Centre d’art contemporain d’intérêt national, 40mcube à Rennes est un espace d’exposition, un atelier de production d’œuvres, un lieu de résidence d’artistes, un organisme de formation professionnelle et un bureau d’organisation de projets d’art contemporain. L’exposition de Florian et Michaël Quistrebert qui s’inscrit dans la saison Le temps d’un été est décalée à fin juin et Anne Langlois nous expose sa vision de la crise et les multiples répercussions sur l’écosystème de l’art à Rennes.
1. Comment vous organisez-vous face à cette crise au niveau de l’exposition Florian et Michaël Quistrebert et la gestion du centre d’art 40mcube ?
Le centre d’art est bien entendu fermé, mais nous continuons à travailler sur les futurs projets avec mes collaborateurs, Patrice Goasduff, codirecteur avec moi de 40mcube, Cyrille Guitard, en charge de la médiation et de la communication, Marion Resemann, qui coordonne les formations. Nous gardons le contact avec plusieurs réunions hebdomadaires qui nous permettent de nous projeter pour la suite. En parallèle, nous mettons en place une réflexion globale sur notre activité et sur la manière dont la menons.
Concernant la programmation nous allons décaler l’exposition de Florian et Michaël Quistrebert initialement prévue le 15 mai, car les artistes ne peuvent pas travailler, acheter le matériel nécessaire, aller à l’atelier. Elle démarrera vraisemblablement fin juin. Nous ne souhaitons pas annuler de projet, nous les déplaçons simplement dans le temps. Par contre, nous maintenons nos engagements et les artistes seront rémunérés comme si l’exposition avait lieu dans les délais. C’est également le cas des résidences en milieu scolaire de Benoît Laffiché et de Joachim Monvoisin, de celle de Pierre Budet dans l’entreprise A2com où il devait séjourner en avril et mai, ou au HubHug, notre atelier et lieu de résidence à Liffré près de Rennes, qui devait accueillir le collectif Bellevue. Les artistes comptaient sur les rémunérations prévues pour vivre, nous honorons donc notre part du contrat et cherchons à faire autrement.
C’est dans ce même esprit que nous poursuivons GENERATOR, notre programme annuel pour quatre jeunes artistes (qui prend la forme d’une formation professionnelle de sept mois) et pour deux commissaires d’exposition (une résidence d’un mois). Cette année ce sont Delphine Bertrand, Louis Frehring, Makiko Furuichi et Harilay Rabenjamina qui en bénéficient. Nous continuons à les accompagner à distance avec des rendez-vous réguliers pour qu’ils puissent poursuivre leur travail, adapter leur pratique, ou développer un nouveau projet qui prenne en compte ces nouvelles contraintes, et surtout qu’ils ne soient pas seuls. Nous organisons les temps de formation hebdomadaires en visioconférence. Concernant les commissaires, Elena Cardin et Lucas Morin, nous mettons en place à distance une partie de la résidence, la mise en relation avec les artistes du programme, la rédaction des texte sur leur travail, et nous organiserons les rencontres physiques dans le courant de l’année prochaine.
Enfin nous avons aussi une activité de formations courtes pour les artistes, que nous avons remises au mois de juin, ou que nous organiserons à distance si elles ne pouvaient avoir lieu à 40mcube.
2. Les solutions virtuelles et digitales comme pour la foire Art Basel avec les “OnLiningViewing Rooms” ou les musées et leur virtual tour vous semblent-elles un substitut envisageable et porteur pour votre programmation et actions ?
Je trouve les propositions faites par les lieux d’expositions sur Internet et les réseaux sociaux nombreuses et très intéressantes. Réalisées en un temps record, elles prouvent l’imagination et la réactivité de notre secteur. Elles témoignent aussi d’un optimisme à tout épreuve, on avance et on invente.
De notre côté, nous développons aussi nos propres outils, comme Inventaire, qui va avoir dans les jours qui viennent une visibilité sur le net.
C’est un projet que nous menons depuis 2011, date anniversaire des 10 ans de 40mcube, où nous avons décidé de rendre publiques les archives des expositions, des œuvres dans l’espace public et des commandes réalisées depuis 2001. À cette occasion nous avons retraité cette matière et réédité ces archives sous forme de tomes, un par projet.
Comme la production d’œuvres est centrale pour un centre d’art, c’est une manière de montrer à travers ces 40 tomes (plus de 20 000 documents numérisés) comment ces projets se sont construits. Les dessins préparatoires et techniques produits par les artistes ou par des prestataires, les autorisations diverses, les budgets, les documents de communication et de de médiation, les vues de ces expositions, ainsi que les articles de presse en font partie. Cela revient à diffuser le travail des artistes, à montrer par l’archive leurs méthodes de travail, à créer des outils de recherche et à mener un travail pédagogique sur le long cours.
Les Archives de la critique d’art, partenaires de ce projet, ont créé un fonds 40mcube qui contient les documents originaux, accessibles sur place. Également soutenu et financé par le département d’Ille-et-Vilaine, les 40 tomes réédités sont consultables dans leur bibliothèque et à 40mcube.
A l’annonce de la sortie de ces tomes, nous avons eu le retour de plusieurs personnes nous demandant si ces archives seraient un jour mises en ligne. C’est pourquoi nous y travaillons actuellement pour les mettre à disposition pendant le confinement. Notre hébergeur internet, Icodia, s’est immédiatement mobilisé pour nous accompagner dans cette démarche. Une solidarité existe et elle fait ses preuves en ce moment.
Nous poursuivons également notre travail de médiation sur le site de 40mcube et sur les réseaux sociaux, un prolongement de l’exposition actuellement fermée, Geologia, qui regroupe le travail de Guillaume Gouérou et de Julien Loustau avec des textes, des images et des informations. Nous faisons aussi des focus sur des expositions antérieures, ce qui permet de poursuivre notre travail de médiation sous une forme adaptée aux contraintes actuelles, et de maintenir le contact avec nos publics.
3. Quel impact peut avoir selon vous un tel séisme sur le monde de l’art et les artistes en particulier ?
Je pense que c’est en effet un séisme, dont nous ne mesurons pas encore toutes les répercussions. Concernant la culture, les collectivités territoriales et l’Etat sont plutôt dans l’objectif de maintenir les financements, mais qu’en est-il du privé, sans parler du contrecoup qui sera sans doute terrible.
Pour les artistes, cela pose la question de la création dans ce moment si particulier, et la manière dont ils peuvent continuer à travailler, car je pense qu’ils sont nombreux à vouloir le faire. Et comme tous les indépendants, leur rémunération dépend de leur activité, en ce moment suspendue. En France, nombreux sont les lieux d’expositions qui se sont engagés à honorer leurs rémunérations, mais il est évident que les invitations vont se faire plus rares dans les mois à venir.
4. Qu’en est-il de l’été art contemporain à Rennes devant être un temps fort annoncé et dont vous assuriez le commissariat pour l’exposition sur la couleur dans l’art ?
L’exposition de Florian et Michaël Quistrebert est la proposition que nous faisons dans le cadre de l’événement Le temps d’un été, organisé par la Ville de Rennes et Rennes Métropole, qui rassemble les principaux lieux d’exposition de Rennes comme le Frac Bretagne, la Criée, Phakt, LENDROIT ou la galerie Oniris – entre autres.
Une nouvelle exposition de la collection Pinault, Au-delà de la couleur, dont le commissariat est assuré par Jean-Jacques Aillagon, sera présentée au Couvent des Jacobins, et une exposition collective intitulée La couleur crue, qui prendra place au musée des Beaux-arts de Rennes rassemblera les œuvres de 26 artistes ou duos d’artistes, et abordera les relations entre couleur et matière. J’en assure le commissariat avec Jean-Roch Bouiller, directeur du musée et Sophie Kaplan, directrice du centre d’art contemporain La Criée. Nous continuons donc à préparer cette exposition et le catalogue qui l’accompagne, là aussi par le biais de nos ordinateurs et de leurs caméras !
5. Pensez-vous qu’en matière de conscience écologique cette crise soit une alerte et entraine des changements durables dans nos habitudes et comportements ?
Je ne peux pas m’empêcher de penser que cette catastrophe est une revanche de la nature, mais outre cette vision un peu romanesque (quoique?), je pense qu’il faut la prendre comme un vrai signal d’alarme. Il est capital de repenser l’économie, la politique, notre rapport à la nature et aux animaux… Le système de l’art contemporain aura sa part de boulot à mener. Je souhaite que cette crise sans précédent le permette.
En application des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus, 40mcube est fermé au public à compter du mardi 17 mars 2020, pour une durée indéterminée.L’équipe de 40mcube poursuit son travail pour les prochaines expositions, résidences, formations professionnelles…
Exposition en cours temporairement fermée
Geologia, Guillaume Gouérou, Julien Loustau
jusqu’au 26 avril
Exposition à venir :
Water Color Music – Florian & Michael Quistrebert
www.40mcube.org
A venir : (sous réserve de confirmation)
Le temps d’un été à Rennes, en contrepoint de l’exposition Collection Pinault avec : 40mcube, le Frac Bretagne, la Criée, Phakt, LENDROIT, la galerie Oniris…