Souples, un souffle, 2021, cuir papier et métal. Photo : Jacques Philippot courtesy the artist/Septième gallery
Repérée lors de ma visite de l’exposition The Sawers/Les Semeurs à la Fondation Thalie, Bruxelles, autour des pratiques rituelles d’une pensée écologique incarnée où ses sculptures en cuire marouflé Souples, un souffle entraient magistralement en dialogue les artistes du dernier temps de l’exposition autour de la terre, c’est un bonheur de retrouver Angèle Guerre à son atelier de Poush. Alors qu’elle prépare sa prochaine exposition personnelle à la Septième Gallery qui l’a exposée à l’occasion d’Art Paris 2021 nous revisitons les temps forts de son parcours, les déclencheurs de sa vocation, ses sources d’inspiration et son rapport à la matière et à la nature.
A quand remonte votre vocation ?
Ma vocation est familiale. J’avais un grand-père maternel devenu artiste calligraphe en autodidacte qui reste lié à l’un de mes premiers souvenirs d’enfance. Lorsque j’allais lui rendre visite lors de nos déjeuners du dimanche, j’attendais qu’il repose sa plume, pour ne pas risquer de gâcher le dessin, avant de lui parler.
Plus tard quand j’ai commencé à dessiner j’ai spontanément choisi la plume.
Du côté de mon père il était d’une famille d’antiquaire provençal ce qui m’a donné ce goût des objets, de l’histoire, de la collecte. Je suis en fait le fruit de tout cet héritage, conscient et inconscient.
De plus la rencontre avec un professeur en arts plastiques au lycée a été aussi formidable comme cela a été le cas pour plusieurs d’entre nous qui nous sommes d’ailleurs retrouvé aux Beaux-Arts de Paris !
J’ai d’abord opté pour une prépa art dans le privé qui ne me correspondait pas puis publique où je me suis vraiment épanouie pour décrocher au final les Beaux-Arts alors que j’imaginais plutôt les Arts Décoratifs. Aux Beaux-Arts j’ai suivi une initiation à la reliure ce qui m’a beaucoup plu et en sortant j’ai poursuivi avec des cours du soir pendant un an ce qui m’a permis ainsi de connaitre et explorer différentes techniques dans mon travail. J’étais dans l’atelier de Marie-José Burki, vidéaste et photographe suisse avec qui je pratiquais de la vidéo et de la sculpture puis j’ai rencontré Bernard Moninot, artiste orientant toute sa pratique autour du dessin. Les deux approches ont été complémentaires.
Comment définissez-vous votre pratique ?
Je dirais que je fais à la fois du dessin et de la sculpture à travers des installations dans un rapport à l’espace. J’ai commencé par du dessin très figuratif à mes débuts quand j’allais à l’Ecole des Mines dessiner des minéraux ou au Musée d’histoire naturelle dessiner des animaux empaillés, des plumages. Il convient de préciser que la chasse et les d’animaux empaillés sont une pratique courante dans ma famille et que j’interroge à présent à travers des œuvres en cuir qui renvoient à la fois à la carcasse et à une sorte de forme de vitalité en puissance.
Peu à peu le dessin m’a servi de base de données autour de sorte de paysages mentaux et imaginaires. J’ai pratiqué la gravure même si je préfère le caractère instantané du processus du dessin. La plume, le scalpel, la calligraphie sont mes instruments de prédilection dans un rapport à l’artisanat et à l’écriture. On peut parler d’apparition de sortes d’ailes mais aussi de phénomènes naturels, de sensations, du vent sur l’eau, de dunes, de sables, d’algues…
J’ai aussi travaillé sur des miroirs anciens autour de reflets cherchant de nouveaux outils pour faire interagir la lumière. La symbolique du reflet se trouve alors troublé et altéré avec ces miroirs anciens oxydés. J’ai intégré aussi le verre directement dans les sculptures pour confronter ces deux matières.
Je ne travaillais que le noir et blanc même si la couleur est apparue récemment. Petite j’allais jouer dans une carrière de sable en Provence avec ces tonalités ocre naturelles et puissantes qui m’influencent certainement.
Au niveau de la technique à partir de cuir marouflé uniquement recyclé, associé à du papier, je sors des formes qui deviennent des sculptures. Elles sont modulables et s’adaptent à leur espace comme à la Fondation Thalie. J’aime bien cette notion de souplesse et de résilience, et l’idée aussi du dessin dans l’espace avec ces tiges que j’ajoute pour contrecarrer les formes molles.
Le Solo show à la Septieme Gallery
Après le trio show avec Rebecca Brodskis et Joël Degbo à l’occasion d’Art Paris, je viens de démarrer cette collaboration qui me réjouit car nous sommes vraiment en phase avec les deux directrices de la galerie.
Je vais proposer ces nouveaux dessins au pastel ainsi qu’une vaste installation murale de cuir et de papier rehaussés d’inserts en métal. Dans la vitrine sera exposée Souples, un souffle et ces petites mains en céramique que je pensais au départ intégrer dans les sculptures.
Quels sont vos autres projets ?
Je mène plusieurs collaborations et suis représentée par un agent, Valérie Henry. J’ai ainsi pu intervenir avec la Maison Hermès pour leur boutique Shang Xia, à Paris et ai eu l’opportunité de travailler dans leurs ateliers de cuir recyclé, une réserve formidable. Je réalise actuellement 23 dessins pour un hôtel en Suisse.
L’expérience Poush, quel bilan ?
C’est une vraie chance et j’aimerais bien comme beaucoup de nous ici, que l’expérience puisse se prolonger ailleurs, lorsque le lieu fermera en mars 2022.
J’avais entendu parler du lieu par des amis qui sont arrivés dès la première session d’ouverture. J’ai répondu à l’appel à candidature après le confinement durant lequel je n’avais pas pu travailler.
Etre au sein d’un espace collectif et si dynamique tout en gardant son propre espace de réflexion et de création est l’équilibre idéal.
NFOS PRATIQUES :
Becs et ongles
Angèle Guerre
Du 18 novembre 2021 à mi-janvier 22
Septieme Gallery
31 Rue de l’Université
75007 Paris
Artistes – POUSH Manifesto (poush-manifesto.com)
