Benoît Porcher Photo A. Mole/Courtesy Semiose galerie
C’est quelques jours avant la foire Galeristes maintenue, que nous rencontrons Benoît Porcher dans son nouvel espace de 450m² rue Quicampoix , ex Galerie du jour d’Agnès b, un lieu que ce galeriste de 43 ans considère comme mythique. La galerie représente une vingtaine d’artistes, des jeunes talents comme Amélie Bertrand, Laurent Proux, Laurent Le Deunff ou le duo Hippolyte Hentgen ou des profils plus confirmés tels Felice Varini, Présence Panchounette, Françoise Pétrovitch actuellement exposée à la galerie où Ernest T qui vient de rentrer dans les collections du Centre Pompidou. L’un de ses trublions le performeur, apiculteur et artiste Abraham Poincheval fait partie des expositions de Manifesta que j’ai vues à la Vieille Charité. Françoise Petrovitch, rencontrée à l’occasion de son exposition à la Villa Savoye participe à la Nuit blanche au Petit Palais. Benoît Porcher revient sur l’invitation de la galerie Perrotin dans le cadre du programme de soutien du premier confinement, Restons Unis. Il nous dévoile aussi son projet de participation pour la nouvelle édition de Galeristes. A noter que Manifesta Lyon accueille Semiose du 6 octobre au 6 novembre 2020.
En quoi cette nouvelle adresse de la galerie rejoint-elle une histoire prestigieuse de l’art contemporain ?
Ce lieu est magique. Il est d’une part merveilleusement placé juste derrière Pompidou et il accueille de plus des galeries depuis 40 ans. Tout d’abord pendant 20 ans la galerie Jean Fournier de 1979 à 1999 puis Agnès b avec la galerie du jour. Etudiant j’ai eu la chance de voir les deux dernières années d’expositions de Jean Fournier et après je suis resté un visiteur régulier des expositions d’Agnès. C’est donc un bonheur de poursuivre l’histoire de ce lieu. Nous avions un lieu plus modeste rue Chapon de 120 m² avec en réalité des bureaux et un autre espace qui nous permettaient de faire des project room donc au final nous avions déjà une galerie discrètement agrandie. Il était donc temps pour nous d’avoir un espace plus grand et qui permette de montrer des ensembles conséquents, des œuvres à une certaine échelle et différentes séries d’un travail. Nous avons la chance d’avoir un public fidèle et nos proches sont venus pendant les deux jours d’inauguration qui ont fait office de vernissage étant donné les obligations sanitaires en vigueur.
Conception du nouvel espace
J’ai confié l’aménagement de l’entièreté de la galerie à une décoratrice que j’estime l’une des plus intéressantes en ce moment, Marion Mailaender qui est très proche de l’art contemporain avec un goût très sûr autour d’interventions à la fois discrètes et en même temps très marquées. Le geste le plus notable de la galerie est ce cube jaune qui reçoit l’accueil et la librairie de la galerie car il était très important pour moi de signifier aux gens qu’ils sont bienvenus avec un endroit à part où l’on trouve des livres, de la documentation mais aussi des T shirts.. des choses un peu légères. Elle a eu cette idée d’envelopper les 6 faces du cube en jaune comme un objet en soi.
Un pari d’autant plus risqué à cette période
J’avais décidé de déménager et nous avons été confinés au moment de la signature du bail avec un COVID qui est en train de nous changer le monde. J’avais potentiellement la possibilité de décélérer mais j’ai continué ! Le premier mois comme tout le monde nous étions dans la sidération puis nous nous sommes remis à travailler et pendant le confinement je me suis rendu disponible pour les collectionneurs mais sans faire de démarche commerciale. Il se trouve que de nombreux amis de la galerie ont voulu manifester leur soutien et prendre cette occasion pour conclure des achats auxquels ils pensaient depuis un moment.
Comment vos artistes ont-ils réagi pendant cette période et les avez-vous accompagnés ?
Nous avons continué à les accompagner comme une galerie doit le faire, c’est-à-dire regarder ce qui se passe dans leur ateliers, même si c’était plus compliqué de le faire, continuer à dialoguer avec eux sur leurs projets, continuer à gérer les expositions de musées qui étaient quasiment toutes reportées. Certains ont réussi à faire partie d’acquisitions institutionnelles comme le Centre Pompidou qui a acheté une œuvre important de Ernest T qui va être montrée prochainement ou Hippolyte Hentgen qui a été acheté par le CNAP. Nous avons continué à développer notre projet ici à une autre échelle avec un double programme en permanence.
Quelle scène défendez-vous ?
Je suis un amateur de la scène locale, des artistes comme des galeries françaises et je me sens aussi complètement à l’aise à l’international. Je participe à Galeristes depuis le début qui n’est en rien un remplacement de la FIAC. Je suis triste qu’elle n’ait pas lieu et en même temps je comprends parfaitement les raisons de cette décision.
Est-ce que le digital a été une expérience probante pendant cette période ?
Cela s’est trouvé accéléré et nous avons mis en place des viewing rooms comme beaucoup de galeries mais le projet était déjà en cours. Ce qui est intéressant comme je suis éditeur à la base est de développer des contenus éditoriaux et de les valoriser par ce biais avec des vues d’expositions, textes et recueils critiques…
La programmation actuelle
D’une part dans le Project room nous proposons Oli Epp, jeune artiste dont c’est le 2ème projet à la galerie. Il est très lié au monde digital et se qualifie de post digital pop autour de la question : le pourquoi de la peinture alors que l’on a des écrans. Il suggère une lumière très particulière qui vient de l’écran. J’ai fait sa première exposition alors qu’il avait 24 ans et je trouve déjà que sa peinture est de qualité muséale avec une aura internationale assez étonnante. En ce qui concerne Françoise Pétrovitch, même si elle est exposée actuellement à la Villa Savoye, plusieurs actualités dans les musées cette année se trouvent décalées. Tout d’abord une rétrospective à la BNF de son œuvre imprimée qui est une part importante de son travail. Elle fait des gravures depuis la fin des années 1980 et c’est ce que montrera cette exposition. Autre exposition importante au Fonds Michel Leclerc à Landerneau qui aura sans doute une itinérance auprès d’ institutions européennes et asiatiques. C’est positif que des choses se mettent en place avec des conservateurs de musées qui nous accompagnent sur la diffusion de l’œuvre de cette artiste devenue incontournable dans le paysage de la peinture contemporain.
Le volet édition a-t-il été impacté par ce contexte ?
Cela a juste déplacé le calendrier et nous ne vivons pas de l’édition. C’est plutôt un outil de diffusion même si nous restons très attentifs à ce que les libraires diffusent nos ouvrages. Nous sommes très bien diffusés par les Belles Lettres mais les libraires en livres d’art ont souffert. Je n’attends pas un réel retour sur investissement dans ce domaine.
Votre participation à Galeristes 2020
Pour la partie Anthologie de l’art français nous montrerons Ernest T en écho à l’achat du Centre Pompidou, pour le reste je n’ai pas encore complètement décidé ni échangé à ce sujet avec Stéphane Corréard.
Vous portez une bague à votre doigt magnifique, de qui est ce bijou d’artiste ?
Oui c’est une exceptionnelle sculpture de Stefan Rinck qu’il a réalisé avec un joaillier allemand. On l’a récemment vu à la galerie Perrotin dans le cadre de Restons Unis.
Ça permet d’avoir toujours un peu d’art sur soi, c’est pas mal ! Je ne diffuse pas de bijoux. Anoter que Françoise Pétrovitch à un moment a développé un projet avec Esther de Beaucé, galerie miniMasterpiece.
Nous sommes face à une œuvre très étonnante d’Amélie Bertrand, pouvez-vous me la décrire ?
C’est une artiste que je soutiens depuis sa sortie de l’école (Beaux Arts de Marseille). Elle travaille aussi à partir de l’ordinateur et utilise la peinture à l’huile avec un temps très important de réalisation. Chaque surface est dégradée avec toute sorte de matériaux qui parasitent la composition. Elle fait partie des figures montantes à l’international de la peinture française à mon sens.
Abraham Poincheval
Il bénéficie d’ une exposition dans le cadre de Manifesta à Marseille à la Vieille Charité et il sera notre prochaine exposition à la galerie. Nous allons montrer ce film magnifique Walk on clouds, la marche sur les nuages, produit pour la Biennale de Lyon et tout un ensemble de dessins et d’objets, de petites sculptures, des choses que les gens ne s’attendent pas à voir. Dans la Project Room nous allons montrer un artiste qui est un peu un classique de la galerie, Guillaume Dégé, grand dessinateur sur papier dont on vient de sortir un ouvrage je crois assez exemplaire préfacé de Fabrice Hergott. Il a été décalé à cause du confinement mais nous serons heureux de le diffuser au moment de son exposition.
Infos pratiques :
Forget Me Not
Françoise Pétrovitch
Oli Epp
Jusqu’au 24 octobre
Galeristes à partir du 23 octobre
Semiose chez Manifesta Lyon
Relire mon interview de Stéphane Corréard et Françoise Pétrovitch.