ROMERO PAPROCKI Javier Carro Temboury Vues d’exposition Villa Belleville 2023 Credit Adele ONNILLO
Pari tenu et au-delà pour Jean-Marc Dimanche et Gilles Parmentier (relire interview) qui ont su imposer cette nouvelle foire à Bruxelles si l’on regarde les galeries participantes à cette 2ème édition : les prestigieuses Mennour et Almine Rech et Sèvres-cité de la céramique, le graal. Véritable laboratoire in progress, ceramic brussels est devenue une plateforme des dernières tendances d’un medium qui ne cesse de repousser les limites. Non pas cantonné dans le faire, la céramique interroge le dessin, la peinture, le textile, le design… y compris l’impression 3D avec le stand de Lélia Mordoch.
Dès l’arrivée à Tour & Taxis, l’installation monumentale de KRJST Studio (Erika Schillebeeckx et Justine de Moriamé) que j’avais découvert dans l’exposition de Jean-Marc Dimanche au Botanique « De fil et de nature » donne le ton, dynamique et décloisonné ! Une expérience immersive aux confins du textile et de l’argile, les couleurs étant inspirées du raku. En guise de prologue également l’exposition des 10 lauréats du ceramic brussels art prize soulignant le rôle de prescripteur de talents de la foire. Une grande polyvalence ressort des différentes propositions. Jean-Marc Dimanche souligne la progression du nombre de candidatures à 330 cette année. Les femmes dominent, c’est bon signe.
Pia Mougeot, ceramic brussels art prize exhibition
Mes coups de cœur vont à : Eléonore Griveau qui place l’expérience auditive du spectateur au cœur d’un processus basé sur le souffle et la dégradation progressive de la porcelaine, miroir tendu à la destruction de notre environnement. Pia Mougeot s’inscrit dans un récit féministe à partir des injonctions inhérentes au féminin qu’elle déconstruit avec jubilation. Luna-Isola Bersanetti propose une dimension performative du medium à travers la couture, le tissage, portant elle-même ses créations hybrides. Une visée émancipatrice.
Le lauréat du ceramic brussels prize 2024, Damien Fragnon dans le cadre de son exposition sur la foire présente l’installation « The Alpha Seashell Groto 2140 », entre récit des origines et projection futuriste à base de céramiques conçues à la fois en cuisson traditionnelle anagama et en cuisson électrique. L’art pariétal est convoqué avec les recettes de céramique. Représenté par la galerie Nendo de Marseille dont on peut voir les créations sur le stand, il a enchainé de nombreux projets depuis ce coup de projecteur de la foire.
Humour, irrévérence, innovation, irriguent l’ensemble des propositions avec de vraies curations. Il est difficile de choisir dans ce panorama foisonnant.
Kartini THOMAS, School Gallery
Jonathan F Kugel (Bruxelles) : cabinet de curiosité contemporain (en collaboration avec Gallery Fontana (Amsterdam) & School Gallery (Paris).
Il est également présent à la Brafa (Selected by), preuve que les deux foires peuvent trouver des synergies. Descendant d’une dynastie mythique d’antiquaires de la Rive Gauche, Jonathan dynamite le genre du cabinet de curiosité comme réceptacle de connaissances et réservoir infini d’expérimentations. Le sculpteur britannique James Webster explore la délicatesse de la porcelaine autour des mythes et des héros antiques, du genre, des stéréotypes. Une réjouissantes relecture des arts décoratifs.
La céramiste américaine basée en France, (son atelier est sur l’île d’Oléron), Kartini Thomas, explore de façon ludique la monstruosité ordinaire. Elle dévoile ses créatures inspirées du Japon et de son enfance en Nouvelle Zélande autour des Taniwha, créatures surnaturelles de la mythologie Māori qui habitent rivières et océans.
On peut aussi la voir sur le stand de School Gallery
Romero Paprocki (Paris) : Javier Carro et Marion Flament
Interviewé l’année dernière, Tristan Paprocki (lien vers) convaincu par l’expérience de la foire, revient avec un duo show. Marion Flament (l’EnsAD Paris) mène un travail sur le verre, l’espace et la lumière dans des installations qui font appel à la symbolique des vitraux du Moyen Age ou à la mémoire des lieux investis. Marion Flament a fait partie de la 5ème édition de l’Académie des savoir-faire de la Fondation d’entreprise Hermès dédiée aux arts verriers dont les réalisations étaient exposées lors de l’édition 2022 d’Art-o-rama. Javier Carro Temboury (Ensba Paris) commence par chiner d’anciens plats en céramique, qu’il découpe et réassemble, leur donnant une seconde vie. Des croisements culturels fertiles et une hybridation en devenir.
Galerie Fontana (Amsterdam) : Inez de Brauw, entre peinture et céramique
Inez De Brauw mène une réflexion sur le polyptique dans l’histoire de l’art qu’elle revisite. Le spectateur-propriétaire devient partie prenante du processus avec la possibilité de créer un nouveau tableau. Elle a recours à la fois à des techniques vernaculaires et artisanales comme l’ebru (marbrure à l’eau), le plâtre et le collage et une dynamique conceptuelle. Des contradictions assumées !
Jarmuschek + Partner (Berlin) : Helena Hafemann
L’artiste allemande engage une recherche sur la valeur de l’objet, la perte et la mémoire. Elle relie des fragments de porcelaines à des centaines de filigranes dans sa série Fadenschein (traduisible par lueur de fil) dans des teintes assorties. Collectés sur des marchés aux puces ou auprès de ses proches, ces rebuts promis à la désintégration, illustrent des greffes potentiellement imparfaites.
Lefebvre (Paris) : Héloise Piraud (solo show)
Héloïse Piraud détourne le procédé de l’extrusion employé pour recycler le plastique à la terre. Elle se livre ensuite à un travail d’assemblage et de torsion. Une étape délicate qui laisser place au hasard et donne des formes étonnantes. Ensuite vient le façonnage et le ponçage avant de propulser la couleur au pistolet. Entre intuition et innovation, sa démarche singulière donne lieu ici à tout un bestiaire.
Mennour : Elizabeth Jaeger et Matthew Lutz-Kinoy
Invitée d’honneur, l’américaine Elizabeth Jaeger se passionne pour les rats, les coléoptères, les volatiles, dans une perspective ambiguë et menaçante (décors sinistres, palette de couleur sombre) où la figure humaine est tour à tour dominante et dominée. Une ambiance macabre qui dit quelque chose de la folie et des dérèglements planétaires.
L’artiste américain basé à Paris Matthew Lutz-Kinoy développe une pratique à la croisée des dynamiques queer et collaboratives, des performances et du théâtre et d’une histoire de la représentation. Céramiques mais aussi tapisseries, peintures, plafonds plantent le décor.
Nendo (Marseille) : Pauline Bonnet
Saluons le remarquable travail entrepris par Frédéric Bonnet, critique d’art reconverti en galeriste dans un esprit de conversations élargies de la céramique à d’autres mediums. La plasticienne française Pauline Bonnet désormais installée à Marseille a tout de suite été dans les bons radars bruxellois : Prix des Amis de la Cambre, Prix de la Fondation Boghossian, Prix de la Loterie Nationale Belge et faisait partie de l’exposition « Matières premières » à Eleven Steens en 2022 dont elle remporte le prix. Association de matières (plomb et baryum), de surfaces (émaux, verre..) et recherche d’effets pour tisser un dialogue autour du domestique et du toxique.
GoMulan Gallery (Amsterdam) : Jonat Deelstra
L’une des propositions les plus intrigantes sans doute. Des sortes de cercueils ou d’enveloppes corporelles destinées à recevoir le corps du visiteur. L’artiste polymorphe néerlandais Jonat Deelstra (peinture, sculpture, vidéo) aborde les thèmes tels que la migration, la mort, le changement climatique, de façon antagoniste.
Scène Ouverte (Paris) : Vincent Dubourg
La galerie reçoit le Best stand Prize.
L’installation monumentale de Vincent Dubourg, passage en forme de grotte et de rochers, la porte étant chez l’artiste un motif récurant et symbolique. Lui qui fonctionne par famille à penser et alphabet de formes, ses prototypes interrogent l’architecture, la sculpture, la mise en scène.. Saraï Delfendahl peuple ses créations de chimères dans une approche qui regarde du côté de l’art brut.
Sèvres-cité de la céramique & School galery : Bachelot & Caron
Illustrateurs pour la presse et scénographes, les Bachelot & Caron conçoivent la céramique dans des mises en scène carnavalesques entre humour noir et grand guignol. Michel Poivet, historien de l’image, par ailleurs commissaire au Hangar Center (prochaine chronique) leur dédie un hommage très inspiré intitulé « Destin zombie de l’art ».
Arsenic galerie (Paris) : Michel Gouéry et Jacques Monneraud
Entre Dadaïsme et science-fiction, Michel Gouéry aime joue du kitsch et du mauvais goût. Ces grandes figures comme fossilisées ou écorchées semblent des pantins désarticulés ou des totems.
Céramiste reconverti Jacques Monneraud après un métier de publicitaire parisien, se fixe dans le Pays Basque. Sa série Carton joue des effets du trompe l’oeil à partir d’une expérimentation de l’argile sans émail. Plus vrai que nature ! Il laisse volontairement apparaître les traces de réparation et de ruban adhésif.
Du côté des modernes…
abc (Budapest). Avec une sélection d’œuvres de Vasarely conçues pour les devantures des magasins Rosenthal en 1979.
Helène Bailly (Paris) : Un dîner à la table de Picasso !
Autre chassé-croisé avec la Brafa où l’enseigne parisienne participe également. Une présentation façon period room comme les affectionne les anglais, qui permet au regard de ce reposer après ce festival de carambolages visuels !
A déguster sans modération.
Une déclinaison parisienne pour bientôt ? La question est posée..
Infos pratiques :
Days
mer 22 jan.
15:00—18:00 preview (sur invitation)
18:00—22:00 vernissage (sur invitation)
jeu 23 jan.
11:00—19:00 ouverture publique
11:30—12:30 remise de prix
13:30—18:30 conférences
ven 24 jan.
11:00—19:00 ouverture publique
12:00—15:00 conférences
sam 25 jan.
11:00—19:00 ouverture publique
13:30—17:30 conférences
dim 26 jan.
11:00—19:00 ouverture publique
15:30—17:30 conférences
Ticket 1 jour 20€
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