Rencontre avec Audrey Hoareau, directrice artistique de CIRCULATION(S) #10

Audrey Hoareau, Copyright Stephen Dock

Audrey Hoareau est directrice artistique de la dixième édition du festival Circulation(s) et commissaire indépendante. Après avoir travaillé au sein des collections du Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône (2003-2016), elle produit et organise des projets d’expositions photographiques. En 2017, elle contribue au lancement du Lianzhou Museum of Photography en Chine, premier musée public de photographie en Chine et intervient sur
sa programmation internationale pendant deux saisons. Elle est en charge cette année de la direction artistique de la 6ème édition de Photo Basel (16-21 juin), satellite d’Art Basel et unique foire consacrée à la photographie en Suisse.

Quel est l’ADN de CIRCULATION(S) et ses spécificités ?


En dix ans, CIRCULATION(S) s’est forgé une identité à part et bien ancrée. Si dans le paysage culturel de plus en plus de festivals apparaissent, il est important de se différencier et CIRCULATION(S) le fait particulièrement bien depuis plusieurs années. Il se concentre sur l’émergence et s’inscrit dans une volonté d’expérimentation et de soutien à la jeune création. C’est un véritable laboratoire qui a pour but premier de prendre le pouls de la nouvelle scène. Avec les années, le festival est devenu de plus en plus exigeant en qualité et il s’applique à diversifier sa forme. Notre priorité c’est la découverte, et c’est ce
qui importe à la fois au public et pour les professionnels qui suivent l’évènement. J’aimerais aussi souligner l’importance du Centquatre-Paris, le lieu hôte et partenaire historique de l’évènement, contribue à donner au festival sa vraie tonalité. Ce formidable écrin nous permet à la fois de développer une histoire à l’intérieur, dans cinq ateliers, mais également à l’extérieur. Le vrai challenge dans la vaste halle est de nous confronter à la
vraie vie, au bruit, aux groupes de personnes en train de répéter et c’est là toute la vocation de ce lieu tourné vers les arts vivants. C’est très stimulant de s’inscrire dans un tel contexte à la fois lieu de passage et d’exposition et d’offrir cette partie de la programmation en accès libre.

Co-commissaire de la 9ème édition de CIRCULATION(S) avec François Cheval (The Red Eye) vous intervenez cette année en tant que commissaire, quels changements dans la continuité cela implique t-il ?


L’exercice rétrospectif était intéressant pour mesurer ce que nous avons gardé ou non dans cette nouvelle édition.
Le principal changement opéré concerne le nombre d’artistes. L’année dernière avec The Red Eye nous avions pris le parti de réduire considérablement le nombre d’artistes sur les 52 que le festival avait atteint, nous nous étions limité à 38. Nous pensions que c’était la première chose à faire face à une surabondance de propositions. Une décision qui n’a pas été du goût du grand public qui est resté un peu sur sa faim contrairement aux professionnels qui étaient ravis du changement. J’ai pour principe de base d’écouter le public, j’ai souhaité augmenter le nombre de propositions à 45, tout en continuant à soigner les accrochages, à aérer la scénographie et à respecter l’espace de chacun des artistes.
En revanche, il était nécessaire de maintenir l’idée du parcours thématique.
Un changement que nous avions opéré l’an dernier, un apport très valorisant pour le festival. Ne pas accrocher les séries au hasard mais donner une atmosphère à chacun des ateliers et regrouper les propositions dont les questionnements sont proches.

Marwan Bassiouni (Suisse) New Dutch Views

En quoi ce festival est-il représentatif des tendances actuelles des pratiques photographiques et un véritable tremplin ?


C’est ce qui fait tout l’intérêt de ma position de directrice artistique, cette mission de pouvoir sentir grâce à l’appel à candidatures et les centaines de réponses reçues un état des lieux de la création photographique contemporaine, et les tendances qui se dégagent… C’est ce qui nous permet de relever les préoccupations permanentes et de souligner les nouveautés. Nous nous concentrons sur le territoire européen, et impliquons cette année
seize nationalités. Je suis toujours surprise de noter l’empreinte de la culture d’origine des artistes sur leur travail. Nous réalisons que nous sommes concrètement face à des écoles, des mouvements (la Suisse, l’Europe de l’Est..)
Ce qui m’a également surprise cette année et peut être plus qu’auparavant est l’effacement de la notion de frontières pour les jeunes artistes. Si vous regardez leur lieu de naissance, leur lieu d’études, leur lieu de résidence, leur nationalité, vous y constaterez que ce sont des gens en perpétuel mouvement.
Par exemple, Marwan Bassiouni réalise un travail sur les Pays Bas. Une série de paysages « New Dutch Views » vus depuis les intérieurs de mosquées à travers leurs fenêtres. De nationalité suisse, il est d’origine égyptienne et américaine, cette multiple culture impacte forcément son approche et l’enrichit.

Nathalie Désposé (France) La frontière

Quelles rencontres ont-elles été décisives dans votre parcours ?


En premier lieu, les artistes car les relations que j’entretiens avec eux représentent l’essentiel de mon parcours. J’ai eu la chance d’en rencontrer beaucoup notamment lors de mes douze années au musée Nicéphore Niépce. Ils m’ont beaucoup influencé. Par la suite, en tant qu’indépendante, j’ai pu travailler sur des expositions monographiques, ce qui nécessite de créer un rapport presqu’intime avec les artistes, et autant de souvenirs marquants ! Je pense notamment à Mac Adams, à Stephen Shames ou encore à Isabel Muñoz. Et plus important encore Peter Knapp, qui me confie aujourd’hui la gestion de ses archives après plus d’une décennie passée à ses côtés. Nous collaborons à présent ensemble sur presque chacun de ses projets et j’ai développé une connaissance de son fonds assez rare.
Je ne peux pas ne pas citer François Cheval qui m’a tout appris du métier.

Si vous aviez un rêve.. inachevé


C’est sans doute la question qui m’a posé le plus de difficultés. Je crois que c’est en partie dû à mon caractère et ma nature. Bien sûr je sais me fixer des objectifs de travail mais je ne raisonne jamais en terme de rêves et encore moins d’inachevé. J’ai beaucoup d’envies, par exemple un jour de collaborer avec des artistes que j’admire comme LaToya Ruby Frazier ou Chris Killip qui ont des façons d’aborder la photographie complètement différentes. J’espère avoir toujours la chance dans mon parcours d’être confrontée à cette diversité d’approches.

L’équipe de CIRCULATION(S) me fait confiance pour prendre des décisions en terme de programmation et je serai heureuse à moyen terme de programmer dans un lieu plus pérenne qu’un festival. J’ai remarqué récemment que je ressens un intérêt de plus en plus marqué pour l’art contemporain. Peut-être qu’un glissement s’opérera dans les années à venir, vers un univers qui m’interpelle et qui n’est pas sans lien avec la photographie ?

Infos pratiques :


CIRCULATION (S) 10 ème édition


14 mars/10 mai

Centquatre- Paris

5 rue Curial

WE spécial 10ème édition : 14-15 mars

https://www.festival-circulations.com