Le Greco, l’exposition évènement (Grand Palais)

Le Grand Palais avec Toulouse Lautrec et Le Greco mise sur deux succès assurés même si la bonne surprise vient plutôt du Greco grâce à des parti pris scénographiques à la hauteur de sa modernité.

Organisée par la Réunion des Musées Nationaux, le Louvre et l’Art Institute de Chicago où elle voyagera ensuite sous le commissariat brillant de Guillaume Kientz (Kimbell Art Museum), l’exposition rassemble 75 œuvres venant beaucoup des musées américains et moins d’Espagne qui ne s’est pas séparée de son icone l’Enterrement du comte d’Orgaz ou des toiles du musée du Prado. Des manques qui sont compensés dans cet espace réduit par la pertinence de l’accrochage sur un fond neutre et blanc qui met en valeur les coloris absolument fantastiques du maître dans un cheminement subtil et puissant.

vue de l’exposition Greco
scénographie Véronique Dollfus
© Rmn-Grand Palais 2019

Un étranger en Italie

Né en Crête vers 1541, Doménikos Theotokopoulos, dit Le Greco formé à l’art des icônes, s’installe à Venise en 1567 où il découvre Titien, son modèle et Véronèse abandonnant alors les fonds d’or des icônes au profit des coloris vénitiens. Il part tenter sa chance à Rome et d’une grande arrogance déclare qu’il se plairait à reformuler et corriger l’art de Michel Ange ! Il est alors chassé du palais Farnèse. Itinéraire étonnant d’un éternel étranger qui n’a pas les codes pour véritable s’imposer en Italie.

GRECO (Domínikos Theotokópoulos)
Portrait du cardinal Niño de Guevara Vers 1600 Huile sur toile
171 × 108 cm New York, The Metropolitan Museum of Art H. O. Havemeyer Collection, legs de Mrs. H. O. Havemeyer, 1929
© the MET

Cependant au fil des capitales traversées il n’a de cesse de se réinventer, à la recherche d’une solution toujours plus inventive. La galerie des portraits montre qu’au contact de ces brillants personnages, il sait trouver mécènes et commanditaires. Il a le don de sonder leur caractère psychologique comme dans le fameux Portrait du cardinal Nino de Guevara qui a tant inspiré les peintres du XXème, Picasso en tête, Bacon. C’est en Espagne à Tolède, la cité rivale de Madrid alors toute puissante, qu’il trouvera enfin son port d’attache soutenu par le roi Philippe II qui lui passe ses premières commandes importantes. Il se dote alors d’un atelier face à la demande croissante de nombreuses familles puissantes de Tolède en quête de dévotion.

Comme le résume le commissaire « Le Greco arrive à un moment clé de l’histoire de l’art, une crise de l’image. Il se donne alors pour mission de réinventer la peinture religieuse. » 

GRECO (Domínikos Theotokópoulos)
L’ouverture du cinquième sceau, dit aussi la vision de saint Jean 1610-1614
222,3 × 193 cm New York, The Metropolitan Museum of Art; Rogers Fund, 1956
© Photo (C) The Metropolitan Museum of Art, Dist.
RMN-Grand Palais / image of the MMA

Charnel et mystique

Hérétique ou mystique ? Fou le Greco ? Sa palette d’une grande audace comme cela transparait dans la monumentale L’Assomption de la Vierge, le chef d’œuvre de l’exposition tout juste restaurée, l’étirement des formes, des corps, l’orage des ciels, les songes et les extases, l’agitation des drapés, la fureur des architectures, tout concourt à l’extravagance quand ce n’est pas de la dissonance. Et avec quelle maîtrise !

Le Greco (dit), Theotokopoulos Domenico (1541-1614). Etats-Unis, Chicago, The Art Institute of Chicago. 1906.99.

« Il va pousser à son extrême les limites de la représentation, du cadre. Il prépare sans y penser les grandes ruptures des avant-gardes » résume Guillaume Kientz. Sa Marie-Madeleine pénitente et ses Vierges n’ont rien de repentantes, lançant des regards d’une grande douceur et sensualité.

« Le Christ chassant les marchands du Temple », vers 1570. Huile sur toile, 116,9 × 149,9 cm. MiNNEAPOLIS INSTITUTE OF ART

Et la sérialité développée autour du « Christ chassant les marchands du temple » comme cela est habilement démontré à la fin du parcours, où il finit par se citer introduit bien d’autres postures reprises par un Cézanne par exemple. Irrévérent il est mais sa fougue et son génie plein d’incohérences formelles dépassent tout. C’est un choc qui attend le spectateur. Greco dessinateur, Greco architecte complètent l’étendue de son talent avant que son fils ne prenne le relais. Oublié aux XVIIè et XVIIIème siècle il doit sa redécouverte à des artistes et poètes tel Baudelaire, écrivains en quête d’étrange, Cocteau. Souvent méprisé par les historiens de l’art, Gréco doit sa redécouverte aux esthètes, aux critiques d’art, aux écrivains, aux peintres » conclut le commissaire. Cette exposition est donc une revanche et une première !

Infos pratiques :

GRECO

Jusqu’au 10 février 2020

https://www.grandpalais.fr/

Réservation fortement conseillée :

Plein tarif : 13 €
Tarif réduit : 9 €

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