Après l’école, biennale artpress MO.CO 2022 : interview Mélissa Medan

Mélissa Medan, Loïc a mal au coeur 2018, vidéo, Prod. Le Fresnoy courtesy the artist

Le MO.CO Montpellier accueille la 2ème édition d’Après l’école, biennale artpress, ce qui rejoint sa vocation première comme le souligne Numa Hambursin, l’école d’art MO.CO ESBA étant au cœur de l’écosystème des deux centres d’art contemporains : MO.CO Hôtel des collections et MO.CO La Panacée. Ce panorama qui regroupe 32 artistes diplômé.e.s d’écoles d’art françaises est aussi le reflet de l’engagement de la revue artpress qui va fêter ses 50 ans, nous rappelle Catherine Millet.  Réparti en 3 lieux : MO.CO La Panacée, le Musée Fabre et l’Espace Baguet ce panorama est placé sous le prisme des « ambivalences du présent » choisi par les commissaires : Etienne Hatt, rédacteur en chef adjoint d’artpress et Romain Mathieu, critique d’art et professeur à l’Ecole Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne. Un présent assez pessimiste et anxiogène selon Mélissa Medan, dont l’univers filmique m’a tout de suite interpellé, la vidéo n’étant pas la tendance dominante de la biennale. Elle donne à lire l’envers du décor de nos vies aspetisées et formatées par le numérique à travers de saynètes de son invention entre tendresse et ironie, jouant sur la voracité des Gafam à capter toujours plus notre « temps de cerveau disponible ».

Dans sa pratique vidéo, elle convoque le Do It Yourself à partir d’images glânées sur internet qu’elle assemble dans des animations assez brutes, comme des collages. Une façon d’interroger le statut du medium et d’en repousser les limites. Elle a répondu à mes questions.

Mélissa Medan, Database in the Making 2022 courtesy the artist

Vous présentez plusieurs vidéos à l’occasion de la Biennale dont Loïc a mal au coeur ou Database in the Making que disent-elles de nos vies sous emprise ?

Mes vidéos questionnent les rapports d’autonomie et de dépendance alternés ou en dualité face aux outils numériques. Je mets en scène des individus qui seraient le résultat d’une convergence entre le fonctionnement humain et le fonctionnement algorithmique. Comme s’il s’agissait de notre devenir, ou bien du devenir des machines. C’est un fantasme que je trouve absurde. Pousser cette absurdité permet de se rendre compte que nous en sommes loin et que plus nous accepterons l’idée d’être sous emprise, assujettis, plus nous nous laisserons aller à ce devenir. 

Quel est le making off de ces vidéos ?

Les deux vidéos sont très différentes l’une de l’autre. Loïc a mal au coeur est une fiction en prise de vue, Database in the making est une boucle de 10 secondes en collage animé. Les personnages dans Loïc à mal au coeur se déplacent grâce a des plateaux posés sur des rails de travelling, ce qui leur donne un aspect très désincarné et rapproche l’esthétique de l’image à un collage animé. Pour Database in the making, j’ai récolté les images correspondant à la recherche des mots « rideau » « table » « main » et « cookie » dans les moteur de recherches internet de différentes personnes. L’idée était de créer des sortes de GIF d’identité numérique (partant du principe qu’en fonction des moteurs de recherches, les images seraient singulières, puisque nous avons tous un usage singulier d’internet et que les ordinateurs en garde la trace, notamment avec les cookies que l’on choisi d’accepter ou non). La tentative fut vaine puisque les images se sont beaucoup répétées. Ça dit encore une sorte d’absurdité. 

Quelles impressions avez-vous eu en découvrant le panorama proposé à la Panacée et sur les autres sites ?

J’ai été agréablement surprise par la diversité des pratiques et des esthétiques, l’ensemble de la proposition est constituée de pièces très hétérogènes. J’ai aussi trouvé qu’on donne tous à voir des représentations du monde et des univers « obscurs »,  ce qui peut faire froid dans le dos. Qu’il s’agisse d’évoquer le passé, le présent ou le futur, la vision d’ensemble m’a paru assez grave et pessimiste, bien que le tout soit adouci par des touches d’humour et de poésie. 

Comment jugez-vous votre expérience au Fresnoy et quel regard portez-vous sur ces années ?

Mon expérience au Fresnoy est particulière car j’ai mis un terme à mon cursus après la première année. Ça a été une année très instructive et si je peux parler de « tremplin » ce fut pour moi un tremplin d’apprentissage en de nombreux points. C’est un très bel établissement qui permet beaucoup de choses, et il est vrai qu’aux yeux de certains acteurs du milieu, il permet d’accorder beaucoup de crédit aux artistes qui sont passés par là. Cela dit, je salue le fonctionnement de la Biennale Artpress pour cette raison que la sélection se fait, en théorie, sous l’anonymat des établissements qui nous représentent en tant que  jeunes artistes. C’est, je pense, une des raisons qui permet la diversité de formes évoquée dans la question précédente. 

Basée à Bruxelles, en quoi cette scène est-elle un prolongement idéal à votre parcours ?

Bruxelles est une ville très riche sur le plan culturel. C’est aussi une ville à échelle humaine où les domaines professionnels et les différentes pratiques se rencontrent dans une grande simplicité. Ça permet de désacraliser la question du réseau et de la hiérarchie au sein des différentes institutions. J’ai une approche des choses très instinctive et je pense que c’est une ville qui permet et encourage cette approche, grâce à la simplicité de ces acteurs, notamment dans le milieu artistique. 

Suivre Mélissa Medan Sur YouTube

Son site internet :

https://melissamedan.wixsite.com/

Infos pratiques :

Après l’école, biennale artpress

MO.CO La Panacée

Jusqu’au 8 janvier

Après l’école, biennale artpress des jeunes artistes (moco.art)

Musée Fabre

Après l’école, biennale artpress des jeunes artistes | Musée Fabre (montpellier3m.fr)

Espace Baguet

La Biennale 2022 – artpress

Catalogue : supplément artpress