Gabriele Münter Paysage avec cabane au couchant 1908 Huile sur papier contrecollée sur carton 33 x 40,8 cm Kunstsammlungen Chemnitz – Museum Gunzenhauser ; propriété de la Fondation Gunzenhauser Crédit : Kunstsammlungen Chemnitz/PUNCTUM/Bertram Kober © Adagp, Paris, 2025
J’ai découvert Gabriele Münter (1877- 1962) au Pavillon Populaire de Montpelier qui se concentrait sur sa pratique photographique, décisive dans son parcours. Prolonger cette mise en lumière de la co-fondatrice en 1911 du Cavalier Bleu (Blaue Reiter), cruellement traitée par Vassily Kandinsky son compagnon de 1904 à 1914 et injustement oubliée de l’histoire des Avant-Gardes au musée d’art moderne de Paris, ville dans laquelle elle réalise plusieurs séjours et rencontre ses premiers succès publics au Salon des Indépendants, a plus d’un sens. Tout comme avec Paula Modersohn-Becker, autre pionnière méconnue de l’Expressionnisme et contemporaine de Gabriele, l’ambition du musée est de s’inscrire dans une réhabilitation générale. Les 150 œuvres et documents d’archives réunis retracent de façon chronologique, ce destin exceptionnel.
Orpheline très tôt, Gabriele, après deux voyages fondateurs aux Etats-Unis avec sa sœur Emmy où elle réalise près de 400 photographies grâce aux nouveaux appareils Kodak, se forme à Munich à l’Académie des dames à la gravure sur bois puis dans l’école d’art de la Phalanx, où elle rencontre Kandinsky dont elle devient la compagne de l’ombre, étant donné qu’il est marié. Des années de voyages avec Paris notamment et la découverte du fauvisme qui va révolutionner leur rapport à la couleur, avant de s’installer à Murnau dans une maison qu’elle achète. Une période très féconde pour Vassily et Gabriele qui expérimentent le plein air et se déplacent en vélo, ce qui est très novateur pour une femme et cultivent leur jardin. Elle choisit des vêtements plus amples et confortables. De nombreuses vues sur les montagnes ou paysages influencés par la peinture sur verre avec ces contours sombres apparaissent. Cet intérêt pour l’art vernaculaire est présenté par un certain nombre d’artefacts.
Gabriele Münter Nature morte dans le tramway vers 1909-1912 Carton 50,2 x 34,3 cm Munich, Gabriele Münter – und Johannes Eichner-Stiftung
Crédit : The Gabriele Münter and Johannes Eichner Foundation, Munich © Adagp, Paris, 2025
Cela correspond aussi à la naissance de l’Almanach du Bleue Reiter et de longues séances de travail à la campagne entre August Macke, Franz Marc et Vassily au détriment des épouses et compagnes Elisabeth Macke, Maria Marc et Gabriele Munter, considérées comme leurs simples assistantes.
Au moment où la guerre éclate le couple se sépare, Vassili devant fuir l’Allemagne, part en Russie, Gabriele choisit Copenhague puis Stockholm où le galeriste Carl Gummerson organise sa première exposition. Kandinsky la rejoint en 1915 à l’occasion de son exposition sur l’impulsion de sa compagne qui s’est intégrée aux cercles d’artistes scandinaves. Sans le savoir, c’est la dernière fois que Gabriele voit Vassily qui lui promet le mariage. Malgré sa renommée, sa plus grande exposition est organisée à Copenhague en 1918, elle se sent fragilisée par la situation économique et reste dans l’attente de nouvelles de Vassily. La solitude lui pèse De retour en Allemagne elle apprend en 1921 que Vassily s’est remarié et a eu un enfant avec la russe Nina Andreïevskaïa. Il est devenu professeur du Bahaus à Weimar et lui écrit uniquement pour lui réclamer les toiles qu’il avait laissées à Murnau. S’en suit une bataille juridique entre eux. Elle retourne à Paris en 1929, reprend des cours à la Grande Chaumière et pratique le dessin avec jubilation à partir de ces petits carnets de format sac à main qui ne le quittent pas.
Entre la gravure, la photographie, le dessin, la peinture, elle n’a de cesse de se livrer à de nouvelles expérimentations sur de nouveaux mediums et matériaux comme le linoléum plus simple à graver lors de ses déplacements.
Au moment de la « confiscation des produits de l’art dégénéré », Gabriele cache à Murnau ses propres toiles et la collection d’œuvres de Kandinsky et de représentants du Cavalier Bleu qui seront révélées au public à l’occasion de sa donation à la Städtisch Galerie im Lenbachhaus de Munich. Un rôle essentiel.
Pour conclure il faut se précipiter pour célébrer une artiste libre qui malgré les viscissitudes de l’époque et les abondons qu’elle subit, poursuit sans relâche sa quête.
Catalogue Éditions Paris Musées 240 pages 230 illustrations 42 €
Poursuivre avec le documentaire ARTE Gabriele Münter, pionnière de l’art moderne
A découvrir également les expositions :
Matisse et Marguerite, le regard d’un père (un peu répétitive à mon sens)
Oliver Beer, Reanimation Paintings : A Thousand Voices (installation immersive et participative réalisée avec de nombreux enfants, de la maternelle au lycée)
Infos pratiques :
Gabriele Münter, peindre sans détours
Jusqu’au 24 août
Musée d’Art Moderne de Paris
Tarifs
- Plein tarif: 17€
- Tarif réduit : 15€
11 Avenue du Président Wilson 75116 Paris
https://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-gabriele-munter