Musée Tinguely, Bâle : Party for Öyvind Interview avec la co-commissaire Barbro Schultz-Lundestam

Party for Oeyvind. Oeyvind Fahlström & Friends (16.02.-01.05.2022 im Museum Tinguely Basel

Après une première occurrence au Sven-Harrys konstmuseum de Stockholm, l’exposition Party for Öyvind. Öyvind Fahlström & Friends est proposée au Musée Tinguely de Bâle dans un format élargi.

Öyvind Fahlström (né en 1928 à Sao Paulo et mort en 1976 à Stockholm) est un poète, cinéaste, artiste, critique d’art…précurseur explosif du Pop qui gravite au sein de l’avant-garde new-yorkaise (Robert Rauschenberg, Roy Lichtenstein, John Cage, Jasper Johns, Andy Warhol…) découvert et soutenu à Paris par Daniel Cordier, marchand  d’art et résistant. Il rencontre Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle dès la fin des années 1950 à Paris et représente son pays à la Biennale de Venise en 1966, ce qui l’empêchera de mener avec le couple une œuvre commune. Les femmes ont une place importante dans son parcours à commencer par son épouse l’artiste suédoise Barbro Östlihu.

Le titre de l’exposition reprend le carton d’invitation envoyé par Patty et Claes Oldenburg pour l’anniversaire d’ Öyvind et sa première exposition personnelle à l’emblématique Sidney Janis Gallery de New York en 1967. Dans un parcours fleuve, ses œuvres témoignent des bouleversements politiques d’une époque dont il capte les soubresauts entre humour, contestation et poésie.

Barbro Schultz Lundestam, co-commissaire de l’exposition avec Gunnar Lundestam, est par ailleurs journaliste et réalisatrice suédoise de films et de documentaires consacrés à l’art. Elle a répondu à mes questions.

Si Öyvind Fahlström se définit à travers ses contacts et amitiés avec de nombreux artistes célèbres en Europe et aux Etats Unis, quels enjeux définissent-ils sa pratique ?

BSL : Pour Öyvind Fahlström, artiste suédois né au Brésil et ayant vécu en Suède, en France, en Italie et aux Etats Unis, le contact avec ses amis était primordial. Et il en avait beaucoup car il était quelqu’un de très ouvert, désireux de tout connaitre, de tout voir, et de partager sa vision du monde avec le plus grand nombre… Fahlström travaillait non pas pour lui-même mais pour le monde entier, pour quelque chose qui le dépassait. De la même façon, il souhaitait que ses œuvres soient vendues à des prix abordables, accessibles tout comme l’étaient les livres ou les disques. Les artistes des années 1960 voulaient travailler d’abord pour ceux qui aimaient l’art, et pas d’abord pour le marché…Pour revenir à Öyvind, ayant vécu et travaillé dans de nombreux pays, à Paris, à Rome, à New York, il avait des ami(e)s partout et cultivait le goût de la discussion et de l’échange. C’est bien ce qu’on perçoit dans ses œuvres il me semble, et dans l’exposition qui lui est consacrée au Musée Tinguely de Bâle.

Christer Strömholm, Öyvind Fahlström in Villefranche-sur-Mer, 1967
© Christer Strömholm Estate
A quelle période Öyvind Fahlström rencontre -t-il Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely et que vont-ils créer ensemble ?
 

BSL: Öyvind Fahlström a rencontré Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle dès la fin des années 1950 à Paris, quand ils travaillaient au projet de Niki Elle-une cathédrale, (qui sera présenté au Moderna Museet de Stockholm en 1966). Niki et Jean souhaitaient qu’Öyvind participe à cette commande qui nécessitait un travail colossal. Mais Pontus Hultén, directeur du Museet et également commissaire du Pavillon suédois pour la Biennale de Venise, choisit également Öyvind Fahlström pour représenter la Suède cette année-là ! Öyvind Fahlström a donc dû renoncer à collaborer avec Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely pour se consacrer à son propre travail intitulé « La Dernière Mission du Dr Schweitzer »… Finalement, c’est leur ami commun, Pontus Hultén, qui les a empêchés de travailler ensemble et l’occasion ne s’est jamais représentée même s’ils sont restés amis !

Party for Öyvind. Öyvind Fahlström & Friends 16 February – 1 May 2022 in Museum Tinguely Basel
 En quoi la figure et l’influence de Daniel Cordier ont-elles été décisives ?

BSL: Daniel Cordier est sans conteste l’un des plus grands collectionneurs de l’oeuvre d’Öyvind Fahlström. Il a toujours dit que pour lui il était l’un des artistes majeurs du XXe siècle. Il racontait qu’il s’était retrouvé face à un tableau d’un artiste inconnu, à l’occasion d’un voyage en Allemagne pour aller visiter une exposition. Il avait donc demandé à son hôte qui était cet artiste et comment le contacter : c’était Öyvind Fahlström! Fahlström est donc venu rencontrer Daniel Cordier chez lui à Paris avec plusieurs tableaux sous le bras. De fait, Daniel Cordier lui a tout acheté et a décidé de lui organiser sa première exposition personnelle en 1959 ! Ce fut le début d’une longue amitié et aussi le lancement de la carrière internationale de Fahlström ! Les deux sont restés très proches et même quand Öyvind est parti vivre à New York, il est resté dans la galerie Daniel Cordier.

Jean-Philippe Charbonnier, Öyvind Fahlström in the exhibition
Pentacle au Musée des Arts Décoratifs, Paris, 1968 Photo Jean-Philippe CHARBONNIER/Gamma-Rapho/Getty Images

Quelle place les femmes ont-elles dans son parcours ?

BSL: Öyvind Fahlström avait beaucoup d’amies artistes, en Suède, en France, en Italie et au Etats Unis, certaines très célèbres à l’époque, d’autres qui sont restées inconnues. Dans l’exposition au musée Tinguely et dans le catalogue, 50 % des artistes sont des femmes. Je travaille d’ailleurs sur un projet exclusivement sur les femmes artistes de cette époque, autour de Fahlström … Lui-même avait épousé une artiste suédoise extraordinaire, Barbro Östlihu, qui avait fait les Beaux-Arts alors qu’Öyvind était un autodidacte. Elle l’a beaucoup aidé y compris en collaborant à ses œuvres. Il faut rappeler qu’à cette époque, il était très difficile pour une femme d’être pleinement reconnue et d’être exposée. Fahlström n’a pas hésité lui à collaborer avec des nombreuses artistes et à les promouvoir en quelque sorte.

Comment son expérience à New York où il s’installe en 1961 et vit jusqu’à sa mort a-t-elle été si féconde et productive ?

BSL: Öyvind Fahlström s’est toujours considéré comme un citoyen du monde, lui qui était né au Brésil, avait vécu dans plusieurs pays en Europe… mais il a trouvé à New York une ville de rêve où les artistes travaillaient dans un esprit fraternel. Il avait déjà rencontré Rauschenberg à Stockholm, aussi le jour de son arrivée à New York il est invité à dîner avec Barbro chez les Oldenburg. Puis ils furent emmenés à une grande fête avec tous les artistes expressionnistes de l’époque… A peine arrivés, ce fut une plongée dans le milieu de l’art new yorkais, un milieu très vivant où les artistes de générations différentes collaboraient joyeusement, où les échanges entre les disciplines étaient intenses… L’ambiance de la scène new yorkaise était vraiment différente de celle de Paris où chacun travaillait en solitaire et préservait sa créativité en quelque sorte. Je crois qu’à New York, Öyvind Fahlström a trouvé l’esprit d’émulation et de créativité tous azimuts dont il rêvait et qui lui correspondait !

En complément de l’exposition découvrez Jean-Jacques Lebel, « La Chose » de Tinguely, quelques philosophes et « Les Avatars de Vénus » qui vient d’ouvrir.

Infos pratiques :

Billetterie en ligne

Tarif

Adultes : 18 CHF

Horaires

Du mardi au dimanche 11 – 18h
Fermé le lundi

https://www.tinguely.ch/fr/