L’une des rĂ©vĂ©lations de cette 5ème Ă©dition d’OVNi Camera Camera est Alice Guittard et son film enquĂŞte « Filature Ă la gondole » avec la galerie niçoise Eva Vautier prĂ©sentĂ© dans la chambre d’Olivier Mosset. Une dĂ©rive fictionnelle puissante qui convoque des mediums variĂ©s, prĂ©sentĂ©e Ă la dernière Biennale de Venise.
Je l’avais dĂ©couverte Ă Marseille lors de la foire Art-0-Rama 2017 avec « Inventeurs d’aventures » Ă la Friche Belle de mai par Gael Charbau puis retrouvĂ©e Ă Paris pour le Salon Approche avec la galerie marseillaise Double V et Ă la CitĂ© des arts. Toujours la mĂŞme Ă©motion.
En Ă©coute
Note d’intention de l’artiste :
Le projet envisagé pour le Magazzino Del Caffè a pour point de départ le récit de Marco Polo, et plus précisément son célèbre ouvrage Le Devisement du Monde, appelé aussi Le Livre des Merveilles et toutes les légendes qui l’entourent. Le texte original, probablement écrit en 1298 en ancien français, ne nous est pas parvenu, mais de nombreuses transcriptions circulèrent au Moyen Âge, qui peuvent nous donner une idée assez claire de sa forme et de son contenu. Il faut d’abord noter que l’explorateur fut d’une grande discrétion en Chine, pays dans lequel il aurait séjourné plus de 17 ans aux côtés de Kubilaï Khan. « Une discrétion telle que les archives impériales, pourtant très complètes, ne portent aucune trace de son passage, alors même qu’il dit il y a avoir été chargé de fonctions importantes. »*
Tout aussi étonnantes sont certaines lacunes de son récit qui ne mentionnent pas certaines traditions comme la cérémonie du thé, les pieds bandés des chinoises, ou encore la particularité de l’alphabet des idéogrammes et même la grande muraille de Chine qui s’étend pourtant sur plu sieurs milliers de kilomètres. Toutes ces invraisemblances m’ont conduit à émettre des doutes sur la réelle présence de Marco Polo en Chine et je rejoins la théorie de la sinologue Frances Wood qui en vient à contester la grande majorité des voyages de Marco Polo, avançant l’hypothèse qu’il n’aurait pas, en réalité, dépassé Constantinople, où sa famille avait un comptoir par lequel transitaient de nombreux voyageurs susceptibles, par leurs récits, d’alimenter sa rêverie. Les récits de Marco Polo rappellent la part de fiction qui s’attache à tout récit de voyager, ils posent alors la question de la limite entre voyage et non-voyage. Peut-être que Marco Polo n’aurait alors jamais quitté Venise…
Je me suis donc rendue à plusieurs reprises dans cette « Reine de l’Adriatique » et j’ai récolté divers récits de locaux comme l’existence d’un légendaire courant qui permet de naviguer sans ramer une seule fois, la présence peu connue d’un canal secret vers il Rio Del Duca, le sentiment de retomber en enfance à cause de la perception basse de l’architecture, des bâtiments pensés pour une vue de recul mais pourtant impossible…
Le film « Filature à la gondole » propose une enquête qui est à la fois une introspection mental mêlée à une observation architecturale qui nous apporte des indices au fur et à mesure de la dérive. Le personnage central, investigateur du néant en voix off, établit une réflexion d’une voix singulière, oscillant entre murmure et provocation, soliloque et confidence, pluralité dialogique des figures du drame sur le silence de l’image qui défile.
Par cette dérive, l’on ne peut obtenir une image stable du mouvement, l’image ne peut jamais prendre, rejetant toujours la formation de la dernière image possible : celle de «celui-qui-essaye-des-directions-différentes-avant-de-trouver-sa-voie-définitive» ; cela rejoint le propos de l’inconnu qui n’a jamais cesser de me manquer, il n’y a pas de dernière image possible, et c’est donc la finalité de ce film , qui sera tourné en pellicule 16mm noir et blanc et projeté en boucle dans l’espace d’exposition.
Ce film sera enrichi de divers indices récoltés durant mes pérégrinations vénitiennes.
OVNi festival 5ème édition