Vue de l’exposition Apophénies, interruptions, Artistes et intelligences artificielles au travail
Centre Pompidou x KADIST du 25 septembre 2024 au 6 janvier 2025 © Vinciane Lebrun/Voyez-Vous
Plateforme de diffusion internationale et organisation à but non lucratif organisée autour de deux lieux à Paris et San Francsico, KADIST a une riche actualité au Centre Pompidou avec «Apophénies Interruptions : Artistes et Intelligences artificielles au travail» et au Palais de Tokyo avec « Les frontières sont des animaux noctrunes » (Saison Lituanie en France). L’occasion de rencontrer Sandra Terdjman, Vice-présidente, co-fondatrice de KADIST et du réseau AFIELD. Ce réseau international est accompagné de deux bourses dont elle nous détaille la vocation. KADIST, outre ses programmes d’échanges dans le monde entier, a constitué une collection principalement dans le domaine de la vidéo. Des œuvres qui sont prêtées régulièrement aux institutions à travers le volet « Nomadic collection ». Sandra a répondu à mes questions.
Sandra Terdjman est conservatrice et conseillère dans le domaine des arts et de la philanthropie. Elle soutient le rôle des arts et de la culture dans la société en tant que membre fondateur de différentes organisations à succès telles que KADIST (Paris/San Francisco), un programme d’exposition et de résidence basé sur une collection internationale, COUNCIL (avec Grégory Castéra), une organisation qui favorise les projets multidisciplinaires à la croisée des arts, des sciences et de la société civile, et plus récemment, AFIELD.
Elle conseille également différentes organisations philanthropiques et a reçu en 2019 le prix Montblanc de la Culture Arts Patronage.
Sandra Terdjman (c)Brigitte Baudesson
Marie de la Fresnaye. En tant que co-fondatrice de KADIST, quel regard portez-vous sur ces années d’engagement à Paris notamment ?
Sandra Terdjman. En vingt ans, notre engagement s’est renforcé : nous soutenons le regard unique que les artistes portent sur les grands enjeux de société, tout en favorisant le dialogue entre les cultures. Lors de l’ouverture de KADIST en 2006, notre démarche était atypique dans le contexte français : nous avons choisi de mettre l’accent sur les échanges internationaux tout en nous implantant à Montmartre. Aujourd’hui, notre programme s’étend entre Paris et San Francisco, mais également à travers des collaborations institutionnelles dans plus de 10 villes à travers le monde, chaque année. La collection, qui réunit le travail d’artistes de plus de 120 nationalités, et les initiatives que nous développons témoignent de notre curiosité pour une création qui dépasse les centres où nous sommes présents (Europe et États-Unis), en explorant des pratiques ancrées dans des contextes culturels et géographiques divers.
MdF. Vous avez cofondé également le réseau international AFIELD assorti d’un prix : quel est son champ d’action ?
ST. AFIELD agit principalement dans le domaine des arts et de la culture, englobant les arts visuels et du spectacle, la littérature, le cinéma, le design, l’architecture, la mode. Il se concentre sur des initiatives qui utilisent ces disciplines pour lancer des projets à fort impact social, répondant aux besoins spécifiques d’une communauté. Ces initiatives prennent des formes variées, telles que des écoles, des associations à but non lucratif, des festivals ou des petites entreprises, avec pour objectif de générer un changement tangible et durable.
Nous avons lancé deux nouvelles bourses récemment. La première spécifiquement dédiée aux initiatives d’artistes autour des questions de “justice transitionnelle”. Il s’agit de projets qui abordent un travail de mémoire et de réparation dans les sociétés post-conflit ou post-régime autoritaire. L’autre est consacrée à des centres d’art initié par des artistes qui présentent un fort potentiel éducatif, dans des régions du monde où la création est peu soutenue institutionnellement.
MdF. Quels critères vous accompagnent dans le choix des lauréats de ces bourses ?
ST. Chaque bourse a ses critères. Ils évoluent et sont débattus avec les membres d’AFIELD (anciens boursiers et conseillers). De manière générale, il y a toujours des critères sur le parcours des artistes et des collectifs d’artistes à l’initiative du projet et d’autres sur l’impact du projet qui doit s’inscrire dans la durée, répondre à des besoins identifiés, et démontrer une approche située pour y répondre.
Parmi les actualités de KADIST cette année, vous proposez une exposition avec le Centre Pompidou Apophénies, Interruptions : Artistes et Intelligences artificielles au travail, quelle a été la genèse du projet et ses enjeux ?
Cette collaboration de trois ans entre KADIST et le Centre Pompidou a débuté en 2023, avec pour but d’explorer l’intelligence artificielle et les technologies de production sonore, visuelle et vidéo, ainsi que leur influence sur la création et la production artistiques. Ce partenariat a été lancé dans le cadre de la programmation de Moviment au Centre Pompidou, avec une série de conférences proposant un état des lieux critique des évolutions rapides de ces technologies.
L’exposition actuelle présente désormais six installations d’artistes, mêlant nouvelles commandes et œuvres récentes produites à l’aide de ces nouveaux outils, mais exploitant leurs limites et leurs leurs limites. La troisième phase portera sur un projet en ligne explorant comment l’IA générative peut être intégrée aux pratiques curatoriales et à la présentation des collections d’art vidéo au public.
Ce partenariat ambitieux s’inscrit dans ce que nous appelons la « Collection Nomade KADIST » qui, tous les 3 à 5 ans, souhaite créer des liens à long-terme avec des institutions internationales, sous la forme de prêts, de commandes ou de co-productions d’œuvres.
MdF. Un autre volet important de vos actualités se passe au Palais de Tokyo dans le cadre de la Saison de La Lituanie en collaboration avec le CAC de Vilnius avec la double exposition collective Les Frontières sont des animaux nocturnes. Qu’est ce qui se dégage de ce panorama ?
ST. Cette collaboration reflète notre volonté de travailler en réseau, mais sous une forme inédite : un projet présenté simultanément dans deux endroits à Paris, avec les mêmes artistes et autour d’un même sujet.
L’exposition rassemble principalement des artistes lituaniens de différentes générations, explorant les répercussions géopolitiques de la guerre en Ukraine sur leur région. Elle aborde aussi les menaces d’invasion, le souvenir de l’occupation durant l’ère soviétique, mais aussi les questions de croyances et linguistiques qui en découlent. Le résultat est très divers, à la fois dans les formes proposées mais aussi dans les imaginaires poétiques déployés pour illustrer ces questions complexes. Pour prolonger l’étape parisienne, les curatrices préparent un dernier volet de l’exposition au printemps 2025 au CAC Vilnius
MdF. Selon vous, curatrice et mécène sont deux facettes interchangeables ?
ST. Je dirais que curatrice et mécène sont deux rôles complémentaires, mais distincts et non interchangeables. Une curatrice agit traditionnellement comme médiatrice entre les artistes, les œuvres et le public. Une mécène, en revanche, soutient la création et les projets culturels, jouant parfois un rôle clé pour permettre leur réalisation. Dans mon cas, les deux se rejoignent et se complète, il s’agit de donner le meilleur accompagnement — intellectuel, éthique, artistique et financier — aux artistes pour chaque projet, qu’il s’agisse d’une résidence, d’une exposition, d’une bourse ou d’une nouvelle production.
Infos pratiques :
« Les frontières sont des animaux nocturnes »
Jusqu’au 5 janvier 2025
KADIST Paris
19 bis/21 rue des Trois Frères 75018 Paris
& Palais de Tokyo
https://kadist.org/program/sienos-yra-naktiniai-gyvunai
« Apophénies, Interruptions : Artistes et Intelligences artificielles au travail »
Jusqu’au 6 janvier 2025
Centre Pompidou
https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/8XTprom
Actualités et missions de KADIST :