A l’occasion de la vente en ligne solidaire du Wonder/ZĂ©nith, Nelson Pernisco, cofondateur de l’artist-run space, revient sur l’impact d’un tel contexte sur l’Ă©conomie de l’artist-un space, les modĂšles de solidaritĂ© qui les ont inspirĂ©s et portĂ©s, son vĂ©cu d’artiste pendant le confinement et la force de l’engagement du Wonder face Ă l’alerte gĂ©nĂ©rale ressentie.

- Le Wonder lance une vente de soutien en rĂ©ponse Ă ce contexte de crise : genĂšse et enjeuxÂ
Cette vente de soutien vient en effet complĂ©ter un certain nombre dâopĂ©rations mises en place pour soutenir nos rĂ©sidents qui nâont pas pu accĂ©der Ă leur atelier pendant ces deux mois de confinement.
Rappel du contexte :
Nous avions conscience que la situation sanitaire ajoutait Ă la prĂ©caritĂ© des artistes aussi nous avons contactĂ© une dizaine de lieux de production auto-gĂ©rĂ©s dâIle de France qui nous semblaient en rĂ©sonnance avec notre dĂ©marche tels que le Doc, le Houloc,le W.. en leur proposant de dĂ©crire leurs difficultĂ©s financiĂšres avec lâobjectif de solliciter la Drac avec qui nous sommes en lien depuis un an, et qui a rĂ©pondu positivement. Cela a gĂ©nĂ©rĂ© une nouvelle aide pour les artist-run space. Cette aide a Ă©tĂ© Ă©largie ensuite aux collectifs de commissaires ou critiques dâart indĂ©pendants. Ce rĂ©sultat positif marque encore plus une nouvelle Ăšre dans cette façon dâoccuper des territoires ou de dĂ©signer ce que lâon appelle le tiers lieu, terme gĂ©nĂ©rique, dans lequel lâon ne reconnait pas forcĂ©ment ni dans le terme squatt ou autres appellations. Nous avons aussi reçu une aide de la Fondation Antoine de Galbert. Certains collectionneurs nous ont Ă©galement encouragĂ©s dans cette dĂ©marche qui avait dĂ©jĂ fait ses preuves.
Objectifs :
Cette vente solidaire permettra aux artistes de payer le reste des loyers que lâon nâarrivera pas Ă rembourser, sachant que les loyers du Wonder sont bas (150 âŹ/mois) et de leur donner accĂšs Ă une vente Ă un moment oĂč leurs expositions sont annulĂ©es. Câest aussi et je ne le cache pas, pour nous lâoccasion de tester un modĂšle de vente via notre association et positionner le Wonder comme un regroupement dâartistes, une labellisation sans visĂ©e Ă©conomique, nâĂ©tant pas une galerie mais un relais.
Format :
Tous les artistes du Wonder pouvaient participer ainsi que des intervenants extĂ©rieurs ponctuels comme des photographes. Sur 65 artistes, 31 ont proposĂ© entre 1 Ă 3 Ćuvres, allant de 200 Ă 800 âŹ, une fourchette de prix que nous voulions accessibles. Cette fourchette devait rassembler Ă la fois des artistes qui produisent de gros volumes avec des prix Ă©levĂ©s et dâautres qui sont plus proches du dessin et de lâĂ©dition, sans que personne ne se sente sur ou sous-Ă©valuĂ©. Face Ă ce dĂ©fi, tout le monde a cherchĂ© Ă faire un effort pour entrer dans ces cases
2. Comment vivez-vous ce dĂ©confinement ?Â
Les rĂ©sidents ont pu revenir, ce qui nous avait manquĂ©. Toutes les Ă©chĂ©ances dâorganisation administrative reprennent et jâai Ă©tĂ© assez mobilisĂ© cette semaine par la mise en place du catalogue de la vente.
Nous prĂ©parons un dernier Ă©vĂšnement courant juin sous la forme dâun grand opĂ©ra comme prĂ©cĂ©demment qui rĂ©unira toutes nos expĂ©riences et nos Ćuvres rĂ©alisĂ©es lors de cette pĂ©riode dâun an au ZĂ©nith.
Ce dĂ©confinement est un signal positif pour notre prochaine relocalisation que nous avons pu prĂ©parer et anticiper, connaissant le lieu suffisamment Ă lâavance. Câest une premiĂšre pour nous mais je ne peux en dire plus tant que ce nâest pas signĂ©.
En ce qui concerne mes projets, mon exposition solo qui devait ouvrir au centre dâart Bastille de Grenoble le 4 avril a Ă©tĂ© reportĂ©e ce qui a Ă©tĂ© une dĂ©ception au dĂ©part mĂȘme si elle va pouvoir ouvrir dĂ©but juin.
Une exposition Ă la Fondation du Doute (Blois) curatĂ©e par Elodie Bernard, repoussĂ©e, n’a pas encore de nouvelle date d’ouverture annoncĂ©.

3. Quel bilan faßtes-vous de la période à titre collectif et personnel ?
Pour chacun dâentre nous, en tant que membres du collectif, pouvoir Ă©changer au quotidien a Ă©tĂ© trĂšs instructif et introspectif. MĂȘme si nous sommes une bande de garçons et de filles rĂ©unis par des dĂ©sirs de connaissance, de curiositĂ© et de crĂ©ativitĂ© nous sommes rattrapĂ©s par un rapport Ă la vitesse, un rythme effrĂ©nĂ©, surtout dans une grande agglomĂ©ration comme Paris.
Au niveau du Wonder cela nous a permis de rĂ©aliser que nos moyens dâauto-gestion permettaient de rĂ©sister Ă ce genre dâĂ©preuves, ayant de plus bĂ©nĂ©ficiĂ© dâaides extĂ©rieures citĂ©es prĂ©cĂ©demment. En tant quâartiste on doit faire face Ă des entrĂ©es dâargent assez irrĂ©guliĂšres avec des vraies pĂ©riodes de traversĂ©e du dĂ©sert quâil faut savoir gĂ©rer Ă©conomiquement mais aussi crĂ©ativement. Il faut se lever le matin pour un mĂ©tier qui coĂ»te plus dâargent quâil nâen rapporte !. Le modĂšle du collectif encore une fois est une belle rĂ©ponse Ă ce confinement et Ă une quĂȘte de sens. Nous Ă©tions confinĂ©s dans un lieu avec la possibilitĂ© de travailler, dâĂ©changer avec les autres, produire du contenu radiophonique ou visuel, continuer nos mĂ©tiers et continuer le rĂ©cit avec les gens du quartier notamment avec le projet initiĂ© par Antonin Hako qui est venu secouer une peinture accrochĂ©e Ă un bĂąton comme un drapeau tous les soirs devant les tours Nuage nĂ©es de la vision de lâarchitecte Emile Aillaud, lâun des symboles de Nanterre. Ce projet va se poursuivre avec des montgolfiĂšres qui vont ĂȘtre peintes et produire une sorte dâexposition Ă la verticale et donner un dĂ©filĂ© de peintures aux fenĂȘtres de gens qui nâont pas accĂšs Ă notre espace ni dâailleurs Ă des espaces dâexposition. Ce confinement nous a permis de prendre le contrepied pour aller encore plus dans la rencontre de nos voisins, ce qui nâest jamais facile dans des temps dâoccupation aussi courts, sachant que nous dĂ©mĂ©nageons dĂ©but juillet. Cela reprĂ©sentait un vrai challenge sur un an dâĂ©tablir un contact sur le territoire et cela a Ă©tĂ© une rĂ©ussite notamment grĂące Ă ce tchat mis en ligne qui a servi de rĂ©seaux sociaux pour les tours en interne et des gens qui ne se parlaient et ne se voyaient plus.

A un niveau plus personnel, jâai ressenti ce confinement comme une sorte marche ralentie et forcĂ©e vers un rythme nouveau qui me dĂ©gageait de ce rapport conflictuel Ă la productivitĂ© pour pouvoir me tourner vers ce qui avait du sens. CâĂ©tait profitable de pouvoir mettre la recherche au centre dâun moment de production, ce qui est en gĂ©nĂ©ral assez compliquĂ©. En gĂ©nĂ©ral au-delĂ de lâexpĂ©rience puisĂ©e dans des voyages, rencontres, lectures, la pĂ©riode de production me prive de ces allers et retours entre la pensĂ©e et lâexpĂ©rimentation, ce qui est dommage.
4. Vous avez participĂ© à « Lonely » SpacedinLost, en quoi ces expĂ©riences digitales ont-elles Ă©tĂ© l’une des leçons de la crise ?
Cette expĂ©rience a Ă©tĂ© trĂšs positive. Cela mâa permis de dĂ©couvrir le travail de plusieurs artistes ou dâen redĂ©couvrir dâautres que jâapprĂ©cie comme Pierre Pauze ou Jonathan PĂȘpe. La conception de lâexposition en un temps trĂšs court a Ă©tĂ© rĂ©ussie que ce soit au niveau des interviews autour des Ćuvres et ce format gĂ©nĂ©reux et chaleureux malgrĂ© sa digitalisation. Nous avons mĂȘme tentĂ© un vernissage en ligne ! Il est certain quâen tant que sculpteur jâaurai du mal Ă sacrifier lâespace rĂ©el pour le virtuel sauf dans une forme plus utopique. Je reste nĂ©anmoins tout Ă fait convaincu par ce genre dâinitiatives nouvelles pour crĂ©er ou exposer quand la vie nous en empĂȘche.

5. Comment imaginez-vous le monde d’aprĂšs ?
Je pense ĂȘtre pessimiste dans ma rĂ©ponse.
LâavĂšnement dâun monde nouveau et la destructuration des logiques marchandes dominantes sont des sujets qui habitent nos consciences depuis un moment, mĂȘme si lâon a dĂ©jĂ constatĂ© Ă de nombreuses reprises que le capital reprenait le dessus. Jâai peu dâespoir que le simple virus du corona puisse dĂ©mentir cela aujourdâhui. Les choses ne vont pas changer aussi fortement quâelles le devraient quand on voit lâeffondrement Ă©cologique qui nous guette. Le modĂšle du collectif permettrait sans doute de se projeter de façon plus constructive et durable dans une forme dâutopie validĂ©e.
La derniĂšre exposition de Nelson Pernisco avant le confinement Ă©tait « l’EternitĂ© n’est guerre plus longue que la vie » Ă la galerie White Noise, Rome.

L’ exposition personnelle de Nelson Pernisco prĂ©vue au Centre d’Art de la Bastille, Grenoble, ajournĂ©e devrait ouvrir en juin (sous rĂ©serve).
En Ă©coute : đ§
FOMO Podcast Nelson Pernisco, le Wonder/Zénith
Plus de 30 artistes proposent une centaine d’Ćuvres Ă des prix entre 200 et 800 âŹ. Vente accessible entre le 15 mai, 9h jusqu’au 19 mai, 12h.
Catalogue accessible :
Nelson Pernisco est représenté par la Galerie Bertrand Grimont Paris (FR) et White Noise Gallery Rome (IT)
Actualités de Nelson Pernisco :
https://www.nelsonpernisco.com/
Relire mon interview Ă l’occasion de l’exposition Ă la galerie Bertrand Grimont en 2019.
et l’interview du Wonder Ă Montpellier sur l’invitation de MĂ©cĂšnes du Sud.