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a ppr oc he, 9ème édition : Interview Emilia Genuardi 

Daphne van de Velde, Dress 2022 photographic sculpture , Edition de 3, courtesy de l’artiste et Black Swan Gallery

a ppr oc he accueille 14 univers et expérimentations photographiques du 13 au 16 novembre au Molière que nous décrypte Emilia Genuardi, fondatrice et directrice. 

Parmi les nouveautés et temps forts de cette 9ème édition : l’accueil de la coopérative marseillaise d’artisans d’art, TCHIKEBE, la sélection de PODA – La Petite Œuvre d’Art, l’association du salon avec PhotoSaintGermain le partenariat avec le Drawing Hotel autour de l’exposition Jérôme Graviel… De plus, Emilia nous fait part de ses réflexions dans le contexte de crise du marché que nous connaissons tout en restant positive. Elle a répondu à mes questions.

Emilia Genuardi, photo Laurent Villeret

Qu’est ce qui se dégage de ce panorama réunissant 14 univers artistiques singuliers?

Le salon a ppr oc he reste fidèle à son esprit intime : un lieu de curiosité où la photographie devient matière vivante. On y retrouve des gestes, des expérimentations et des images qui ne se contentent pas d’être regardées — elles demandent qu’on s’y attarde.

Anna Katharina Scheidegger – Résidence PICTO LAB Fragile Warning-Lights N°11, 2025 pièce unique courtesy de l’artiste

Pietro Bologna sculpte la lumière et la matrice : ses plaques rétro-éclairées, plis et déchirures font de la surface une mémoire tactile, et cette approche matérielle répond directement aux interventions textiles de Sabatina Leccia, qui transforme l’image par la broderie, la perforation et la superposition. Le traitement pictural et fragile de Sophie Le Gendre, qui froisse papiers japonais et joue avec la lumière, prolonge cette attention au geste et à la surface, tandis que Denis Félix invite à la lenteur avec des oxydotypes qui gardent la respiration et la mémoire des forêts. Isabelle Ehrler et Léonard Bourgois Beaulieu poussent plus loin l’idée du vivant dans l’image : l’une en intégrant des matières minérales qui « fossilisent » les tirages, l’autre en laissant des micro-organismes modifier la surface photographique, jusqu’à faire de l’image un organisme. Anna Katharina Scheidegger écrit la photographie avec la lumière du phytoplancton bioluminescent, un travail de visibilité du fragile qui trouve un écho poétique dans les cyanotypes rouges de Mimiko Türkkan, où le corps devient vague et mouvement. Daphne van de Velde explore, elle, le corps en volume avec des sculptures photographiques qui parlent de désir, d’isolement et de connexion. Julie Cockburn, par la broderie sur photographies anciennes, renouvelle la narration du passé; Reeve Schumacher, musicien et plasticien, remixe l’imagerie populaire en collages et performances, déplacement qui rejoint la pratique d’Émile Gostelie, qui déconstruit puis recompose l’image en mythologies visuelles. Sander Coers pose la question de la fiction à l’ère de l’IA, brouillant documentaire et invention, un questionnement proche des portraits-installations de Vincent Lemaire où histoire et invention se mêlent. Enfin, Thu Van Tran et Thomas Mailaender, présentés ensemble, offrent deux démarches complémentaires — paysages kaléidoscopiques chez l’une, réemplois d’objets et d’images chez l’autre.

Denis Felix Les sages#1, 2025 pièce unique courtesy de l’artiste & Galerie Parallax

La PODA revient avec sa collection de boîtes-écrins, petite forme qui condense et prolonge toutes ces pratiques.

Trois expositions satellites viendront enrichir la programmation du salon et prolonger l’expérience hors les murs :

En partenariat avec le Drawing Hotel, a ppr oc he présente Jérôme Grivel, dont la recherche artistique, nourrie par la photographie, se déploie entre paysage, architecture, dessin et sculpture.

Pour la 5ᵉ édition de Dialogue, à l’initiative de Fiammetta Horvat, j’ai invité le duo Édouard Taufenbach & Bastien Pourtout à dialoguer avec les archives du photographe Frank Horvat.

Sixtine de Thé, Pellicules aveugles, 2025 Courtesy de l’artiste, PhotoSaintGermain

Enfin, la collaboration Perspective croisée avec le festival PhotoSaintGermain, permet un soutien moral respectif des deux événements, pour lequel a ppr oc he met en avant l’exposition de Sixtine de Thé (PSG) et PhotoSainGermain le solo show de Léonard Bourgois Beaulieu à a ppr oc he.

Quelles réflexions sur le médium photographique sont-elles engagées ? 

Le panorama d’artistes de cette 9e édition montre une photographie qui bouge et se transforme : on y voit des expérimentations matérielles (du photogramme au tirage baryté), des hybridations avec la broderie, la sculpture ou le son, et un va-et-vient permanent entre analogique et numérique — dont l’IA. Beaucoup d’œuvres jouent sur la mémoire et l’archive, entre fiction et témoignage, tandis que le corps, le paysage et le vivant reviennent comme terrains de jeu et de questionnement. 

Cette 9e édition montre une scène photographique vive et plurielle — curieuse des technologies nouvelles, fidèle aux savoir-faire anciens, et profondément engagée dans les questions de mémoire, de corps et d’écologie.

Parmi les nouveautés l’accueil de la coopérative marseillaise TCHIKEBE : quels enjeux ?

TCHIKEBE est une coopérative d’artisans d’art créée à Marseille en 2012. Elle réunit, sous un même toit, un atelier de sérigraphie, un labo photo numérique, un atelier d’encadrement et une maison d’édition d’estampes contemporaines. Chaque année, de nombreux artistes — français et internationaux, de générations et de styles différents — viennent y travailler pour produire des estampes originales, signées et numérotées. La coopérative offre un terrain de création incroyable pour les artistes, riche et généreux.

Thomas Mailaender, Les lentilles 21, 2024, pièce unique courtesy de l’artiste, TCHIKEBE

Pour cette édition, Thu Van Tran et Thomas Mailaender (qui avait été sélectionné lors de la première édition du salon en 2017) présentent chacun une série d’œuvres uniques. C’est une belle occasion d’acquérir des pièces originales, de grande qualité, à des prix raisonnables.

La collaboration inédite avec PhotoSaintGermain : « Perspective croisée »: comment cela se traduit-il ? 

PhotoSaintGermain et a ppr oc he partagent depuis longtemps des sensibilités proches et présentent souvent les mêmes artistes. Cette année, avec Aurélia Marcadier, directrice du festival, nous avons décidé de renforcer nos liens en mettant en avant nos affinités artistiques communes.Concrètement, a ppr oc he soutient moralement l’exposition de Sixtine de Thé présentée dans le cadre de PhotoSaintGermain, et, en écho, PhotoSaintGermain accompagne le solo show de Léonard Bourgois Beaulieu au sein du salon. C’est un vrai échange entre deux rendez-vous majeurs de la photographie à Paris, une manière simple et efficace de renforcer notre engagement en faveur de la scène artistique contemporaine.

Le partenariat avec Drawing Hotel : l’invitation à Jérôme Grivel 

Pour la deuxième année consécutive, le salon a ppr oc he renouvelle son partenariat avec le Drawing Hotel. Cette collaboration ne tient pas seulement à la proximité géographique : avec Carine Tissot, nous partageons surtout l’envie de mettre en lumière des artistes pluridisciplinaires qui empruntent autant au dessin qu’à l’image.

J’ai découvert le superbe travail de Jérôme Grivel lors de l’exposition des lauréats du Prix des Rencontres Artistiques 2025, organisée par Carré sur Seine au Centre Wallonie-Bruxelles. Sa pratique traverse les arts plastiques — dessin, sculpture, vidéo — et les arts de la scène — performance, musique, chorégraphie : il explore le paysage, l’architecture et le corps. Chaque œuvre rend visible la tension entre l’humain et son environnement, et s’accorde parfaitement avec l’esprit et l’écrin du Drawing Hotel, et du concept d’ a ppr oc he.

Comment le contexte de crise actuelle influence votre vision d’une foire et de modèle économique associé ?

Le concept du salon a ppr oc he, comme celui de unRepresented, a été pensé dès le départ pour favoriser les artistes. C’est un modèle indépendant et souple, contrairement à la plupart des grandes foires commerciales.

Pendant la crise du Covid, cette souplesse nous a permis de nous adapter : nous avons revisité le format au sein des galeries, ce qui a fortement réduit le coût de participation, en faveur de nos galeries et artistes invités à participer. Grâce à cela, artistes et galeries ont pu continuer à rencontrer le public alors que les lieux publics étaient soumis à des jauges strictes, voir fermés.

Depuis 2017, le prix de participation au salon reste raisonnable pour permettre à des galeries plus jeunes de participer au salon et pour installer un climat plus serein. Le choix des œuvres est fait en concertation avec les artistes et leurs galeristes, ce qui nous aide à nous ajuster aux réalités du marché.

Vu de façon optimiste, chaque crise devient un défi nouveau qui pousse à inventer des formes et des modèles plus favorables à la création.

Liste des propositions :

Pietro Bologna [IT] Laboratoire 1930 – Fotografia contemporanea [IT]*
Léonard Bourgois Beaulieu [FR] – Galerie du Jour agnès b. [EN]
Julie Cockburn [Royaume-Uni] – Galerie Hopstreet [Belgique]
Sander Coers [NL] – Portes ouvertes [UK]
Isabelle Ehrler [FR] – Galerie 127 [FR, MAR] *
Denis Félix [FR] – Parallax [FR] *
Emile Gostelie [NL] – Galerie Contour [NL]
Sophie Le Gendre [FR] – Quand les fleurs nous sauvent [FR]*
Sabatina Leccia [fr] – Galerie XII [FR]*
Vincent Lemaire [FR] – Galerie DIX9 [FR]*
Anna Katharina Scheidegger [CH] – Résidence PICTO LAB [FR]*
Reeve Schumacher [USA] – LHOSTE [FR]
Mimiko Türkkan [TR] – Analix Forever [CH] *
Daphne van de Velde [NL] – Galerie Black Swan [BE]
Œuvres originales de Thu Van Tran [VN] & Thomas Mailaender – TCHIKEBE [FR]
La PODA, La Petite Œuvre d’Art [EN]

Infos pratiques :

9ème édition 

13-16 novembre 25

Le Molière

40 rue de Richelieu, Paris 

https://www.approche.paris

Les expositions hors les murs : 

a ppr oc he× PhotoSaintGermain 

Perspective croisée, a ppr oc he soutient Sixtine de Thé

a ppr oc he× Drawing Hôtel 

.a ppr oc he × Studio Frank Horvat: Edouard Taufenbach & Bastien Pourtout

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