Coralie Seigneur, une Aluminée de la matière !

«On parle encore trop rarement publiquement des métiers d’art et quand on fait un métier qui n’a pas de rayonnement médiatique comparable à ceux des milieux de la musique, du théâtre ou de la danse. C’est une façon d’ancrer son métier, d’y croire et de le faire grandir ».

Coralie Seigneur fait partie du collectif « Les Aluminées », rassemblant depuis dix ans sept femmes céramistes qui revendiquent un rapport singulier à l’argile et exposent régulièrement en Midi Pyrénées. Nous la rencontrons alors qu’elle prépare l’exposition collective « Rhizome » qui ouvrira ses portes au Centre Céramique de Giroussens (Tarn et Garonne) le 5 octobre. 

Après des études d’architecture d’ intérieure à Bruxelles, Coralie Seigneur découvre les métiers d’art et l’univers de la céramique en s’installant dans un village médiéval en Occitanie (Tarn et Garonne) et décide alors une reconversion. Autodidacte, elle se passionne pour les techniques ancestrales et brutes du modelage, de la céramique enfumée dans un premier temps et ensuite de celle émaillée aux cendres dans une recherche de sobriété et de silence. Le contact physique avec les éléments qui l’environnent est une source constante d’inspiration, alternant solitude de l’atelier et stimulation de projets collectifs ou associatifs.  

Une pièce pour une page blanche :


« Je me définis comme céramiste parce que j’ai une aspiration pour la poterie, le contenant, l’objet du donner et recevoir, l’objet de la relation, du partage, du repas. Tel un bol, un plat, une théière. » En parallèle elle développe des sculptures plus abstraites qu’elle décrit comme des « pièces d’évocation » réceptacles d’émotions, de sensations, de souvenirs. Sans fonctions véritables ces pièces lui offrent une nourriture d’un autre ordre. Dans une approche cyclique et non linéaire de la création, elle aborde actuellement la sculpture comme un laboratoire d’expérimentation où germent et prennent vie des pièces mixant la céramique à d’autres matières pour le projet collectif Rhizome déjà cité.
« Comme si j’avais une bibliothèque dans laquelle je rajoutais des créations comme on rajoute un livre, pour pouvoir y piocher à tout moment, le relire et en sortir forcément autre chose ».
Après avoir commencé par le tournage, elle préfère la temporalité du modelage et la sobriété de production qu’il induit. Ce travail archaïque avec des outils simples : tournette, estèque, ébauchoir, mirette, lui offre un véritable terrain de jeu. La pièce se réalise strate par strate par le colombin sans plan préétabli. Avec l’expérience elle a atteint une véritable finesse dans ses grès dont elle repousse toujours plus le point d’équilibre. Puis elle réalise elle-même ses émaux à base de cendres, voie singulière qu’elle s’est choisie parmi les céramistes de sa génération.  

L’émail comme un bain révélateur :

Jean Pierre Chollet, céramiste établi à Bruniquel, est le premier qui lui a donné le goût de la recherche constante des émaux.
« Je ne cherche pas à aborder l’émail comme une fin en soi. » Le choix des cendres d’un végétal la ramène à un terroir, à une histoire. Elle travaille beaucoup actuellement avec la cendre de chênes de sa région. « Ces arbres deviennent alors mes intercesseurs. » Puis elle les associe selon une constante expérimentation d’alliances de matières premières et les fusionne à 1280° en four électrique. « Je travaille un peu comme un peintre, j’ai une palette terre, une palette émail et entre les deux, tout ce que je travaille avec différents outils par glacis, engobes, superpositions d’émaux, cuissons successives., pour un résultat que je ne maîtrise jamais complètement à l’avance. » Tout ce qui est répétitif et sériel l’ennuie et cette recherche empirique entre la terre et le feu conduit à ces contrastes et variations multiples entre finesse et rugosité, ombres et lumières, légèreté et pesanteur. L’ensemble offre des formes qui invitent au silence, au voyage, à la retraite.


Le contact physique avec les éléments :


L’immersion quotidienne avec son environnement de collines, de falaises, de causse et de rivières est essentielle. Elle se lance régulièrement dans des voyages itinérants, parfois en solitaire, sac à dos, au plus proche de la nature. « Le paysage, les espaces, le silence qu’ils induisent me nourrissent et passent dans mon travail de façon subtile».
Ce qui lui échappe en revanche ce sont les ciels bas et brumeux de son enfance nordique dont elle a gardé inconsciemment une touche atmosphérique. Comme un brouillard, une humidité dans l’air souvent palpables, un appel à l’horizon.
Même si elle s’est peu intéressée jusqu’ici à l’Asie et au Japon, elle reconnait des échos et résonnances formelles souvent soulignés par d’autres comme récemment par un sinologue. Elle parle plus d’un bagage commun qui lui échappe et se fait malgré elle que de sources d’inspiration conscientes. Une possible réincarnation.


Cabinet de curiosité du vivant :


Ses recherches actuelles en sculpture associent beaucoup de techniques mixtes alliant terre, papier et textile comme avec la série nommée Nutriments. Ces petites pièces font références à la réserve vitale du rhizome.
« En jouant avec la masse dense de grès en suspension sur de frêles racines de porcelaine, elles évoquent la force de captation du vivant, Sa détermination à croître et se reprendre ».  

Infos pratiques :  

Rhizome

Carte Blanche au collectif Les Aluminées  

Centre céramique de Giroussens

du 7 octobre au 31 décembre  

Actualités de l’artiste :   coralieseigneur.com