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Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Interview Matthieu Poirier, commissaire

Vue de l’exposition MUTE, Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture & du patrimoine crédit photo : © Denys Vinson

Dans le cadre du Programme Public d’Art Basel, l’exposition « Mute » de Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture & du patrimoine marque un nouveau cycle d’expositions d’art contemporain conçu par l’historien de l’art Matthieu Poirier. Imaginé comme un archipel ou un vaste labyrinthe fractal, le parcours sur les 1500 m2 de la galerie d’architecture médiévale, fait écho aux arcanes de la bibliothèque de l’artiste et sa pensée en constante progression. Une maquette de son atelier, mi-fabrique mi-chapelle, unique au monde et le film documentaire qui est projeté à Chaumont-sur-Loire rappellent le processus de gravitation qu’elle est la seule à maitriser, son corps devenant pendule de l’œuvre.  La « passagère du silence », titre de son ouvrage best-seller, enrichi tout spécialement (Albin Michel) a cette vertu de nous plonger dans un faisceau foisonnant et habité où la contemplation le cède à la danse. Une rythmique gestuelle qui scande les rebonds multiples entre couleur et motif dans ce nouvel écrin. Un « continuum infini » comme le résume le commissaire qui parle également d’incarnation, de phénomènes en positif et négatif et d’une sorte de « mutisme mutant ». Si l’architecture des cathédrales est un art de l’élévation et de la lumière, le fil tendu est tout à fait saisissant. 

En cette semaine de folle vacuité et de surchauffe frénétique évènementielle, soudain le silence, la pesanteur et la grâce. 

Matthieu Poirier a répondu à mes questions.  

Quelle est l’origine de ce projet avec Fabienne Verdier ? 

J’avais invité Fabienne Verdier dans le cadre de l’exposition collective « Vertigo » que j’ai imaginé à la Fondation Carmignac (qui se termine le 2 novembre) et c’est à partir de ce moment que j’ai décidé de l’exposer à la Cité de l’architecture et du patrimoine dans le cadre de ce cycle qui m’a été proposé par Julien Bargeton, président et Jean-Roch Bouiller, directeur. 

Vue de l’exposition MUTE, Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture & du patrimoine crédit photo : © Denys Vinson

Comment avez-vous souhaité séquencer et organiser le parcours parmi cet environnement très présent ?

L’idée était d’inscrire un dialogue avec ce contexte architectural médiéval et c’est l’une des raisons qui m’ont poussé à inviter Fabienne Verdier qui partage un véritable intérêt pour l’art médiéval à la fois en termes de technique (peinture et sculpture) et d’iconographie. Une ouverture de son travail qui trouvait un écho parmi les 1500 m2 de ces très riches collections à partir d’une architecture que j’ai pensée comme un système de monstration et de vision.

Comment avez-vous pensé le choix chromatique et les cimaises ? 

Il a été choisi pour ne pas créer de larsen avec la couleur bordeaux très présente et pour engager le dialogue avec les plâtres blancs et cette surface en trompe-l’œil qui imite la pierre. Les cimaises répondaient à une volonté de faire se dresser des monolithes blancs pour isoler les tableaux du contexte. 

De nombreuses constellations de signes surgissent au détour de la Montagne Sainte-Victoire et d’un moine anachorète, les Primitifs flamands, le rapport au céleste…

Le travail est fondé sur la peinture médiévale c’est pourquoi elle aurait pu être montrée à la galerie des peintures murales même si je trouvais intéressant de faire contraste entre le relief et la sculpturalité des formes peintres et les hauts reliefs des sculptures du Gothique flamboyant.

Une maquette de son atelier est exposée, soulignant son caractère unique à partir d’un pinceau pendule qu’elle est la seule à utiliser 

Cette maquette que nous exposons est constituée d’un morceau de sol du véritable atelier que l’artiste a découpé pour l’occasion. Elle traduit l’implication chorégraphique qui dépasse le corps seul. Son système est un atelier qui fonctionne comme un exosquelette, une amplification de ses propres capacités musculaires et perceptives de façon à pouvoir maîtriser le flux de ses immenses pinceaux contenant plus de 60 kilos de peinture, même si une grande part est laissée au hasard et aux lois de la physique. 

Vue de l’exposition MUTE, Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture & du patrimoine crédit photo : © Denys Vinson

Autre temps fort avec le processus de cocréation partagé avec un neurophysiologiste autour du phénomène des neurones miroirs

Alain Berthoz est un neurophysiologiste que je connais depuis 20 ans dans la mesure où je me suis intéressé à l’histoire du mouvement dans l’art à l’occasion d’une thèse. J’ai souhaité montrer ce tableau en cocréation pour souligner la curiosité de Fabienne, son ouverture d’esprit, son immense culture dans une idée du dialogue et de l’apprentissage permanent. 

Qu’est-ce-qui vous touche dans la pratique de l’abstraction de Fabienne ? 

Ce qui m’intéresse dans sa pratique de l’abstraction comme chez de grands artistes de ce mouvement est la volonté de trouver dans la forme et sa dynamique le dénominateur commun du monde qui nous entoure, au-delà de ce que peut nous offrir l’œil nu dans une compréhension plus fine des enjeux de la physique, des enjeux de l’espace, du temps qu’un tableau figuratif qui n’est qu’une reproduction mimétique d’une scène préexistante. C’est le trajet qu’elle effectue à partir d’une image de référence jusqu’à la forme finale qui est celle du tableau et de son effet sur le spectateur. Une dynamique sensible qui se transmet au spectateur. 

Infos pratiques :

MUTE 

Fabienne Verdier 

(Galerie d’architecture médiévale)

Du 22 octobre au 16 février 2026

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/agenda/exposition/mute-fabienne-verdier

Autre exposition à ne pas manquer : CHROMOSCOPE

Un regard sur le mouvement color field

Du 22 octobre au 16 février 2026 

(Galerie des peintures murales)

Cité de l’architecture & du patrimoine

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/agenda/exposition/chromoscope

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