Thomas Van Reghem, devant l’oeuvre Dans la boîte noire avec un morceau de ciel, exposition collective Upside Down, DOC !
Thomas Van Reghem, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, vit et travaille entre Bruxelles et Paris. Depuis l’atelier d’Emanuel Saulnier il développe un intérêt pour le matériau de l’histoire et de sa perte, proche des questionnements de l’oubli et de l’invisible. A l’initiative de Lena Peyrard il participe à l’exposition collective Upside Down à l’artist un space parisien Doc. Une vraie opportunité en cette période de pandémie où les artistes se trouvent privés de lieux d’exposition et d’échanges avec la joie de pouvoir concrétiser ce projet malgré toutes les incertitudes. Thomas revient sur les débuts de sa carrière à Bruxelles et pourquoi il a choisi de revenir à Paris à l’occasion de l’invitation d’Yvannoé Kruger à rejoindre l’incubateur Poush Manifesto (Clichy). Une formidable impulsion et nouvelle étape de son parcours.
Comment avez-vous accueilli cette proposition collective conçue par la commissaire Lena Peyrard ?
Cela faisait plusieurs années que j’échangeais avec Lena et j’ai été ravi quand elle m’a proposé de participer à cette exposition il y a plus d’un an, avant la pandémie. Elle m’avait présentés plusieurs artistes pressentis dont la plupart sont très actifs et ont un réel intérêt sur la scène artistique parisienne. C’était un vrai plaisir de participer à ce projet. L’année s’est écoulée avec un certain nombre d’incertitudes et de reports et jusqu’à la dernière minute nous ne savions pas si l’exposition allait se tenir, un sentiment assez nouveau à accepter. Autant avant il y avait toujours cette forme d’impatience et d’excitation avant chaque événement alors qu’à présent on anticipe presque qu’il n’aura pas lieu, que c’est perdu d’avance. Il y a une énergie qui est comme atténuée et bloquée. Heureusement nous avons pu magnifiquement nous mobiliser les derniers jours avant l’ouverture.
Pouvez-vous nous décrire votre œuvre « Dans la boîte noire, on trouve un morceau de ciel » ?
Elle est constituée de fragments de vitraux, des carreaux de verre posés sur des lamelles de bois. Le dessin représenté a été réalisé sur de la suie par des canaris pendant leur envol. Cette pièce questionne la représentation de l’oiseau en proposant pour la première fois un ensemble de traces que je qualifie d’événements uniques qui constituent des fragments de vols.
Ce projet a plusieurs points de départ. Tout d’abord une trace d’un oiseau que je suis allée observer en Ukraine le long de la ligne de front en 2017 sur une fenêtre poussiéreuse. Je suis allée connecter cette expérience avec l’histoire des mineurs qui emportaient des canaris avec eux au fond de la mine. Pendant plusieurs années je me suis connecté avec ce monde en profondeur et la technique qu’il fallait totalement inventer pour finalement présenter cet ensemble de vitraux à l’attention des mineurs mais aussi de façon métaphorique de ce que j’appelle la mine de l’inconscient. Cette dimension de strates dans lesquelles on pénétrerait et qui comme la mine, nous exposent à la mémoire de l’univers, la mémoire collective. On pénétrerait dans ses profondeurs, comme en nous-mêmes, accompagnés et guidés par ses traces qu’il faudrait déchiffrer pour y trouver des réponses.
Comment avez-vous rencontré Lena Peyrard ?
Je l’ai rencontré à l’occasion d’une annonce de recherche d’ auteur que j’avais passée sur les réseaux sociaux et à laquelle Lena avait répondue. Ensuite nos chemins se sont éloignées jusqu’à une nouvelle rencontre à l’occasion de l’ évènement qu’elle a conçu à Bruxelles avec le collectif After Affect.
Vous vivez et travaillez à Bruxelles, comment jugez-vous la scène bruxelloise en cette période ?
J’ai quitté les Beaux Arts de Paris en 2017 et j’ai tout de suite souhaité m’installer à Bruxelles, ville à taille humaine que je connaissais et qui offrait des loyers beaucoup plus modérés qu’à Paris permettant d’avoir de plus grands espaces. Des atouts importants à une période souvent pleine de contraintes auxquels s’ajoute un intérêt géographique de véritable carrefour entre Paris, Londres, Amsterdam, le Luxembourg et l’Allemagne. Ce positionnement central était assez idéal à ce moment de ma vie d’artiste et ma carrière ayant cette volonté d’ouvrir d’autres portes et d’autres scènes même si depuis la pandémie les cartes ont été un peu revues.
De quelle manière les cartes ont-elles été rejouées ?
J’étais implanté en fait entre Bruxelles et Paris car ayant ma compagne ici j’ai été confiné à Paris, ce qui voulait dire plusieurs mois sans atelier. Au même moment j’ai eu l’opportunité de rejoindre le projet Poush Manifesto à Clichy, grand bâtiment rassemblant 170 ateliers d’artistes pour une durée d’un an. J’ai saisi cette proposition de revenir finalement à Paris tout en gardant mon atelier à Bruxelles face à des contraintes de voyages actuelles très fortes (tests et quarantaine imposés à chaque aller et retour), générant une incapacité à pouvoir travailler correctement à Bruxelles. Un entre deux qui n’est pas simple. Heureusement qu’à Poush, on se trouve en présence de grands artistes réunis au même moment au même endroit. Ouvrir une porte c’est à chaque fois entrer dans un monde et en ce sens, la stimulation y est quotidienne. J’ai beaucoup de plaisir à y travailler et nous bénéficions tous d’une forme de synergie et d’entraide. C’est pourquoi quand je fais venir des collectionneurs et des critiques d’art je leur propose à chaque fois de visiter d’autres ateliers. C’est un lieu où il faudrait je pense deux semaines de visites pour voir l’intégralité des propositions ! Chacun en tous cas peut y trouver son compte et se permettre un itinéraire.
Poush Manifesto est aussi le reflet de nouveaux acteurs du monde de l’art comme les promoteurs avec une proposition certes temporaire mais encadrée par un contrat
C’est important en effet et nous ne sommes pas dans une dimension de squat, qu’il soit positif ou négatif d’aieurs, avec un vrai cadre professionnel, qui permet de s’épanouir, de développer de nouveaux projets et pouvoir montrer ce que l’on fait en ce moment si instable et exigeant.
En écoute : FOMO_Podcast 🎧
Thomas Van Reghem est représenté en France par la Galerie Faure Beaulieu
Unpside Down,
une exposition de Lena Peyrard
Avec : Hugo Deverchère, Katya Ev, Lyse Fournier, Julia Gault, Alice Guittard, Gwendoline Perrigueux, Baptiste Rabichon, Thomas Van Reghem
26 rue du Docteur Potain Paris
En complément : Interview de Lena Peyrard, commissaire Upside Down
Thomas est artiste du projet POUSH MANIFESTO à Clichy (92)
Visite d’atelier à Clichy sur rendez-vous :
Relire mon interview avec Yvannoé Kruger, conseiller artistique de Poush Manifesto le 2 juillet 2020.