©Marguerite Bornhauser
Nous poursuivons notre tour des acteurs du monde de l’art brusquement impactés par cette situation sans précédent avec Simon Baker le directeur de la MEP Paris. Conscient des enjeux mais avant tout concerné par la santé de ses équipes il a su trouver des réponses humaines et justes face à ce défi inédit, la MEP étant fermée, pour continuer à donner du sens et apporter une lecture renouvelée du medium de la photographie au plus grand nombre.
« On peut se sentir utile en ce moment en apportant une réflexion pertinente à ce que nous traversons par le biais du medium de la photographie et de l’art » SB
- Comment vous organisez-vous face à cette crise au niveau de la programmation de la MEP et évènements associés ?
Nous avons dû fermer suite à la décision de la Ville de Paris que nous avons respecté immédiatement. Mes collaborateurs n’ont pas le droit d’aller à la MEP en ce moment aussi nous avons cherché à optimiser le télétravail, au rythme que chacun choisissait selon ses contraintes personnelles. Nous nous sommes concentrés sur l’humain, à savoir comment chacun se sentait et se trouvait dans le cadre qu’il avait choisi pour pouvoir travailler de façon proche ou lointaine.
Au niveau de nos évènements étant donné notre fermeture ils sont soit annulés ou reportés sachant que nous n’avons pas de visibilité jusqu’à nouvel ordre. Nous sommes en train d’imaginer quelques formats d’événements digitaux « consolateurs » pour permettre à nos publics d’accéder, malgré la situation, aux contenus que nous avions préparés pour eux .Sommes-nous face à 2, 4 semaines, 45 jours ? Cela implique de très grandes différences en terme de programmation aussi nous préférons attendre les directives de la Ville de Paris et son département des affaires culturelles. Ils se sont montrés d’ailleurs très réactifs pour nous accompagner et trouver des solutions et Christophe Girard, adjoint à la Culture de la Ville de Paris a déjà en tête des idées avec nous pour la suite.
- Les solutions virtuelles et digitales comme pour la foire Art Basel avec les “OnLiningViewing Rooms” ou les musées et leur virtual tour semblent-elles envisageables pour donner une visibilité à la MEP pendant cette période ?
Cette situation de crise est l’occasion pour nous de réfléchir à de nouveaux formats digitaux que nous allons mettre en place sur notre site et nos réseaux sociaux dans les prochains jours à destination de tous nos publics, en particulier des jeunes publics et des familles. Mon équipe de communication et la community manager qui nous accompagne, très réactives, ont revu le programme des publications sur les réseaux sociaux pour faire face au contexte et ont fait des propositions créatives, notamment en associant l’artiste Erwin Wurm (dont l’exposition vient d’être fermée), qui va travailler avec nous depuis son atelier sur différents contenus. Dans son exposition il y a plusieurs séries d’œuvres qui parlent de l’ennui et la solitude. Nous pourrions rejouer « Instruction for Idleness » ou le film « Adelphi » dans lequel il se trouve coincé dans une chambre d’hôtel et cherche à s’amuser avec les objets à portée de main trouveront une actualité inédite dans le contexte que nous vivons et seront la source d’un défi créatif accessible à tous depuis chez soi lancé à nos followers. Au-delà de l’humour nous allons donner plusieurs pistes pour à la fois divertir tous les gens bloqués chez eux, leur proposer aussi une offre plus pédagogique sur l’art et susciter leur envie de venir plus tard voir nos expositions in real life! Comme l’a souligné votre Président cette période peut être aussi un moment pour lire, se cultiver, faire quelque chose qui ait du sens et j’ai été assez impressionné par sa réaction, contrairement au Premier Ministre anglais pourtant féru de littérature, qui ne l’a pas spontanément mis en avant !
Je pense qu’au niveau de mon équipe c’est aussi une période qui s’ouvre pour que chacun puisse réfléchir à son travail, faire des recherches on line ou dans les livres. J’ai pour ma part quelques essais à écrire et des catalogues pour les expositions à venir que je compte réaliser. Mais quand on réfléchit à notre public au sens large ce ne sont pas que les visiteurs du musée et si on regarde mon expérience passée à la Tate la fréquentation sur le web est plus importante que dans le musée !
- Quel impact peut avoir selon vous un tel séisme sur le monde de l’art et de la photographie en particulier ?
C’est encore difficile à mesurer mais plusieurs foires sont déjà annulées, Paris Photo New York, Photo London et autres évènements comme Kyotographie d’autant plus avec le gel d’import-export des œuvres d’art et la fermeture des déplacements internationaux. Mais le marché n’est qu’une partie de l’art et même si nous allons observer un impact très lourd sur les ventes et les expositions commerciales, nous allons en même temps, assister à une augmentation de la créativité chez les artistes. Il y a beaucoup de photographes et d’artistes qui travaillent de chez eux depuis leur atelier, et trouvent le moyen de continuer leur production dans un tel contexte. J’ai l’exemple du photographe japonais Masahisa Fukase qui était très déprimé et a passé un mois dans sa salle de bains avec son appareil photo. La série qu’il a développée plus tard est magnifique. C’est un cas extrême mais qui illustre que les artistes ont souvent su trouver des réponses originales et créatives face aux crises.
- Restez-vous positif ou flegmatique ?
Plutôt flegmatique car je suis anglais mais les anglais ont cette capacité formidable à donner le meilleur d’eux-mêmes dans une période de crise. Et si j’ai bien compris la déclaration de M. Macron très volontaire, les français partagent cette volonté aussi. Cela me donne beaucoup de confiance. Plus personnellement ma compagne est chinoise et en Chine même si le contexte politique n’est pas le même, ils ont su réagir avec un sens civique très fort. Ils partagent un vrai sens de la communauté qui peut être un modèle pour nous. Et même si je suis isolé, seul alors que d’autres le sont en famille, j’ai beaucoup plus parlé récemment avec mes proches.
Cette pandémie transmissible par l’humain nous oblige à une responsabilité constante vis-à-vis des autres et face à des problèmes graves c’est le moment de soutenir les autres comme on peut.
- Pensez-vous qu’en matière de conscience écologique cette crise soit une alerte et entraine des changements durables dans nos habitudes et comportements ?
En matière de déplacements notamment on va faire la différence entre le nécessaire et le superflu, on va vraiment développer l’habitude du travail à distance et après la fin de la crise on va peut-être garder ces réflexes, ce qui serait positif. A partir du moment où j’ai travaillé à la Tate je me suis posé la question des foires avec par exemple la duplication d’Art Basel puis Art Miami Basel puis Art Basel Hong Kong avec toujours les mêmes gens qui ont visité toutes leurs foires, ce qui était contraire à la raison première de créer ces antennes. On peut se dire que Paris étant déjà la plus belle ville du monde pour la photographie nous pouvons déjà réfléchir à reconstruire le marché de Paris, le contexte de l’art à Paris plutôt que de penser toujours ailleurs ! C’est un choc qui nous est imposé et change considérablement nos habitudes de travail et sans doute aujourd’hui avec les mails, FaceTime, Wechat, Instagram nous avons la possibilité de développer des moyens de travail à distance. Je travaille beaucoup avec mes collaborateurs en lien avec le Japon et on peut écrire des textes, envoyer des images..ce qui, il y a 20 ans aurait semblé impossible !
La MEP de chez vous : One Wurm a Day !
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– Découverte inédite des œuvres de son exposition « Erwin Wurm Photographs »
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