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MO.CO. Panacée : Interview Aurélien Potier « Défaillance désir »

Aurélien PotierVue de l’exposition DÉFAILLANCE DÉSIR, Techniques mixtes Production MO.CO. Montpellier Contemporain Courtesy Aurélien Potier et Gianni Manhattan, Vienna

L’exposition de l’artiste français basé à Marseille, Aurélie Potier au MO.CO. Panacée est la révélation de cette saison. Les notions d’impermanence et d’instabilité traversent l’ensemble du parcours. Du mortier qui se désagrège, des plaques d’acier soumises à l’érosion du temps, des câbles qui traversent le bois de meubles ou qui rampent sur les murs, des pics d’acier dont la torsion dessine un langage, un simple T-shirt brodé rejouant les plis de la peinture…une porosité s’installe dans ces interstices fluides et ambigus. 

Et Anya Harrison co-commissaire de citer la philosophe Sara Ahmed autour de la dynamique de perturbation induite par la « phénoménologie queer ».  C’est de la vulnérabilité de nos désirs, de leur précarité que nous pouvons à l’issue de ces zones de friction, tendre vers une possible libération de structures sociétales qui nous conditionnent, tel est le message proposé par l’artiste qui s’est entouré d’un compositeur afin d’amplifier l’impact de cette traversée sensorielle et métaphorique. Aurélien Potier a répondu à mes questions. 

Aurélien PotierVue de l’exposition DÉFAILLANCE DÉSIR, Techniques mixtes Production MO.CO. Montpellier Contemporain Courtesy Aurélien Potier et Gianni Manhattan, Vienna

Aurélien, que vous a permis la résidence du MO.CO. ?

Pour un jeune artiste cela permet de produire et d’imaginer des choses que l’on n’envisagerait pas forcément avec notre économie de moyens habituelle. De plus, cela m’a permis de considérer ma pratique avec plus de précision autour de problématiques spatiales fortes. 

Le titre de l’exposition « Défaillance désir » suggère une ambivalence : qu’est ce qui traverse ce paysage ?

Il suggère une interrogation sur des forces extérieures, ces structures qui à la fois maintiennent et détruisent, érodent les individus et les entités. Ces deux forces contradictoires sont à l’œuvre : quelque chose qui se délite et en même temps s’érige pour venir se rencontrer au même endroit. A ce même endroit est permis l’impermanence, un potentiel de déviation face à la réalité à laquelle nous faisons face actuellement. 

Il s’agit selon moi de se saisir de ces forces et ne pas tomber dans une forme d’onirisme mais au contraire d’en capter toute la capacité de destruction et de construction.

Cette dualité est une exploration du désir comme ce lieu à l’intérieur de nous-même où cette reconsidération est rendue possible. 

Que dégagent ces structures-assemblages ? peut-on parler de ruines ? 

Elles s’écartent d’un registre post romantique et évoquent plutôt des zones de tension et de paradoxes qu’il faut traverser, négocier pour arriver à de possibles libérations. Les notions de navigations et de déplacement au sein de ces infrastructures dont on fait partie nécessairement, restent instables et irrésolues. 

Votre collaboration avec le compositeur Lou O’Neill également basé à Marseille : genèse et enjeux 

C’est la première fois que je collabore avec le compositeur, Lou O’Neill qui fait partie du cercle de mes amis et dont je connaissais le travail. Je lui ai d’abord envoyé des photos du projet que je développais à l’atelier. Son premier retour m’a semblé très juste sur ce que j’avais pressenti. Très vite les mots sont arrivés autour d’une certaine retenue sensorielle, les pièces dégageant déjà beaucoup d’émotivité visuelle. Le résultat final est une composition générative conçue à partir de différents éléments et fragments enregistrés au préalable. 

Vous pratiquez une économie de moyens et de matériaux comme une possible résistance 

Cette économie des moyens et des matériaux rejoint une question centrale autour de la production d’une exposition de cette envergure dans les limites de ma réalité économique. C’est pourquoi j’ai choisi les meubles qui suggèrent un espace intime mais aussi normatif et domestique ayant grandi en milieu rural. La plupart ont été récupérés dans la rue, d’autres ont été acheté chez Emmaüs de sorte que ces questions d’écologie qui me traversent s’incarnent véritablement dans les œuvres et ne soient pas juste une représentation de ces concepts. 

A la précarité des matériaux semble répondre une vulnérabilité qui infuse l’ensemble 

La notion de vulnérabilité est présente à la fois dans ma vie et mon travail dans la mesure où il s’agit de se laisser affecter par les choses qui nous entourent autant qu’elles le sont par nous et de créer ce va et vient entre ces deux forces simultanées. 

Aurélien PotierVue de l’exposition DÉFAILLANCE DÉSIR, Techniques mixtes Production MO.CO. Montpellier Contemporain Courtesy Aurélien Potier et Gianni Manhattan, Vienna

L’importance du langage

Les pics d’acier tout comme les câbles dessinent des mots, les traces et les empreintes du dessin s’entremêlent. Il s’agit aussi bien de dessiner dans l’espace que de dessiner l’espace. 

A découvrir également l’exposition monographique de Laura Garcia-Karras « Perennial ». 

Les deux expositions s’inscrivent dans la nouvelle saison du MO.CO. autour de la Collection Laurent Dumas « Parade, une scène française » sous le commissariat d’Eric de Chassey.

Infos pratiques :

Aurélien Potier, « Défaillance Désir »

Laura Garcia-Karras «  Perennial » 

Jusqu’au 12 janvier 2025

https://www.moco.art/fr/exposition/defaillance-desir-aurelien-potier

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