Raf Van Severen, Anvers
C’est dans le quartier anversois très branché d’Eilandje, que Raf Van Severen a décidé d’installer sa galerie spécialisée en peinture belge et internationale des années 1870 à 1970, entre figuration et abstraction. Du luminisime au fauvisme jusqu’à l’expressionnisme abstrait, l’abstraction lyrique ou géométrique, la galerie a élargi son spectre également vers des artistes contemporains. Dans cette ancienne zone portuaire, les entrepôts, le port de plaisance et les terrasses offrent une balade unique où la lumière a toute sa place. De quoi inspirer ce galeriste passionné à la recherche d’amples volumes bruts. En tant que fidèle participant à la BRAFA, il nous confie ce qui fait la spécificité de la foire et revient sur sa vocation de marchand et sa passion pour la peinture belge dans les traces de son père et son grand-père. Il révèle en quoi Anvers est une ville résolument ouverte aux influences extérieures étant donné son histoire, ce qui influence durablement sa scène artistique. Raf Van Severen a répondu à mes questions depuis Antica Namur, devant diversifier sa clientèle, le secret, reposant selon lui, sur le style que l’on se forge peu à peu dans le métier.
Que défendez-vous à la galerie ?
Je me suis spécialisé en art figuratif du début XXème avec une passion pour tout qui est fauvisme et expressionnisme des années 20, parce que je suis très sensible à tout qui engage la couleur et la lumière. C’est cela que je cherche toujours dans les tableaux et dans l’art abstrait des années 50, 60 et aussi chez les abstraits lyriques. Parce qu’il est évident que ces peintures placées dans un intérieur dégagent une énergie que je trouve très positive.
Vous avez choisi le quartier d’Eliandje pour ce 2ème emplacement. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette localisation ?
Au cours des 20 dernières années, je me suis consacré à l’art abstrait et au sein de ce courant, je préfère exposer des grandes toiles.
Le quartier des docks d’Eilandje près du port, s’est métamorphosé. Ses anciens entrepôts lui donnent un côté brut que j’aime et que je recherche aussi dans l’art.
Lors d’une balade ici l’on ressent immédiatement un sentiment de vacances avec les bateaux de plaisance. Et lorsque l’on rentre dans la galerie, on reste en contact avec le port et ce côté industriel dans un espace pensé pour mettre en valeur les artistes, qu’ils soient connus ou moins connus.
Quel est l’architecte qui a conçu le bâtiment de la galerie ?
L’architecte est Edouard Sorgelosse, son bureau est à Anvers.
C’était un ancien garage.
J’ai réalisé le dessin de l’ensemble.
Ce bâtiment était idéal pour pouvoir créer différentes ambiances et distribuer les espaces entre l’expressionnisme belge et le figuratif au rez-de-chaussée et aller peu à peu vers les grands plafonds et l’art abstrait.
Avec au milieu la possibilité de proposer une petite exposition sur un thème, comme actuellement, avec l’art abstrait géométrique.
L’exposition « Painting After Painting, » au SMAK de Gand posait la question des spécificités de la peinture belge et si elle existe réellement. Qu’en pensez-vous ?
Personnellement, je pense que nous sommes un petit pays et véritablement un pays de peintres.
C’est une bonne question parce que c’est un peu bizarre si l’on pense par exemple, à l’Allemagne ou à la France, il y a plusieurs sortes d’art alors qu’en Belgique, la peinture domine. On est vraiment très gâtés avec une grande diversité dans la peinture belge.
C’est ce qui explique je pense, que pendant l’histoire, c’est toujours la peinture qui attiré toute l’attention par rapport à d’autres mediums.
En Pays-Bas, il existe entre 50 et 100 peintres connus. Alors qu’ici il y a un contraste entre la grande qualité et des choses plus modestes.
Vous avez révélé lors de la visite que vous ne visiez pas toujours le peintre le plus connu. Pourquoi ? Est-ce une stratégie ?
En effet, c’est ma vision.
Quand je regarde un tableau, je regarde avant tout l’objet, le tableau, avant de regarder la signature. Je recherche un équilibre entre une grande signature et un beau tableau. Je ne veux pas acheter un tableau moche d’un grand peintre, parce que c’est quelque chose que je ne peux pas bien défendre. Alors je vais privilégier un beau tableau, d’un inconnu, ou d’un petit maître.
Et lorsque je conçois des expositions, comme à la BRAFA, je vais exposer des expressionnistes belges le grand paysagiste Valerius De Saedeleer ou Gustave de Smet mais aussi un Marcel Caron, expressionniste wallon qui est moins connu même s’il a de nombreux tableaux dans les musées. Quand je choisis de montrer des représentants moins connus de la même époque, cela conduit les gens à regarder d’abord la qualité du tableau avant la signature.
Les gens qui m’achètent un tableau des années 20, devient des clients pour toujours. Ils vont être heureux d’avoir acheté un tableau d’exception pour une somme raisonnable plutôt que d’avoir uniquement misé sur la signature.
En ce qui concerne la BRAFA, qu’est ce qui fait selon vous l’excellence et l’attrait de la foire ?
D’une part je trouve que la mise en scène de la foire est exceptionnelle. Tout est fait pour ravir le public, faire plaisir aux visiteurs, amateurs et collectionneurs. De plus Il y a une sévère politique de vetting non seulement en ce qui concerne l’authenticité, mais aussi la qualité de la pièce. Enfin, comparativement à d’autres foires, ils sont plus ouverts à des marchands qui ont leur propre identité, leur goût personnel, ce que je trouve bien étant donné que j’exerce ce métier depuis 34 ans, en développant une réelle singularité. J’ai beaucoup de clients qui me confient qu’il n’est pas nécessaire de vérifier le nom de l’enseigne du stand pour savoir que c’est moi ! Ils reconnaissent immédiatement mon style, mes tableaux, ce que j’expose et je défends.
Petite anecdote : J’ai eu des clients qui habitaient à Paris et ont reçu des amis situés près d’Anvers qui ont reconnu des tableaux en provenance de ma galerie.
Je trouve que c’est un compliment.
La scène d’Anvers semble très variée et dynamique entre l’art plus classique et la création contemporaine : qu’est ce qui explique cela selon vous ?
Cette scène très variée est à l’image de la ville avec un port, un paysage mouvant avec l’eau et des gens originaires de partout dans le monde. C’est ce qui donne l’ambiance particulière de la ville. C’est une petite ville mais attirant beaucoup de gens d’ailleurs. Et en ce qui concerne l’art, Anvers a toujours été synonyme d’avant-garde-garde et de création contemporaine, sans oublier l’art plus classique. C’est ce qui rend la ville d’Anvers si intéressante et stimulante.
Question plus personnelle : à quel moment avez-vous décidé de devenir marchand ? Est- ce inscrit dans une histoire familiale ?
Mon grand-père était un architecte. Il donnait des cours de dessin à l’Académie des Beaux-arts, en parallèle à ses activités d’architecture. Mon père, qui a perdu sa mère pendant la Deuxième Guerre mondiale, était l’aîné de cinq enfants. Après des études littéraires, il a choisi l’école coloniale à Bruxelles. Il est ensuite parti au Congo belge et est resté dix ans au service du gouvernement belge. A son retour, il a attrapé le virus de l’art et des tableaux par son père. Il s’est consacré à la collection pendant 50 ans de tableaux Congolais. Pendant ses week-ends, il partait toujours à la chasse aux tableaux. Étant le plus jeune de la fratrie j’allais toujours avec lui à Bruxelles, à Liège, à Anvers. Il avait un ami qui avait une galerie à Malines et un stand aux Sablons. A l’âge de 15 ans, j’ai ouvert mon propre stand aux Sablons puis à18 ans, avec mon permis de conduire j’ai commencé à travailler à mon compte à Tongres avant de revenir aux Sablons à mon propre compte. Et en 91, j’ai arrêté mes études pour commencer comme marchand professionnellement.
Cela fait 34 ans maintenant que j’exerce ce métier !
Infos pratiques :
BRAFA 2026
Du 23 janvier au 1er février
Brussels Expo
La galerie Raf Van Severen à Anvers :
Godefriduskaai 52
2000 Antwerpen
