FOMO VOX

Villa Arson “The Sweet Days of discipline”, interview avec Martin Laborde, co-commissaire de l’exposition signée par la revue octopus notes. 

Vue de l’exposition « The Sweet Days of discipline”Villa Arson, photo Jean-Christophe Lett

A l’occasion de l’exposition de l’ensemble des artistes diplômés en 2023 de la Villa Arson, selon la volonté de Sylvain Lizon, directeur, rencontre avec Martin Laborde, artiste et co-directeur de la revue octopus notes qui signe le commissariat de l’exposition. L’exposition organisée à l’image du sommaire de la revue met en avant une forme d’intelligence collective à partir de rebonds formels tout en donnant à voir la singularité de chaque univers. Martin Laborde revient sur le défi que représentait ce projet d’exposition autour de l’étape si exigeante de l’après-école, à laquelle il s’est lui-même confronté. Il est intéressant de noter que trois villes restent les favorites pour ces artistes émergents un an après leur départ de Nice: Paris, Marseille, Bruxelles. 

Marie de la Fresnaye. Contexte de départ et genèse du projet 

Martin Laborde. Le principe de départ impulsé par Sylvain Lizon est d’exposer tout une promotion un an après leur diplôme, dans le centre d’art, accompagné d’un commissariat. Un principe rare qui mérite d’être salué, la possibilité de bénéficier d’un cadre comme celui du centre d’art de la Villa Arson est unique. 

Vue de l’exposition « The Sweet Days of discipline”Villa Arson, photo Jean-Christophe Lett

MdF. Comment aborder ce qui ressemble à un rite de passage ? 

ML. Que peuvent avoir en commun 44 artistes diplômé·es il y a tout juste un an ? C’est pour nous aider à répondre à cette question que nous l’avons posée aussi à d’autres artistes dont les pratiques faisaient écho de manière évidente à celles de l’exposition et qui était lié à l’histoire de la revue : Paul Mc Carthy, Tatiana Trouvé, Moyra Davey, Lili Renaud-Dewar, Théo Pésso, Douna Lim, Liz Magor. Leurs réponses, affichées en début de parcours, reflètent certaines des préoccupations immédiates des jeunes diplômé·es. Elles disent les difficultés économiques, le désir de se distinguer, de trouver des outils d’expression personnels, le besoin de créer du vide en réponse aux injonctions sociales du milieu de l’art, et celui de mieux comprendre comment faire coïncider l’idée qu’ils se font d’une vie d’artiste avec les moyens qui sont les leurs.Beaucoup d’œuvres qui étaient en gestation ont ainsi pu être réalisé par les diplomé·es à l’occasion de l’exposition. 

MdF. Le choix du titre « sweet days of discipline » 

ML. Il est emprunté à l’autrice Fleur Jaeggy et suggère une nostalgie douce et amère, celui du souvenir d’une époque révolue. 

MdF. Qu’est ce qui ressort de ce panorama ? Peut-on parler d’un portrait générationnel ?

ML. Nous observons des intérêts et questionnement autour du domestique, le précaire, l’impact du confinement, l’isolement, quelque chose que je n’ai pas connu étudiant, quelque chose en sourdine de l’ordre de la résistance qui a besoin de surgir, le désir de créer un autre univers, très fort. Ce qui n’était pas apparent au départ était le lien formel, que nous avons su trouver et tisser tous ensemble autour des œuvres. 

Vue de l’exposition « The Sweet Days of discipline”Villa Arson, photo Jean-Christophe Lett

MdF. Comment aborder la question de l’autorité de la Salle Carrée ?

ML. Il fallait jusqu’au dernier moment créer un contexte de confiance et d’aller-retour. Il était difficile de désarçonner cette sensation d’autorité sans voir les œuvres. Cela s’est joué au dernier moment, comme souvent, grâce à une formidable équipe de monteurs et monteuses, toutes et tous étudiant·es à la Villa Arson. L’équipe de la production a permis aussi de créer du lien.

MdF. Quels partis-pris scénographiques ? 

ML. Tout en valorisant une économie modeste et des gestes très simples, ce mur central autoportant oblige le corps du visiteur, le contraint à faire le tour, suggère une tension. L’accrochage volontairement non saturé favorise un faux silence, qui cache un bruit plus dur.  

Ce qui était frustrant pour les artistes était de ne pas pouvoir montrer des œuvres complètement autonomes dans l’espace, il fallait donc faire des compromis. Le circuit oblige à revenir sur ses pas et permet de revoir les œuvres ou voir des détails. 

La plupart des artistes présentent deux ou trois pièces dans l’exposition, à des endroits différents, comme des ponctuations. Certaines œuvres ré-apparaissent. En effet c’est le cas d’Ida Doutriaux. Des œuvres très discrètes mais opérantes. 

MdF. La présence d’une guillotine ?

ML. Oui, à l’inverse, une oeuvre très imposante de Maxime Chkoulanov d’un humour assez grinçant, une guillotine pour se couper les cheveux. Il voulait la montrer montée, comme pour son diplôme, ce qui ne nous semblait pas approprié dans une exposition collective. Nous avons trouvé ensemble une compromis ; qu’il réactive la performance et la filme pour la diffuser sous la forme d’une vidéo aux côtés de certains éléments de la guillotine, présentée démontée. 

MdF. Quelle répartition de mediums ? 

ML. La photographie, curieusement ne fait pas partie du panorama, on trouve plutôt de la vidéo, de l’image en mouvement. Nous avons alors proposé de dédier une salle de projection vidéo clairement identifiée. Une liste d’une dizaine d’œuvres est proposée au visiteur, qui peut choisir le film à sa convenance. Cela offre aussi une pause dans une déambulation assez dense. 

MdF. La Revue  « octopus notes » : inspirations, modèle économique, périodicité.. 

ML. En ce qui concerne la revue, nous la dirigeons aujourd’hui à trois, avec Alice Dusapin et Baptiste Pinteaux, la revue est publiée quand elle est prête mais disons plus ou moins un volume par an. La revue a été fondée par Alice Pialoux et Alice Dusapin, en 2013, à leur sortie d’étude en histoire de l’art à la Sorbonne, un bel écho au problématique de Sweet Days of Discipline. Nous venons de publier le volume 11. Le montage éditorial est assez organique, chacun apportant ses idées selon affinités et obsessions. Pour l’aspect économique, nous vendons des pages de soutiens au début de la revue, des galeries nous soutiennent depuis longtemps, comme dépendanceair de paris, ou des institutions comme la Fondation Ricard, ou le Wiels, et aussi le CNAP, depuis le début. La graphiste Marc Touitou est aussi une personnalité très importante dans l’histoire de la fondation de la revue, il travaille avec nous depuis le début, acceptant notre relative précarité et des moments très denses de travail. Nous publions des entretiens, des portofolios, des essais critiques, des articles universitaires, le numéro 11 regroupe des auteurices comme Sophie Lapalu qui écrit sur Jeffrey Perkins, Liz Magor en conversation avec Moyra Davey, Sabrina Tarasoff avec Paul Mc et des interventions d’artistes comme la photographe américaine et militante Donna Gottschalk, l’artiste new-yorkaise Zoe Beloff dont nous avons récemment montré le travail à Lisbonne. Nous ne traduisons pas, les articles ou entretiens paraissent dans la langue dans laquelle ils sont écrits. 

Liste des artistes :

Maïssane Alibrahimi, Zoe Baranek, Priscilla Benyahia, Léon Binétruy, Clémentine Blaison Vandenhende, Paul Bogard, Elie Bolard, Théo Bonnet, Perrine Boudy, BOUL, Pierre-Antoine Casanova, Maxime Chkoulanov, Théo Combaluzier, Pierre Corbet, Laurane Desjonquères, Ida Doutriaux, Héloïse Farago, Flora Ferrari, Evangéline Font, Hani Yikyung Han, Fantin Lacroix, Tom Laprelle, Gil Lekh, Nikita Leroy, Kyuhwan Lim, Sioban Lopez Dailland, Alice Magne, Lukas Meir, Zoe Meyer, Serin Moon, Renaud Mundabi, Shania Najafi, Prince Nienguet-Roger, Camille Nsizoa, OZO, Pizzayolaude, Tiphaine Rose, Romain Ravera, Sofia Shipilova, Sébastien Schnyder, Yiran Tang, Pierre Touré Cuq, Fang Xu, Caroline Vergote-Coudournac

Lors de votre visite venez découvrir l’exposition de Lukas Meir, lauréat de la Bourse 2023 de la Francis Bacon MB Art Foundation et jeune diplômé de la Villa Arson. 

Commissariat : Vittorio Parisi

Infos pratiques :

« Sweet days of discipline » 

Commissariat octopus notes 

https://villa-arson.fr/programmation/expositions/sweet-days-of-discipline

octopus notes : le 11ème numéro 

https://www.octopusnotes.fr/issues/no-11/


https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.

Quitter la version mobile