Laurence Gateau, directrice du Frac des Pays de la Loire photo Fanny Trichet
Laurence Gateau, directrice du Frac des Pays de la Loire peut être fière de cette nouvelle implantation au cœur du Quartier de la création, sur l’ïle de Nantes. Ce nouvel écrin de 480 m² Quai des Antilles, imaginé par l’agence nantaise Claas Architecte avec vue sur Loire et les Anneaux de Buren mettra l’artiste au cœur de ses projets, tandis que le site de Carquefou dans un environnement naturel privilégié se concentrera sur la collection et ses axes de recherche, comme elle nous l’explique lors de notre visite. Un nouveau chapitre pour ce Frac désormais multi sites qui a été précurseur dans bien des domaines.
Ayant lancé dès 1984 les Ateliers Internationaux dont beaucoup d’artistes sont entrés dans ses collections, le Frac des Pays de La Loire est également le seul à bénéficier d’un atelier de restauration. Sa collection compte plus de 1800 œuvres réparties entre la scène française européenne et américaine mais également d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Amérique latine, le Frac ayant été très prospectif vis-vis des scènes globalisées.
Signe de cette ouverture internationale, l’exposition inaugurale a été proposée à l’artiste belge Rinus Van de Velde qui a lui-même invitée l’artiste allemande Kati Heck avec qui il entretient des affinités créatives depuis la ville d’Anvers où ils travaillent tous les deux. Dans l’espace blanc et lumineux du Frac les grands fusains de l’artiste posent les jalons dans lesquels son double vêtu d’un pyjama rayé se livre à des exercices d’introspection ponctués par les aphorismes d’un ami de l’artiste, sortes de maxime désabusées sur sa condition, posées comme de sous-titre. Ce voyage en absurdie puise sa matrice dans la vidéo La Ruta Natural qui donne son titre à l’exposition, un palindrome, visible en boucle, depuis une chambre dans laquelle le public peut pénétrer, sorte de dédale mental, décor de carton-pâte façon studio de cinéma où un personnage –autoportrait de l’artiste ? –semble prisonnier de son destin. Cet impossible échappatoire nous poursuit avec le Mickey détrôné d’Armen Eloyan dans une veine punk que Rinus affectionne, sélectionné dans les collections au même titre que Rosemarie Trockel, Jimmie Durham, Peter Saul, ou John Armleder, signatures adoubées aux cotes flamboyantes.
Si le Frac a su acquérir très tôt des œuvres d’artistes devenus incontournables comme le souligne Laurence Gateau, il convient de savoir se positionner dans un marché devenu florissant avec un budget annuel de 200 000€ par (270 au départ en comptant les frais). En cette année particulière ce sont pas moins de 30 œuvres de 25 artistes qui ont été acquises lors d’un premier comité en mai, qui seront complétées cet automne lors d’une deuxième session. Un signal fort de soutien lancé à la scène émergente comme le souligne Laurence Gateau alors que l’Etat a de son côté, souhaité donner un budget supplémentaire de 50 000€ à chacun des Frac.
Nous quittons ce climat d’étrangeté assez envoutant pour la deuxième partie de la visite pour le Frac, site de Carquefou dont l’architecture brutaliste de Jean-Claude Pondevie surgit au milieu d’une clairière. L’invitation est faite à Claude Closky autour de la collection.
Cofondateur du groupe les Frères Ripolin, collectif constitué avec Nina Childress et Pierre Huyghe, il revendique une approche distanciée du monde de l’art à partir de matériaux pauvres tel que le stylo-bille, le dessin, le collage, l’imprimé. Pour cet accrochage conçu à l’horizontal sous forme d’un grand X il s’agit d’interroger deux formes de temporalité à partir de plusieurs dispositifs : le passage du temps et le temps du geste. L’exposition va aborder plusieurs rythmes et s’accompagne d’un site internet évolutif. Une approche conceptuelle proche des inventaires à la Perec qu’il n’est pas facile de percevoir de prime abord, déjouant nos attentes de spectateurs habitués à un certain format d’exposition. Jeux de langage, mode d’emploi, programmes, listes, classements sont ici illustrés par les œuvres choisies et l’on se souvient de la proposition si radicale adoptée par Claude Closky pour son exposition au Mac Val devenu grande caisse de résonnance sonore. Un échange avec les médiateurs s’impose pour ne pas passer à côté des subtilités à l’oeuvre.
En écoute : extrait de la visite par Laurence Gateau, Rinus Van de Velde
Relire mon interview avec Laurence Gateau réalisé à Carquefou en mai 2019.
En 2022 au Frac : XXXIIIème Ateliers Internationaux autour de la scène portugaise avec comme commissaire : Miguel Amando.
Infos pratiques :
Frac des Pays de La Loire, Nantes
Rinus Van de Velde, La Ruta Natural
jusqu’au 24 octobre
21 Quai des Antilles
Claude Closky, X
jusqu’au 2 janvier 2022
Frac des Pays de La Loire, Carquefou
La Fleuriaye 24 bis Bd Ampère
