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Paris Photo 2024 : Interview Nathalie Herschdorfer, directrice Photo Elysée

Hannah Darabi « And All Is Fiction » Mahvashs Book of Pleasure 2024 de la série « Why Don’t You Dance » en cours courtesy Hannah Darabi (les nominé.e.s du Prix Elysée)

Photo Elysée est un partenaire institutionnel de Paris Photo. Nathalie Herschdorfer revient sur cet engagement et la plateforme que représente ce rendez-vous unique au monde. Photo Elysée y présente à cette occasion les 8 photographes nominé·e·s du Prix Elysée. Ce prix biennal, l’un de mieux dotés (80.000 francs suisses), permet la concrétisation d’un projet majeur pour des photographes à mi-carrière, s’inscrivant dans les missions de l’institution suisse prescriptrice. De plus, parmi ses riches actualités, Photo Elysée propose une exposition hommage à l’immense photographe Sabine Weiss à travers un dialogue avec la plasticienne Nathalie Boutté. En 2025 le cap sera mis sur l’émergence avec le projet reGeneration qui fête ses 20 ans, faisant du musée un véritable tremplin et sismographe des préoccupations sociétales autour de la génération Z qui questionne les notions d’intersectionnalité, de fluidité des genres, d’ancrage et d’appartenance. Nathalie a répondu à mes questions.

Nathalie Herschdorfer, directrice de Photo Elysée photo Amélie Blanc

Marie de la Fresnaye. Photo Elysée est un partenaire institutionnel de Paris Photo : que représente cette foire pour vous ?

Nathalie Herschdorfer. Il est inhabituel pour une institution muséale d’apparaître dans une foire commerciale. Nous ne sommes pas présents pour vendre des œuvres mais pour ancrer le musée dans ce vaste réseau de partenaires avec qui nous travaillons régulièrement: les galeries, les maisons d’édition, les collections privées, les experts et expertes de photographie, et bien sûr les photographes. Paris Photo réunit des visiteurs internationaux avec lesquels nous souhaitons échanger. Photo Elysée couvre dans ses expositions et dans sa collection toute l’histoire de la photographie, du 19e siècle aux plasticiens contemporains tout en traversant les grands noms de la photographie du 20e siècle. Nous nous intéressons à tous les genres, sans distinction, aux images sur papier et sur écran, sur les murs et dans les livres. Mais nous avons décidé de présenter notre engagement pour la création contemporaine, à travers le Prix Elysée – un prix qui ne consacre pas un photographe pour l’ensemble de sa carrière ou un projet existant, mais un prix qui donne des moyens financiers à un-e photographe pour mener un nouveau projet.

Roger Eberhard « Henriette Caillaux Browning FN 1906 » de la série « Meanwhile » en cours courtesy Roger Eberhard (les nominé.e.s du Prix Elysée)

MdF. Quelle est la singularité du Prix Elysée ?

NH. Le Prix Elysée s’adresse aux photographes à mi-carrière et donne une opportunité de réaliser un projet avec des moyens financiers conséquents. Certains projets trouvent difficilement des financements et c’est la raison pour laquelle une institution comme la nôtre se profile ici, en soutenant des démarches qui ne correspondent pas forcément à celles que nous voyons sur les stands d’une foire comme Paris Photo.

Le Prix Elysée est doté de 80’000 francs suisses, ce qui le place parmi les prix les mieux dotés dans le domaine de la photographie. Il est ouvert à tous les genres pour autant que le travail n’ait pas été exposé ou publié et doit encore être développé. La dernière lauréate du prix, l’Américaine Debi Cornwall a pu grâce à ce financement, terminer un projet qu’elle avait entamé, Citoyens modèles, une recherche autour de la performance citoyenne aux Etats-Unis – un pays où la violence est omniprésente car inhérente à une culture militarisée. Debi Cornwall a documenter des camps d’entraînement de la patrouille frontalière mais aussi les rassemblements politiques de Donald Trump. Elle a dépeint cette population américaine qui performe soit la figure du vainqueur, du héros, soit la figure de la victime. Un sujet actuel, très engagé politiquement. Grâce au Prix Elysée, le travail existe sous forme de livre publié chez Radius (US) et Textuel (FR), et il a pu être exposé cet été à Arles. Quatre autres photographes ont pu développer un travail conséquent grâce au Prix Elysée, depuis son lancement en 2014 (le prix est décerné tous les 2 ans). Il est important de dire qu’une telle dotation est possible grâce au soutien de Parmigiani Fleurier qui accompagne le Prix Elysée et Photo Elysée depuis 10 ans, et qui nous permet de donner toute la liberté aux photographes. Et ceci doit être relevé car c’est très précieux de la part d’un sponsor de soutenir ainsi un prix de photographie.

Cette année nous avons reçu 750 dossiers et présentons à Paris Photo les 8 photographes finalistes choisis par un jury de professionnels. Un nouveau jury se réunira au printemps 2025 pour choisir le-la lauréat-e (parmi les 8). A ce stade, nous sommes particulièrement heureux de pouvoir offrir une visibilité aux travaux des 8 finalistes. C’est ce que Paris Photo offre.

Camille Gharbi « A son insu », 2024 de la série « INTIMES CONVICTIONS » en cours courtesy Camille Gharbi (les nominé.e.s du Prix Elysée)

MdF. En 2024 huit photographes ont été sélectionné·e·s parmi plus de 750 candidatures du monde entier : quels critères vous ont-ils guidé ?

NH. Le jury réunissait des regards distincts (des experts internationaux dans le domaine de la photographie, provenant du monde des musées, des festivals, du livre) ce qui a permis d’embrasser différentes démarches. Le Prix Elysée doit refléter la création contemporaine et rester le plus ouvert possible sans s’enfermer dans un thème ou un langage spécifique. Les 8 finalistes proviennent de différentes régions du monde et utilisent le médium photographique pour mener des recherches qui parlent de sujets, d’enjeux du monde actuel et c’est ce qui comptait pour nous. Parler de notre monde à travers différentes approches : le Marocain Seif Kousmate explore la masculinité; l’Iranienne Hannah Darabi traverse différentes époques à travers la danse populaire en Iran; le Suisse Roger Eberhard interroge l’histoire et comment certains événements d’importance façonne la mémoire collective; le Colombien Felipe Romero Beltrán s’intéresse à la migration rurale vers les villes de Colombie; l’Américaine d’origine russe Anastasia Samoylova traite du changement climatique en renouvelant le récit qu’on peut en faire; le Français Samuel Gratacap documente l’exil en Europe; la Française Camille Gharbi questionne la culture du viol si présente dans nos sociétés; enfin l’Américain Rahim Fortune explore ses propres archives familiales.

On le voit, ces différents projets traitent tous de sujets engagés, particulièrement représentatifs de notre époque. Chacun-e avec une écriture photographique très différente.

Vue de l’exposition SABINE WEISS × NATHALIE BOUTTÉ Hommage, Photo Elysée ©KHASHAYAR JAVANMARDI Plateforme10

MdF. À l’occasion du centenaire de la naissance de Sabine Weiss, Photo Elysée propose une exposition hommage et invite l’artiste plasticienne Nathalie Boutté à entrer en écho avec l’œuvre : que ressort-il de ce dialogue ?

NH. Sabine Weiss est une photographe fascinante et qui est particulièrement connue pour ses photographies de rue en noir et blanc. On cite souvent son nom en relation avec la photographie humaniste. J’ai invité l’artiste française Nathalie Boutté, qui n’est pas photographe mais travaille toujours à partir d’archives photographiques, à venir dans les archives de Sabine Weiss que Photo Elysée conserve suite à une donation de la photographe. C’est la première exposition réalisée après la mort de Sabine Weiss mais aussi un hommage réalisé l’année de son centenaire.

Vue de l’exposition SABINE WEISS × NATHALIE BOUTTÉ Hommage, Photo Elysée ©KHASHAYAR JAVANMARDI Plateforme10

Nathalie Boutté était fascinée par la quantité de ses productions, notamment la photographie de studio, de mode, de publicité. Ce n’est pas cet aspect de l’œuvre de Weiss qui a été valorisé jusqu’à présent et il s’avère qu’en ouvrant les boîtes d’archives qui sont désormais en notre possession, nous avons trouvé des trésors d’ingéniosité. Sabine Weiss était très créative dans ses travaux de commande, et cette exposition rend ainsi aussi hommage au métier de photographe en dehors de la figure de photoreporter travaillant dans la rue en noir et blanc. Nathalie Boutté a créé des œuvres fascinantes à partir des images de Sabine Weiss faites de centaines de bandelettes de papier. Il y a aussi ces touches de couleur qui apparaissent ici et là, qui dialoguent avec le travail en couleur de Weiss. C’est aussi l’hommage d’une femme à une femme inspirante, deux générations d’artistes qui semblent très éloignées et pourtant… Cette exposition permet à notre musée de prendre connaissance de l’ampleur de ce fonds car il nous faudra encore quelques années pour découvrir toutes les images réalisées au cours de 60 ans de carrière. Pour ce faire, nous collaborons avec Laure Augustins, qui a assisté Sabine Weiss les dernières années de sa vie. Son aide nous est très précieuse.

Vue de l’exposition DAIDO MORIYAMA Rétrospective, Photo Elysée ©Eloïse Genoud Plateforme10

MdF. Quels autres projets vous animent-ils ?

NH. L’année 2025 sera une année consacrée à la jeune création à Photo Elysée, à travers le projet reGeneration. Cette exposition, intitulée il y a 20 ans ‘reGeneration: photographes de demain’ et qui a eu 4 éditions (c’est-à-dire une tous les 5 ans, en 2005, 2010, 2015, et 2020), a pour objectif de réunir des photographes internationaux qui sont en tout début de carrière. En 2025, 20 ans après le lancement du projet, nous réunirons des photographes qui appartiennent à la génération Z, donc des personnes nées après 1995. C’est évidemment la génération Internet, celle qui utilise abondamment les réseaux sociaux. Nous réalisons que ces très jeunes photographes, qu’ils soient en Asie, en Europe, sur les continents africain ou américain, traitent de sujets communs : ils-elles parlent souvent de leur identité diasporique ou identité plurielle, ils-elles s’intéressent à l’intersectionnalité, à la fluidité des genres ou interrogent la notion de ‘chez soi’ (le sentiment d’appartenance, home en anglais). C’est fascinant de découvrir le regard d’une génération sur le monde. Cela fera l’objet d’une grande exposition thématique à Photo Elysée. Nous sommes actuellement en train de découvrir les travaux de ces photographes très jeunes, qui nous ont été suggérés par des experts provenant des 6 continents.

Prix Elysée, les nominé·e·s 2025 : Hannah Darabi (IR, 1981), Roger Eberhard (CH, 1984), Rahim Fortune (US, 1994), Camille Gharbi (FR, 1984), Samuel Gratacap (FR, 1982), Seif Kousmate (MA, 1988), Felipe Romero Beltrán (CO, 1992),Anastasia Samoylova (US, 1984). 

Infos pratiques :

Paris Photo

Dates :

6 novembre 2024: vernissage (sur invitation uniquement)

Du 7 au 10 novembre 2024

10h30-13h (horaires VIP sur invitation uniquement) 

Du jeudi au samedi: 13h-20h
Le dimanche: 13h-19h

Tarifs :

Billet plein tarif semaine 32€

Billet plein tarif week-end 34€

Billet Evening 26€
Billet tarif réduit 15€

https://www.parisphoto.com/fr-fr.html

Actuellement à Photo Elysée :

SABINE WEISS 
× NATHALIE BOUTTÉ

Hommage

DAIDO MORIYAMA

Rétrospective

MAYA ROCHAT

Water is coming

LEE SHULMAN

THE ANONYMOUS PROJECT, HOME & AWAY

jusqu’au 23 février 2025

https://elysee.ch

Autres expositions de Plateforme 10, le nouveau quartier des arts Lausanne :

Mudac : We Will Survive ou comment les néo-survivalistes se tournent vers le design pour se préparer à un avenir incertain et assurer leur survie.

MCBA : Thalassa! Thalassa!  L’imaginaire de la mer &

André Tommasini. « Une vie à sculpter »

https://www.mcba.ch/expositions/thalassa-imaginaire-de-la-mer/

Un voyage à Lausanne s’impose !

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