Prune Nourry, archère résiliente au Bon Marché

Prune Nourry, 2020. © Le Bon Marché Rive Gauche

Les musées sont fermés mais pas les grands magasins ! Le Bon Marché continue de soutenir les artistes et c’est à souligner en cette période à travers des expositions et une collection d’oeuvres dont certaines sont visibles dans le parcours.

Prune Nourry est une jeune femme pressée tout comme son compagnon JR. Son succès ne cesse de se confirmer au fil de ses défis. Le dernier en date : sa lutte contre le cancer du sein dont elle puise force et inspiration nouvelle pour son installation l’Amazone érogène tout juste dévoilée au Bon Marché. C’est un prolongement monumental de son exposition Catharsis à la galerie Templon en septembre 2019 autour des notions de guérison et de renaissance. Nous avions été séduits par les Terracotta Daughters au Centquatre en 2014 et sa carte blanche Holy au musée Guimet en 2017 qui traitait des injonctions faites au corps de la femme et des notions de procréation.

Avec une cible géante en forme de sein à la manière d’un tronc d’arbre coupé, 888 flèches en bois pointent vers cet objectif. Autant de lignes de vie qui symbolisent une métaphore de son combat contre la maladie à partir d’une relecture des canons de la représentation dans l’histoire de l’art : le martyr de Saint Sébastien, patron des archers. Le résultat est très fort dans l’atrium du grand magasin et vitrines de la Rue de Sèvres.

L’Amazone Erogène, dessin technique. (c) Prune Nourry Studio

Prune Nourry accordant peu d’interviews,

Extraits de son interview pour le catalogue et le site du Bon Marché :

Pouvez-vous expliquer pourquoi ce titre « L’Amazone Érogène » pour votre exposition au Bon Marché Rive Gauche ?

Dans la mort, il y a la vie ! Dans cette cible que des centaines de flèches attaquent, on peut voir la maladie, mais aussi la course des spermatozoïdes vers l’ovule. Quand j’ai eu un cancer du sein et quand mon chirurgien m’a proposé plusieurs options d’opération, celle qui semblait la plus appropriée dans mon cas voulait dire d’amputer ma zone érogène, sein et téton. J’ai béni le ciel — et remercié l’évolution ! — d’en avoir deux ! Je suis devenue, comme tant de femmes ayant également traversé cette épreuve, une amazone. J’ai eu la chance d’avoir le choix. J’ai décidé de l’enlever pour vivre, pour reconstruire comme je le souhaitais, jeune femme de 31 ans avec mes envies et mes besoins.
L’œuvre actuelle est une version monumentale de celle que j’avais réalisée pour mon exposition « Catharsis » à la galerie Templon en septembre 2019, regroupant toute une série d’œuvres sur l’espoir universel de guérison et de fertilité.

Prune Nourry l’Amazone 2rogène le Bon Marché photo Marie de la Fresnaye

Comment avez-vous pensé l’installation « L’Amazone Érogène », présentée au Bon Marché Rive Gauche ?

J’ai pensé cette installation comme des milliers de flèches qui se dirigent vers une cible, en forme de sein géant. Ce sein géant est également une représentation des lignes de vie, à la manière d’un tronc d’arbre coupé. En effet, quand on coupe un arbre on peut en distinguer toutes ses lignes de vie. A travers ces formes, on devine les hivers qui ont été rigoureux ou les étés lumineux : comme une métaphore de la vie d’un être humain.
« L’Amazone Érogène » peut être lue comme une métaphore de la victoire sur la maladie. On passe à travers la maladie, comme on passe à travers des milliers de flèches.

Prune Nourry l’Amazone 2rogène le Bon Marché photo Marie de la Fresnaye

En quoi cette œuvre s’inscrit dans le corpus de vos œuvres précédentes ?

Cette œuvre est dans la lignée de ce que j’ai fait jusqu’à maintenant car sans le savoir j’avais déjà travaillé sur les questions de la féminité, de la procréation ou de la sélection. Pour « L’Amazone Érogène », j’ai poursuivi ma collaboration avec des artisans, à partir notamment d’un matériau qui fait particulièrement sens pour moi, le bois. J’ai fait une école de sculpture sur bois et c’était très important de retourner vers ce matériau, autant pour la réalisation des flèches, que celle de l’arc ou du sein géant. Il y a quelque chose de très organique dans le choix du bois car c’est un matériau vivant. Les craquelures qui partent du cœur du tronc ressemblent à des cicatrices sur le corps et qui racontent chacune à leur façon l’histoire d’un être humain.

Prune Nourry, « Self-Defense », 2019. Vue de l’exposition Catharsis, Galerie Templon, Paris. © B. Huet Tutti Prune Nourry Studio

De quelles façons votre expérience personnelle vient-elle irriguer votre travail d’artiste ?

A travers cette expérience, je suis passée de sculpteur à sculpture. On reconstruit le corps comme on sculpte, les matériaux sont juste un peu plus complexes ! Avant la maladie, je pensais avoir une relation presque objective par rapport à mes sujets. La tumeur m’a poussée à regarder plus en moi, comme un morceau d’argile à transformer. Sans renoncer à ma pudeur, j’ai pu partager ce qui me semblait universel et important, en espérant aider d’autres femmes ou hommes qui passent à travers ce parcours, à la fois banal et extraordinaire, du cancer. Je me nourris aussi beaucoup de mes échanges avec les autres, aussi bien des voisins que des chercheurs, des gens proches ou connus au bout du monde. Je me suis rendue compte que les gens que je rencontrais et les sujets dont je parlais, d’une manière ou d’une autre résonnaient toujours avec qui j’étais et ce en quoi je croyais. Il y a en cela un langage universel (..)

Infos pratiques :

Prune Nourry, l’Amazone érogène

www.24s.com