Portrait Léa Belooussovitch photo Yves Bresson MAMC+
Première exposition dans un musée de la jeune artiste lauréate du 10ème Prix des partenaires, Léa Belooussovitch au MAMC + est un événement. Feelings on Felt sous le commissariat d’Alexandre Quoi dresse une cartographie sensible et dense d’une oeuvre plastiquement déroutante et formellement engagée. Les multiples vibrations du feutre coloré deviennent ici une caisse de résonnance nouvelle aux confins de l’image qu’elle nous décrypte. Léa Belooussovith est également exposée à la galerie Valérie Bach, la Patinoire Royale de Bruxelles, ville où elle a fait le choix de s’installer et qui, en cette période de crise offre de nombreux atouts pour les artistes.
Née à Paris en 1989, Léa Belooussovitch vit et travaille à Bruxelles. Après l’obtention d’un master en dessin à l’ENSAV La Cambre en 2014, elle est nommée pour l’édition 2016 du Prix Révélations Emerige. Elle est lauréate 2018 du prix Jeunes Artistes du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Lauréate de la 10ème édition du Prix des Partenaires en quoi cette valorisation qui s’accompagne d’une importante exposition au MAMC+ et publication est-elle importante à ce moment de votre parcours ?
L’exposition Feelings on felt est très importante dans ma carrière car elle réunit pour la première fois uniquement mes plus importantes séries d’oeuvres sur feutre, dans un seul espace institutionnel : une sélection de pièces réalisées ces cinq dernières années. La majorité des oeuvres, provenant de collections, ont pu être rassemblées et c’est tout à fait nouveau pour moi de pouvoir les revoir, les réunir et les présenter au sein du musée. Cela me permet d’établir un constat de mon travail déjà accompli, tout en me permettant de me projeter dans le futur.
Feelings on Felt, choix du titre
Le titre évoque à la fois les émotions qui ont été ressenties lors des prises de vues photographiques des sources que j’utilise comme base de travail, les sons, les cris, les pleurs, les éclats de voix, la peur, mais aussi les émotions que l’on ressent lorsqu’on se trouve face aux oeuvres, après toutes les étapes de leurs construction. Il évoque aussi bien sûr la matière, charnelle et enveloppante, que constitue le feutre textile et que je place dans mon travail au rang de réceptacle à émotions.
Parti pris scénographique en concertation avec Alexandre Quoi, commissaire
Le choix a été fait de présenter deux des plus importantes séries, « Houla, Syrie, 25 mai 2012 », et la série des « Relatives » sur deux murs colorés, dont les teintes ne sont pas présentes dans les oeuvres. C’est la première fois que j’ai l’occasion de pouvoir tester ce type de scénographie, où la couleur agit comme un arrière-plan enveloppant et donne un peu d’intimité à ces séries. Il y a aussi « Luxembourg, du jamais vu dans ce pays calme », qui est la plus grande oeuvre que j’ai réalisée, que nous avons choisi de présenter à nu, sans cadre, comme une introduction et une immersion dans la matière au début de la première salle.
Choix du protocole mis en oeuvre dans chacun de vos dessins immédiatement reconnaissables ?
Mes oeuvres sont réalisées selon un protocole assez précis : une image, un événement est choisi dans la presse, puis un morceau de cette image est sélectionné. Ce n’est pas un agrandissement, mais un recadrage, dans ce qui a déjà été établi comme un cadre par le photographe. Ce sont des images dans lesquelles la vulnérabilité est mise à nu, l’intimité a été perforée, la douleur de l’autre constitue l’objet de la vision. A partir de cette photo nette, je dessine à main levée directement aux crayons de couleur sur le feutre blanc, en enclenchant le processus de flou : les formes sont « simplifiées », les masses se confondent, les premiers et arrières plans se mélangent et les pigments s’enfoncent dans les fibres. Par ailleurs, il y a une volonté que les teintes soient au plus proche de la source d’origine, tout en subissant un décalage intéressant : entre la couleur de la lumière d’un pixel numérique et la couleur d’un pigment de crayon, il y a un léger éloignement qui s’impose de lui-même.
En parallèle vous faites partie de l’exposition Young Belgium à la galerie Valérie Bach Patinoire Royale de Bruxelles, ville où vous avez choisi de vivre et de créer, en quoi est-ce un signal de reconnaissance et d’appartenance à cette scène ?
L’exposition Young Belgium – Opus 1 : Ineffable présente six artistes actifs en Belgique qui incarnent la scène artistique de demain, c’est très important pour moi d’y être présente, cela ancre mon oeuvre dans le paysage artistique belge. Au sein de ce magnifique espace que constitue la Patinoire Royale, avec une surface d’exposition unique, les oeuvres y sont déployées autour du concept de l’Ineffable et un superbe catalogue est édité. Etre exposée dans une galerie de cette envergure dont la ligne est axée sur l’art belge est une reconnaissance de mon appartenance à la scène culturelle de Belgique, pays en effet dans lequel je vis et je travaille. C’est aussi l’opportunité pour moi de pouvoir mettre en confrontation différentes oeuvres, autres que les oeuvres sur feutre, qui n’ont jamais pu être exposées ensemble (Nécrologe-Belgique, Perp Walk, Executed Offenders…)
Quelles rencontres ont-elles été décisives dans votre parcours ?
Etant tout juste diplômée de l’école de La Cambre en 2014, j’ai été lauréate du Prix Moonens qui m’a permis de bénéficier d’un atelier et d’un accompagnement post-scolaire pendant une année, au cours de laquelle j’ai pu rencontrer des collectionneurs, des curateurs, des artistes, des galeristes, toute une série de personnes qui ont constitué le noyau de mes relations professionnelles. Après cette importante étape pleine de rencontres, j’ai enchaîné deux autres résidences d’artistes à Bruxelles où j’ai également fait de belles rencontres (la MAAC et la Fondation Carrefour des Arts), qui ont précédées ma rencontre avec le milieu artistique parisien, par le biais de ma nomination au prix Emerige en 2016. L’année d’après, j’ai commencé à travaillé avec la Galerie Paris-Beijing et en parallèle, mes projets en Belgique ont pris de plus en plus d’ampleur.
Si l’impact de cette crise s’est fait sentir sur vos expositions, quel regard portez-vous sur cette période ?
En effet l’impact de la crise a été puissant sur l’exposition au musée, dont l’ouverture a été repoussée de plusieurs mois… La situation étant différente en Belgique, j’ai tout de même eu la chance de pouvoir participer à des projets d’expositions collectives, et j’ai pu travailler sur des commandes. En termes de création pure, l’impact psychologique s’est fait ressentir, par le frein qui s’est installé à mettre en place des projets, le manque de voyages, de visibilité de l’art…. néanmoins j’ai pu continuer à travailler à mon atelier sans changements, en profitant pour développer des idées, faire du rangement, des lectures, etc…
Livre d’artiste de Léa Belooussovitch. Feelings on felt
Coédité avec The Drawer. 100 pages. Prix : 23 euros.
Publication mars 2021.
Infos pratiques :
Léa Belooussovitch. Feelings on felt
jusqu’au 15 août 2021
visites professionnelles sur demande
Derniers jours ! Young Belgium Ineffable (Opus 1)
La Patinoire Royale – Galerie Valérie Bach / Current (prvbgallery.com)
Léa Belooussovitch est représentée en France par la galerie Paris-Beijing
Site de l’artiste :