Poursuite de la découverte du CRP/Hauts de France avec Béatrice Andrieux qui, à l’invitation de Muriel Enjalran revisite la collection. Elle est revenue sur la méthodologie de travail de ce chantier de plus d’un an, les spécificités de la collection du CRP/ et origines de sa vocation.
Commissaire d’exposition indépendante, spécialisée en photographie et en art contemporain, Béatrice Andrieux a été directrice artistique de photo basel en 2016 et a dirigé le festival Alt+1000 en Suisse en 2015. Elle a collaboré à Paris Photo au Grand Palais et à Los Angeles de 2011 à 2014 et a été directrice artistique de Photography Show-Aipad New York en 2018. Elle a assuré différents commissariats dont Silent Significance en 2011 ; Waterland en 2009 et est co-auteure de l’ouvrage Lucien Hervé/Le Corbusier: Contact (Seuil, 2011).
Quels ont été votre méthodologie et axes de travail pour opérer cette relecture de la collection du CRP/ ?
Très bonne question de départ. En effet cet imposant chantier demandait la mise en place d’une vraie méthodologie de travail. J’ai donc été invitée par Muriel Enjarlan, directrice du CRP/ à découvrir cette collection de plus de 9000 tirages que j’ai d’abord regardé dans son ensemble pour ensuite procéder à des critères de recherche. L’un d’entre eux a été possible grâce à la découverte du travail du photographe belge Christian Meynen qui avait effectué une commande dans le cadre de la Mission Photographique Transmanche (mutations liées à la construction du Tunnel sous la Manche) passée par le fondateur du CRP/ Pierre Devin et l’association du CRP/, qui n’avait pas été sélectionnée au final. Ce travail était resté pendant presque 30 ans dans une boîte. Je me suis posée la question de ce que cela représentait pour un photographe d’avoir réalisé un important travail de commande finalement non diffusé pour des critères de choix artistiques. A partir de ce fil est venu l’idée d’inédits de la collection avec une méthode de travail assez drastique, en lien avec la chargée des collections avec comme première question : quel artiste n’avait jamais été exposé au CRP/ ? Je me suis donné une contrainte supplémentaire de situer le travail des photographes dans l’histoire de la photographie, certains ayant continué ou arrêté leur pratique. Il fallait ensuite à partir de Christian Meynen ou d’Anthony Haughey et son travail autour de la
communauté catholique de Dublin (série Home) dans les années 1990, étoffer cette recherche autour de ces problématiques de déclassement et de récession de villes industrielles, pour arriver à un corpus suffisant, tout en prenant en compte les contraintes du lieu en terme d’espace et de configuration. Je me suis vite aperçue que dans mes choix la photographie en noir et blanc revenait fréquemment ce qui exigeait que j’articule un accrochage qui offrait d’autres formes de ponctuation en couleurs.
Revenons sur la générosité et le regard du fondateur du CRP/ Pierre Devin, à travers les commandes passées aux photographes et les workshops dont vous avez tenue à exposer des exemples.
Il est indéniable que Pierre Devin avait un œil et ses choix artistiques avisés apparaissent nettement dans Inédits, en témoigne le choix d’Anthony Haughey dont il découvre le portfolio au début des années 1980 en Angleterre. Mon angle s’est volontairement arrêté à 1998 dans la mesure où la directrice qui l’a remplacé Pia Viewing (2007-2014) n’a pas fait d’acquisitions supplémentaires, les acquisitions de Muriel Enjarlan ayant déjà fait l’objet d’expositions.
Quelle définition donneriez-vous du métier de commissaire ?
Pour moi qui ai commencé en galerie, le métier est assez proche. Un commissaire d’exposition va réfléchir sur un projet, rencontrer des artistes et suivre le processus d’une exposition de A à Z. Un commissaire indépendant est en charge de beaucoup de postes comme en galerie. Ce métier a beaucoup évolué et l’on se rend compte que de nombreuses
personnes oscillent comme moi entre salariat et indépendance.
Quelles évolutions avez-vous remarquées récemment dans le champ photographique ?
Ce que je remarque est un fort intérêt pour les pratiques historiques de la photographie. Comme l’artiste américaine que je suis depuis longtemps, Alison Rossiter qui travaille la photographie sans prise de vue, autour de papiers photographiques des années 1910 qui ont perdu leur procédé chimique. Elle ne va travailler que dans les bains révélateurs, ce qui offre
un résultat fascinant totalement abstrait ou faisant strictement référence à des paysages de Weston, magnifiques !
Il y a aussi beaucoup de photographes qui interviennent directement sur la photographie comme le photographe américain d’origine allemande, Marco Breuer qui va gratter, déchirer son négatif.
Ces techniques singulières m’intéressent particulièrement tout comme la photographie d’archives.
Quels sont prochains projets ?
J’ai été invitée par la directrice de la Maison de l’Amérique latine, Anne Husson à réaliser un commissariat avec le photographe artiste argentin, Miguel Rothschild. C’est une création in situ, une œuvre on going process dont je connais pas encore tous les contours mais que je suis impatiente de découvrir. L’exposition ouvrira le 13 octobre et durera jusqu’au 13 janvier.
Quel a été le déclic pour choisir d’accompagner les photographes et se tourner vers ce domaine pour en faire un métier ?
Cela remonte à ma maîtrise d’esthétique, un moment où se pose le choix entre passer le concours de conservateur, devenir critique et écrire pour la presse dédiée ou travailler en galerie. J’ai fait ce choix et poussé la porte de la galerie Zabriskie rue Quicanpoix qui défendait des artistes fascinants, des surréalistes, Man Ray, Duchamp, Claude Cahun, Joan Fontcuberta.. et depuis j’ai continué dans cette voix.
Infos pratiques :
Inédit(s) dans la collection du CRP/
jusqu’au 18 août