travaux, l’art, le design et l’architecture en lien avec le très beau paysage extérieur.

Je pourrai par exemple imaginer la rencontre de collectionneurs d’un même artiste qui ne se connaissent pas encore et pourtant partagent des goûts communs.

-un lieu d’exposition de sculptures d’extérieur

Le 3ème espace est le parc de 14 hectares, pour lequel nous imaginons un programme de commandes et d’expositions extérieures temporaires. Dans ce sens nous réalisons d’importants travaux de réaménagement accompagnés d’un paysagiste. Chaque vernissage d’une nouvelle sculpture donnera lieu à l’automne à un colloque sur les enjeux de la sculpture en extérieur. La première grande sculpture sera une fontaine d’Hélène Delprat qui promet d’être spectaculaire avec de nombreux jets d’eau. Nous avons déjà repéré et proposé à d’autres artistes les commandes à venir.

A plus long terme, nous avons le projet de construire un autre bâtiment sous la forme d’une salle d’exposition d’art contemporain, dont le sous-sol permettrait d’accueillir le stock de la galerie. Nous attendons les autorisations pour le faire étant donné que nous basculons dans la sphère publique.

La Résidence-Le Tremblay (vue du chantier) courtoisie Christophe et Nathalie Gaillard

Synergies locales et régionales

Nous avons déjà un projet avec les Haras du Pin qui tous les ans organisent une exposition sur le cheval avec cette saison des artistes internationaux très pointus. Le tableau de Julien Des Monstiers qui se trouve derrière vous, sera dans l’exposition. Une visite de presse va être organisée conjointement entre le Haras, nous et le château de Médavy, appartenant à la collectionneuse Béatrice Charon.

Nous allons voir comment tisser des liens avec les différents lieux d’art qui nous entourent tels les Bains Douche à Alençon ou le Frac Normandie-Rouen et pourquoi pas aussi certaines écoles d’art. 

Infos pratiques :

Anatomy of politics, Brian Maguire

Marcel Bascoulard (front space)

Prochainement :

Dans l’oeil de Daniel Pommereulle, avec des oeuvres de :
Martin BARRÉ, Eric BAUDART, Camille BRYEN, Pierre Paolo CALZOLARI, Jean DEGOTTEX, Eugène DELACROIX, Erik DIETMAN, David DOUARD, Max ERNST, Lucio FONTANA, Marina GADONNEIX, Dave HARDY, Rebecca HORN, Ann Veronica JANSSENS, Piotr KOWALSKI, Jean-Jacques LEBEL, André MARFAING, Roberto MATTA, Henri MICHAUX, Bernard MONINOT, Marie-Luce NADAL, Frédéric PARDO, Albert RÀFOLS CASAMADA, Man RAY, Jean-Pierre RAYNAUD, Bernard RÉQUICHOT, Lucas SAMARAS, Nobuo SEKINE, TAKIS, Yves TANGUY, Hervé TÉLÉMAQUE, Keiji UEMATSU, Pieter VERMEERSCH, WOLS, Unica ZÜRN et Daniel POMMEREULLE. 

Exposition du 6 mai au 26 juin 2021.

En attendant la réouverture des galeries

Galerie Christophe Gaillard 5 Rue Chapon75003 Paris

Galerie Christophe Gaillard (galeriegaillard.com)

La Résidence-Le Tremblay :

La Résidence – Le Tremblay | Galerie Christophe Gaillard (galeriegaillard.com)

Visualiser le catalogue raisonné d’Hélène Delprat :

Catalogue Raisonne Web Client (arteia.com)

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