le fétichiste (anonyme), Christian Berst galerie
C’est sur fond d’insurrection sociale que je me faufile à travers le marais pour ce premier tour de galeries d’après confinement, entre deux cars de CRS. Nos samedis restent bien incertains pour les commerçants mais pas de quoi décourager les amateurs d’art qui bien que peu nombreux, étaient très motivés. Le plaisir du partage de nouveau et le sourire de celles et ceux qui nous inspirent auprès des artistes également très présents.
Maxime Duveau @Backslash
J’avais découvert la première exposition de Maxime Duveau en 2019 au MAMC+ Saint-Etienne en tant que lauréat du Prix des Partenaires, au moment de l’arrivée de Aurélie Voltz. Totalement séduite par ce all-over charbonneux entre San Francisco et Los Angeles sur fond de grands mythes cinématographiques entre fusain, tampon à l’encre de chine et sérigraphie qu’il accompagnait d’un roman : RingoleV.io Cosmique édité pour l’occasion. A présent rentré dans l’écurie de Backslash il livre en deux chapitres son nouveau road trip : Las Stop at the Gas Station (ça sonne mieux en anglais) d’une incomparable somptuosité. Il opère un parallèle entre la ville de Los Angeles et celle de Conflans-Saint-Honorine sa ville d’origine, qu’il magnifie dans cette exposition en miroir et la nouvelle écrite comme en prolongement entre Jack Kerouac et James Ellroy : des éclairs et fulgurances des mots qui palpitent comme le bitume Angelino sous le coup de canif de Maxime Duveau. Ce last stop a tout du roman noir, on en redemande… Happy Birthday Backslash ! 10 ans d’émotion à vos côtés ça se fête (en mode zoom pour l’instant).
Le fétichiste anatomie d’une mythologie @Christian Berst
Ce fonds photographique anonyme de jambes gainées de collants captées dans la rue ou sur un écran de télévision est une pépite ! Constitué entre 1996 et 2006 cet opus tient de la divine obsession d’un Sade ou d’un Eric Rohmer (Le genou de Claire). Il n’est question que de désir et non de voyeurisme. Cette démarche rejoint les nus amateurs de femmes de la collection du journaliste Wim de Jong, exposés en ce moment à la Kunsthal de Rotterdam « For Your Eyes Only » que je développerai prochainement.
De plus, à l’occasion de l’ouverture de son nouvel espace « the bridge » Christian Berst a invité le commissaire Gaël Charbau qui avec « Face to face » rejoue l’art de l’autoportrait à travers le visage.
Sue Williamson @Dominique Fiat galerie
Pour la première exposition personnelle de cette pionnière sud-africaine, Dominique Fiat a sélectionné des oeuvres déterminantes autour des ravages de l’apartheid, de l’exil, du déplacement, de la xénophobie. Avec the The Long Journey of the Brothers Ngesi il est question de ces travailleurs migrants qui arrivent de leur campagne pour travailler dans les mines d’or près de Johannesburg ou dans The Last Supper of Manley Villa ce sont les derniers instants de joie d’une famille avec la démolition de leur maison, le district 6 ayant été déclaré réservé pour les blancs uniquement.
Depuis le 29 juillet 2020 Sue Williamson participe à l’exposition « Global(e) Resistance » au Centre Pompidou, qui incite à élargir nos regards.
Enzo Certa @Odile Ouizeman galerie
Sous l’appellation Barroco ! Odile Ouizeman opère un dialogue entre Enzo Certa et Pascal Dombis. Je m’arrêterai sur la peinture du premier, formé aux Beaux Arts de Paris avec Tim Eitel qui livre une vision fantasmagorique et virtuose entre Fragonard qu’il cite, Sigmar Polke et la Bande dessinée qu’il pratique avec Joan Sfar. Le rapprochement n’est pas immédiat avec Pascal Dombis adepte également de l’excès en version algorithmique mais la rétine finit par apprivoiser ce halo numérique persistant.
Paz Erràzuriz @mor charpentier
La démarche de Paz Erràzuriz s’inscrit dans ce que la critique chilienne Nelly Richard nomme « l’esthétique de la périphérie » autour de sujets en marges de la société mais que l’artiste ne veut pas qualifier pour autant de marginaux. Que ce soit des travestis dans les bordels de Santiago du Chili, des lutteurs de lucha libre, des artistes d’un cirque itinérant ou un homme ivre dans la rue, il s’agit de donner une vision non héroïque et non hégémonique du corps autour de certaines des obsessions de l’artiste. A noter que mor charpentier participe à la version en ligne de Art Basel Miami Beach OVR.
Jim Dine @Templon
Dans l’espace de la rue Beaubourg entièrement revu par Jean-Michel Wilmotte, A Day Longer révèle toute la fougue d’un artiste de 85 ans plus audacieux que jamais. On y retrouve totems et panneaux vibrants d’énergie souvent rattachés au Pop Art alors que l’artiste a été l’un des pionniers des happenings dans le New York des années 1950. Ce goût de l’improvisation se révèle dans cette collection d’outils en tous genres et de détritus qu’il recycle à l’infini. Le catalogue qui accompagne l’exposition préfacé d’Anne-Claudie Coric, directrice de la galerie récemment interviewée, dévoile son prochain projet commandé pour l’inauguration de la future fondation GGL-Helenis à Montpellier à l’automne 2020.
Mireille Blanc @Anne-Sarah Benichou galerie
Pour cette première exposition à la galerie, Mireille Blanc avec « Kinder coquillages » détourne les attendus de la nature morte à partir de photographies et d’états fugitifs. A partir de recadrages et de déformations elle oscille entre abstraction et figuration. Son album se poursuit à l’Espace d’art contemporain Camille Lambert (Juvisy).
Kriki @Suzanne Tarasiève
Entre peinture punk et actu sous perfusion, Kriki est le créateur déjanté du personnage Fuzz mi robot mi fétiche qui devient son double, sa marque de fabrique à l’époque de la Figuration Libre. A présent qu’il rejoint la galerie de Suzanne la contamination se poursuit dans un nouveau terrai de jeu entre la grande histoire de l’art et les turpitudes de nos vies ultra connectées. Loin d’être assagi, l’effervescence d’icônes et de références populaires qui l’habite frôle le piratage. On songe à un autre artiste de la galerie également adepte de ce genre de métissages, Lucien Murat.