La Villa Savoye (Poissy) que ses propriétaires surnomment la « Villa des Heures Claires » sans doute à cause de cette lumière panoramique diffusée par les fenêtres en bandeau sur la façade libre et immense baie vitrée imaginées par Le Corbusier est considérée comme une icône du modernisme architectural. Le couple de commanditaires désirant une maison de campagne à 30 kms de Paris au milieu d’un grand parc, fait appel à Le Corbusier qui y dépose ses 5 grands principes et la conçoit comme une promenade avec cette rampe qui du rez-de-chaussée au solarium, dessert toute la villa. Découvrir les formes pures et si parfaites de ce parallélépipède posé sur pilotis sous une journée de soleil est un bonheur !
De cette « machine à vivre » et à habiter, l’artiste Françoise Pétrovitch se saisit par petites touches dans le sillage d’Eugénie Savoye, personnalité forte dont elle fait revivre les choix et les audaces. Eugénie Savoye a été partie prenante du projet dès le départ et c’est elle qui repère l’architecte chez la villa de leurs amis les Church à Ville d’Avray. Elle lui donne carte blanche. La villa coûte le double du budget du départ et ironie de l’histoire, est assez vite délaissée suite à des problèmes d’étanchéité et de chauffage. Françoise Pétrovitch va jusqu’à adapter sa propre palette à celle de l’architecte puriste. Une petite mélodie de l’absence et de l’entre-deux s’installe entre un bouquet qui se fane, le chat qui sommeille dans la cuisine, des gants laissés devant une fenêtre, des adolescents songeurs… dans des gris, des roses, des terres de sienne…Entrez dans la machine à rêver de Françoise Pétrovitch !
Pourquoi avoir choisi le lieu parmi d’autres monuments emblématiques possibles ?
J’avais le souvenir de cette maison que j’avais découverte assez jeune et revue ensuite avec autant de fascination. Quand le Centre des Monuments nationaux m’a proposé un certain nombre de monuments dont des châteaux beaucoup plus imposants, je me suis dit que les villas Le Corbusier étaient moins nombreuses et la Villa Savoye, la plus emblématique de toutes à mon sens. Si j’avais déjà investi des châteaux, ici c’était l’unique occasion de ma vie !
Pourquoi la figure d’Eugénie Savoye comme point de départ ?
Cela m’a permis de mesurer à quel point nous étions dans une vraie maison même si elle n’est plus habitée depuis très longtemps et qu’elle est devenue une icône.
Réflexion sur les choix chromatiques de Le Corbusier
J’ai vu que la villa était très colorée finalement avec des bleus très particuliers, terres de sienne, des gris, des roses. Je me suis dit qu’il serait intéressant pour faire corps avec ces murs de travailler à partir de la gamme colorée de Le Corbusier. C’est une gamme encore éditée par le suisse Sadura qui reste assez difficile à trouver.
Le caractère volontairement domestique et familier de vos interventions
C’est comme si la maison n’était pas vide mais presque vide avec des traces de présence : un bouquet laissé à l’entrée qui va peut-être se faner, le chat qui est là dans la cuisine..
Sculpture « Jane » pensée pour le solarium au départ
Cette sculpture en bronze doré mêle le végétal et le corps sculpté. Je l’avais prévue pour le solarium qui m’aurait plus intéressé avec son côté solaire très ouvert et jardin suspendu, mais son poids nous en a empêché. Aussi j’ai décidé de la placer en péristyle à l’entrée comme au seuil entre intérieur et intérieur.
Présence de la vidéo pour la première fois
J’ai choisi cette salle de bain qui n’est pas du tout connue, au contraire de celle des parents en bleu qui est reproduite dans de nombreux ouvrages. Elle est toute petite entre la chambre du fils et la chambres d’amis. Elle est commune à ces deux chambres avec cette baignoire et je lui donne une dimension très intime par ce son que l’on entend et qui nous attire de l’extérieur tellement la pièce est discrète. J’ai laissé visible la fenêtre donc on aperçoit le paysage et en même temps je recréé un petit paysage avec des goûtes d’eau, des choses très fines.
Les oiseaux
Ils font partie de mon registre et je trouvais intéressant de les mettre à l’étage car ils se trouvent vraiment à hauteur d’arbres près de ces fenêtres d’où on n’aperçoit que les feuilles. Ces oiseaux viennent comme un écho de l’extérieur comme si l’extérieur rentrait à l’intérieur de nouveau.
Infos pratiques :
Habiter la villa de Françoise Pétrovitch
Jusqu’au 24 janvier 2021
Villa Savoye
82 rue de Villiers, Poissy
Ouvert tous les jours sauf le lundi
https://www.monuments-nationaux.fr/
Françoise Pétrovitch est représentée par la galerie Semiose (Paris) qui lui consacre une exposition en ce moment intitulée « Forget Me Not ».
Elle a conçu pour la Nuit Blanche, au Petit Palais une installation sonore suspendue sur un bassin d’eau « Se laisser pousser les animaux » issue d’un spectacle dansé.