Exhibition view « Magical Realism : Imaging Natural Dis/order » WIELS 2025 photo Eline Willaert
Après Le Musée absent (2017) et Risquons- Tout (2020), le WIELS referme son ambitieuse trilogie avec Réalisme magique, exposition réunissant une trentaine d’artistes et publication associée, engageant de nombreuses collaborations à Bruxelles avec argos centre for audiovisual arts et à l’international. Face à un agenda diplomatique mondial tendu et aux engagements pris lors de l’Accord de paris sur le climat, 2025 représentait un jalon décisif. Qu’en est-il face aux logiques expansionnistes toujours plus puissantes ? Empruntant à ce courant littéraire et artistique sa capacité de résistance, les artistes apportent des voies alternatives à ces questions à travers des écosystèmes fluides où la fable et le mythe tutoient l’intuition et le subconscient dans une logique d’interdépendance. Dirk Snauwaert revient sur les partis-pris qui l‘ont guidé avec l’ensemble des commissaires pour envisager ce 3ème volet où les dynamiques écoféministes et décoloniales ont une grande place. Il nous dévoile également les contours de la prochaine exposition monographique de l’artiste Nairy Baghramian (née en en 1971 à Isfahan, Iran) qui avait marqué les consciences des visiteurs français au Carré d’art de Nîmes et aux Beaux-arts de Paris, tandis qu’un nouveau format de résidences a été imaginée ave l’Ambassade de France en Belgique en faveur d’artistes ultra marins. Dirk Snauwaert a répondu à mes questions.
Exhibition view « Magical Realism : Imaging Natural Dis/order » WIELS 2025 photo Eline Willaert
« Réalisme magique, Imaginer la nature en dés/ordre » quelle est l’origine du projet ?
Ce projet s’inscrit dans un cycle tri-annuel même si ce dernier volet a été décalé du fait de la pandémie. Nous mobilisons l’ensemble du WIELS pour proposer une forme de biennale interne, à l’instar de ce que le Neue Museum organise avec sa propre équipe. Les différents espaces du bâtiment sont investis, non pas dans une visée thématique ou monographique comme à notre habitude. L’orientation générale répond à l’agenda de la Commission européenne et Bruxelles étant la capitale européenne nous espérons que les représentants des partis politiques se perdraient dans nos salles pour voir d’autres façons d’aborder les problématiques liées au changement climatique. La Commission européenne aurait dû faire un bilan en 2025 pour mesurer l’effet des mesures engagées à l’horizon 2030 même si depuis l’arrivée de Trump/Musk c’est la négation de ces problèmes qui domine.
Exhibition view « Magical Realism : Imaging Natural Dis/order » WIELS 2025 photo Eline Willaert
Comment les artistes abordent-ils ces enjeux liés à l’extractivisme ?
L’extractivisme est l’une des problématiques abordées à savoir comment ne pas être dominant vis-a vis des sujets, des matériaux ou des protocoles employés à travers des réponses à la fois concrètes et symboliques. Il s’agit d’être en phase ou en connexion plutôt que d’être à distance ou en position de domination intellectuelle.
En ce qui concerne le choix des artistes, comment vous êtes-vous organisés entre commissaires ?
Nous sommes partis de nos listes respectives pour ensuite affiner et circonscrire de façon égalitaire. Je me suis concentré sur quelques figures historiques belges tandis que mes jeunes collègues ont ouvert sur d’autres provenances géographiques et culturelles même si je ne me sens pas si âgé !
Penchons-nous sur l’artiste belge Edith Dekyndt
J’ai souligné dans le catalogue à quel point la Belgique et notamment Bruxelles à travers des intellectuels de haut vol comme Isabelle Stengers ou Vinciane Despret apporte des voix essentielles à ce débat et depuis plusieurs décennies. Edith Dekyndt est une figure pionnière de ce changement de paradigme autour des limites du visible de même qu’Ann Veronica Janssens qui témoigne de comment les sciences aussi abstraites au départ qu’une philosophie ontologique peuvent acquérir une dimension quasi métaphysique.
Exhibition view « Magical Realism : Imaging Natural Dis/order » WIELS 2025 photo Eline Willaert
Comment s’est concrétisé le partenariat avec argos centre for audiovisual arts ?
Par manque d’espace pour envisager une véritable biennale, nous avons cherché à l’occasion des éditions précédentes des lieux à proximité du WIELS et notamment des bâtiments historiques ayant accueilli les expositions universelles, emblèmes de cet extractivisme triomphant même si l’imbroglio politico-gouvernemental généralisé en cours, nous en a dissuadé. Nous avons alors noué ce partenariat avec l’association argos qui nous est proche sans avoir encore travaillé ensemble et qui était en train de redéfinir son projet. Cette collaboration s’est faite autour d’artistes qu’ils avaient identifiés comme Joan Jonas et ses performances filmées et recomposées ou Pauline Julier avec un collage cinématographique.
Paolo Nazareth, CA_C’QUE VOUS VOULEZ ?, 2023 courtesy of the artist and Mendes Wood DM, São Paulo, Bruxelles, Paris, New-York
Revenons à l’exposition de l’artiste activiste Paolo Nazareth, « Patois/ Patuá », l’un des temps forts de cette année
Initialement prévue en collaboration avec la Fondation Pinault, nous avons décidé de mener ce projet seuls avec Fernanda Brenner, commissaire brésilienne établie à Bruxelles qui venait d’organiser une exposition avec l’artiste au musée Tamayo de Mexico. Nous nous sentions parfaitement en confiance. L’artiste a conçu cette exposition en écho au contexte local bruxellois à savoir la position de la Commission européenne en matière d’immigration mais également aussi au passé colonial belge en Afrique et au Brésil notamment dans sa région d’origine le Minas Gerais où un certain nombre d’artistes ont été déplacés du Congo. C’est pourquoi cette exposition n’aurait pas eu la même résonnance dans une autre ville.
Side Leaps, Nairy Baghramian. Courtesy of the artist © shift/studio
Quels sont les enjeux de la prochaine exposition de Nairy Baghramian, « Nameless » dont vous assurez le commissariat cet automne ?
Nous entretenons un lien avec l’artiste depuis 17 ans qui faisait partie de l’exposition inaugurale du WIELS en 2007. Nous avions alors noué un contact assez intense qui s’est poursuivi dans l’idée un jour de lui dédier une exposition personnelle le moment venu. Sa carrière a depuis pris une grande ampleur mais dans le prolongement de sa monographie au SMAK de Gand en 2016, l’artiste avait envie de présenter un nouveau corpus d’œuvres dans ces espaces brutalistes du WIELS qu’elle connait bien et qui l’intrigue.
Ce nouveau groupe de sculptures va inclure des dessins, medium qu’elle exposera pour la 2ème fois après la galerie Marian Goodman de New York. Les dessins seront présentés sous la forme d’un cabinet sur des présentoirs spéciaux selon les dispositifs qu’elle imagine à chaque fois. Sa pratique de dessin est préalable à celle de la sculpture même si elle ne l’avait encore jamais montré. Cette série intitulée « Nameless » donc sans nom s’inscrit dans les rencontres de Nairy avec des œuvres d’artistes avant-gardistes confrontés à des situations d’exil politique dans les années 1930 et 40 dans des contextes de travail presque impossibles que ce soit en Allemagne et dans l’Europe entière jusqu’à aujourd’hui avec aux Etats-Unis avec la question des sans-papiers, dépossédés de leur identité. Une question non seulement ontologique mais aussi politique que l’artiste va explorer en profondeur à partir de ces mêmes matériaux ultra précaires.
Les résidences d’artistes : quelles actualités ?
La prochaine génération d’artistes arrive le 1er juillet, les 18 places sont complètes avec un problème lié à l’obtention d’un visa que nous sommes en train de régler. Nous avons réalisé une première avec la France et son Ambassade dans le cadre du programme EXTRA visant la promotion et le soutien de la création contemporaine française en Belgique autour d’un appel d’offres à l’intention d’artistes en provenance des départements d’Outre-Mer. Face au nombre croissant d’artistes français à Bruxelles, nous voulions encourager une spécificité dans les profils. Cela a généré une liste d’une trentaine d’artistes. La lauréate vient d’être annoncée : il s’agit de la photographe Nathyfa Michel, (née en 1994 à La Réunion).
De retour de la foire de Bâle : quelles sont vos impressions ?
Le niveau des œuvres et des stands de la foire principale était plutôt meilleur que l’année passée avec plus de prise de risque et moins de conservatisme avec toujours une forte présence de la peinture. Du côté de LISTE les stands sont formatés et trop petits pour pouvoir se prononcer. Quant au nouveau Basel Social Club nous sommes dans des logiques d’entertainment et d’évènementiel du milieu avec des œuvres répondant à des objectifs décoratifs dédiés à une masse hédoniste ! Du côté des institutions les expositions étaient formidables que ce soit Steve Mc Queen, Vija Celmins, Ser Serpas ou Medardo Rosso.
Réalisme magique, la liste des artistes: Artistes participant·e·s: Bianca Baldi, Minia Biabiany, Gaëlle Choisne, Ade Darmawan, Edith Dekyndt, Suzanne Husky, Saodat Ismailova, Suzanne Jackson, Ann Veronica Janssens, Joan Jonas, Pauline Julier, Barbara & Michael Leisgen, Anne Marie Maes, Jumana Manna, Marisa Merz, Jota Mombaça, Nour Mobarak, mountaincutters, Otobong Nkanga, Kicsy Abreu Stable, Precious Okoyomon, Elizabeth A. Povinelli, Annie Ratti, Daniel Steegmann Mangrané, Maarten Vanden Eynde & Musasa, Cecilia Vicuña, en Adrián Villar Rojas.
Catalogue Réalisme magique, Imaginer la nature en dés/ordre. Bilingue français-anglais, Fonds Mercator 208 pages, € 40
Disponible à l’accueil-librairie du WIELS
Infos pratiques :
« Réalisme magique : imaginer la nature en dé/ordre »
Jusqu’au 28 septembre
Évènement : Summer Nocturne le 2 juillet !
WIELS
Avenue Van Volxem 354, Forest-Bxl
Poursuite à ARGOS avec les artistes : Saodat Ismailova, Joan Jonas, Pauline Julier
argos centre for audiovisual arts
Rue du chantier 13, Bruxelles
https://visit.argosarts.org/event/magical-realism
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