Demain sera un autre jour, Crédit photo Studio Iván Argote
Son œuvre Strenghtlessness est l’un des emblèmes des Extatiques, festival d’art à ciel ouvert dans tout le quartier de La Défense. Cette gigantesque obélisque, clin d’œil détourné au cadeau de Méhémet Ali, vice-roi d’Égypte à Charles X à la France en 1830 dont l’une d’entre elle est située place de la Concorde, (l’autre ayant été officiellement rendue par François Mitterrand à l’Egypte) se voit comme détrônée de sa charge symbolique. Un geste subversif qui rejoint la démarche de l’artiste dont la carrière mondialisée oscille entre son continent d’origine et la France. Né à Bogota et vivant entre la France et les Etats-Unis, Ivan Argote a ainsi ouvert un espace dédié à donner plus de visibilité à la scène sud-américaine au sein de son vaste studio de création à Pantin (Grandes Serres). Connu pour ses installations dans le monde entier, il est représenté par la galerie Perrotin avec qui il connait une trajectoire fulgurante. Il est actuellement exposé au Centre Pompidou dans le cadre de Global(e) Resistance. Nous le rencontrons à l’occasion de l’exposition qu’il propose avec Sandra Hegedüs, fondatrice de Sam Art Projects : Amanhã há de ser outro dia (Demain sera un autre jour) qui rassemble une vingtaine d’artistes issus du Brésil et basés en France qui restent solidaires et se mobilisent face à la situation tragique que vit leur pays.
Comment est né ce projet ?
Il est né d’une prise de conscience car dès que je me suis installé aux Grandes Serres il y a un an j’ai réalisé que cet espace était suffisamment vaste pour pourvoir le dédier à mes installations grand format conçues pour des espaces publics mais aussi en tant qu’artiste sud américain pour pouvoir accueillir d’autres artistes et créer une connexion plus forte avec la France. Il est né d’une prise de conscience car dès que je me suis installé aux Grandes Serres il y a un an j’ai réalisé que ce lieu était suffisamment vaste pour pouvoir le dédier à mes installations grand format conçues pour les espaces publics mais aussi en tant qu’artiste sud américain pour pouvoir accueillir d’autres artistes et créer une connexion plus forte avec la France. J’avais exposé un artiste en novembre dernier (Paul Gounon) et avec Sofia Lanusse – commissaire – nous avions l’intention de démarrer un projet plus centré sur l’Amérique Latine. Le confinement nous a stoppé net, et en juillet nous avons fait une deuxième exposition de deux peintres vénézuéliens (Abdul Vas & Chrisristian Vinck), dont Sofia Lanusse et Noelia Porortela étaient les curatrices. Ma carrière et mon travail est une représentation de ce lien car même si je vis en France depuis 14 ans j’ai une activité au Mexique, au Brésil, en Argentine, en Colombie bien sur, au Pérou… Cette scène d’ailleurs est assez unie ce qui est une différence avec l’Europe où chaque pays se distingue vraiment. Nous avons déjà la langue qui nous unit mais aussi une histoire commune. Nous avons ensuite échangé avec Sandra Hegedüs qui avait cette volonté de réagir au contexte social, politique et environnemental au Brésil et nous avons mobilisé toute notre énergie pour ce projet de rentrée avec ce groupe d’artistes brésiliens qui sont en France depuis parfois plus longtemps que moi ou au contraire qui viennent d’arriver et portent un regard autre sur leur propre pays et la France. C’est ce que nous voulons créer ici, un espace qui doit garder son indépendance loin de toute institutionnalisation même si certains lieux en Amérique latine aimeraient collaborer avec nous. Cette plateforme au départ prévue pour un an aura peut-être une suite dans un autre lieu.
Vous êtes exposé dans l’exposition collective Global(e) Resistance qui appelle à décentrer les regards, en quoi est-ce important pour vous ?
La ville est drôle et elle l’est souvent à sa façon. J’ai fait ma carrière en France en étant toujours en lien avec l’Amérique latine, la Colombie, et plusieurs facteurs ont permis cette synergie constante. Je trouve que l’exposition est une bonne démarche et la France a besoin de voir le monde à travers les yeux d’autres personnes et avoir d’autres perspectives. C’est l’intention de cette exposition et ces nouvelles acquisitions. Je suis très fier car moi-même étant étudiant j’allais faire mes vidéos et interventions dans les collections du Centre Pompidou et j’espère que quelqu’un ira un jour faire quelque chose sur mes œuvres ! L’initiative est très louable et juste et il faut que cela continue de manière plus naturelle et intégrée.
Comment voyez-vous la scène française ?
J’ai la chance d’avoir été soutenu par la galerie Perrotin très jeune sans non plus céder de façon directe au marché de l’art en restant assez indépendant dans mon travail. Je pense que la scène française a beaucoup de potentiel parce qu’il y a des structures solides derrière, des institutions qui existent depuis longtemps. C’est évident que je n’aurai pas pu avoir la même carrière si j’étais resté en Colombie. C’est le fait de beaucoup bouger qui m’a aidé ne voulant pas par instinct rester tributaire de la France et le fait d’être étranger m’a fait beaucoup voyager ailleurs comme aux Etats Unis avant que toute cette crise n’arrive. Ce nouveau contexte aide à prendre conscience que l’on n’a plus besoin des voyages et qu’il est désormais possible de faire des voyages tout en restant ici. La scène française doit s’ouvrir un peu plus et assumer ses propres contradictions et nous en avons tous. La France reste un pays exceptionnel et chaque pays garde son ambivalence comme les Etats Unis par exemple où les initiatives privées ont plus de poids.
Quel a été l’impact de cette crise sur vos projets ?
La plupart de mes expositions à l’international dans des musées et à la galerie Perrotin à New York sont décalées alors que mes projets dans l’espace public se sont maintenus et même développés. Ce sont d’ailleurs les seuls qui n’ont pas été trop remis en cause par ce contexte.
Retrouvez Ivàn Argote lors de la table-ronde du 27 septembre à 18h (détails ci desous)
Programme des Tables-Rondes :
Samedi 26 septembre à 17h
Corps politiques et affectivité
Conversation en anglais entre la commissaire de l’exposition, Sofia Lanusse, et les artistes Lyz Parayzo et Isadora Belletti
Dimanche 27 septembre à 16h
Littérature de résistance
Avec : Adriana Brandão, journaliste née au Brésil, membre de la rédaction du service brésilien de RFI et auteur du livre Les brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements paru en 2019 ; Julio Bernardo Ludemir, né au Brésil, auteur, un des créateurs de la FLUP (fête littéraire internationale depuis 2012 dans les favelas de Rio) et de la Batalha do Passinho, duels musicaux sur rythme de funk, qu’il a accompagnée à Londres et New York ; Leonardo Tonus, spécialiste de la littérature brésilienne contemporaine ; Wagner Schwartz, artiste né à Rio de Janeiro, qui vit et travaille entre São Paulo et Paris, évolue dans plusieurs groupes de recherche et d’expérimentation chorégraphique en Amérique du Sud et en Europe.
Dimanche 27 septembre à 18h
Que peuvent les artistes ?
Avec : Sandra Hegedüs, mécène et collectionneuse née à São Paulo, fondatrice de SAM Art Projects et initiatrice de l’exposition Amanhã há de ser outro dia ; Iván Argote, artiste né à Bogota, vit et travaille à Paris, expose ses films et installations dans d’importantes biennales, musées et galeries à travers le monde ; Liliane Mutti, réalisatrice et scénariste née à Bahia, vit en France et travaille l’art-vidéo, la vidéo-performance et la fiction, en traitant des thèmes entre l’exil et le regard féminin ; Daniel Nicolaevsky Maria, danseur et artiste visuel, né à Rio de Janeiro, qui vit et travaille entre Paris et Rio de Janeiro, expose et performe dans de nombreux centres d’art dont le Centre Pompidou et le Palais de Tokyo à Paris ou le Sogetsu Art Center à Tokyo.
Infos pratiques :
Exposition Amanhã há de ser outro dia (Demain sera un autre jour)
Du 17 au 30 septembre 2020
Ouverture tous les jours de 14 heures à 19 heures
Entrée gratuite.
Inscription obligatoire en scannant le QR code ci-dessus
En raison du contexte sanitaire, le port du masque et le respect des distanciations sociales sont obligatoires.
Studio Iván Argote,
15, rue du Cheval Blanc, 93500 Pantin
Site de l’artiste :