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Planches Contact, Deauville : Dominique Isserman et les sortilèges de la pellicule, la fabrique de Jeunes Talents !

Bettina Pittaluga, In bed with courtesy the artist © Planches Contact-2024

Convoquer Dominique Issermann sur la plage de Deauville pour « Planches Contact » c’est croiser des fantômes, tutoyer la magie, quand la silhouette de la photographe danse aux côtés de celle de Leonard Cohen sur une autre place, lui portant une valise, leur longs manteaux à ras du sable, ses mèches blondes au vent, leur regard… Quelque chose de saisissant et d’intraduisible à jamais capté par la pellicule « un triangle blanc immaculé qui a perdu la mémoire » comme l’écrit la muse et photographe. Toute l’intuition de Laura Serani est en puissance avec cette invitation à l’occasion de la 15ème édition de ce festival où elle nous surprend chaque année. Il faut se perdre dans cette géométrie du souvenir, cette chambre d’échos, ce « niveau zéro», selon le titre choisi par Issermann et Serani. 

Ce décor de pellicule est la toile de fond notamment des Jeunes Talents invités en résidence dans le cadre de la Bourse et du concours, marquant l’engagements accru du festival pour l’émergence. Parmi eux, le photographe français Maximilien Schaeffer avec « C’était l’été » signe une proposition très subtile en hommage à Marguerite Durras et cette couleur rouge en pointillé. Pour le photographe italien Nicola Fioravanti, la Normandie se joue dans les teintes : le beige des plages croise les monochromes de l’architecture de l’Après-guerre au Havre ou à Caen, d’Oscar Niemeyer à Jean Nouvel. Une approche de la couleur entre paysage et architecture. La photographe française Chloé Harent joue de la palette du peintre avec les microcosmes et détails des estrangs, ce phénomène créé par la marée qui découvre tout un monde vivant. Chez la photographe danoise Marie Wengler la Normandie donne lieu à une exploration anthropologique du Viking dans un lien commun avec son pays la Scandinavie. les forêts et modern Walkyries. La photographe et militante nigériane Rachel Seidu dans le cadre de ses recherches sur l’identité queer révèle différences et similitudes entre le Nigéria et la France autour des questions du genre.

 Richard Pak, Le Voleur d’îles, © Planches Contact 2024

Autres invités en résidence avec la Fondation photo4food et notamment l’ambitieux Tour de France d’Eric Bouvet dans son étape Normande. Une approche plus sociétale entre les jeunes ados métissés sur la plage, les élégants cavaliers, les gens dans leur costume de travail façon August Sander, les familles… une tendresse vers ce que signifie être français avec des extraits des réponses de chacun.e. La photographe française Sophie Alyz s’est penchée sur la problématique de l’érosion côtière et de fil en aiguille glisse du côté de la photo pictorialiste, comme une ode à l’impermanence, visible à la fois au Point de Vue et sur la plage. 

Les Franciscaines 

Patricia Morosan, photographe roumaine basée à Berlin, également dans le cadre d’une résidence (et elles sont plus nombreuses cette années) est exposée aux Franciscaines, fantastique lieu d’expositions et de rencontres qui a su trouver sa place et se forger une identité autour du patrimoine de Deauville. Elle est partie des spectaculaires falaises des Vaches Noires pour une dérive poétique et consciente telle une paléontologue-chamane. Les notions de rituels et de mémoire géologique traversent son œuvre. Richard Pak poursuit le cycle des îles du désir et selon une logique d’associations chère à John Baldessari prélève des détails de paysage pour les réinjecter ensuite. Les îles d’Etretat, du Mont St Michel, des Anglo-Normandes deviennent ainsi orphelines et partie prenant d’un grand tout, aiguisant notre regard. La photographe française Sara Imloul à partir de la théorie de la « Mémoire de l’eau » du médecin et chercheur Jacques Benveniste a convoqué ses souvenirs, récits de l‘intime dans des réminiscences en noir et blanc et selon le procédé du calotype qui exige la lenteur et le geste.

Eric Bouvet Le Tour de France L’Etape Normande Planches Contact 2024

Le photographe italien Alessandro Calabrese exposé aux Franciscaines et en ville rue Eugène Colas, a été invité à se plonger dans les archives de la Ville. « Ways of Loooking » à partir des célèbres courses de chevaux qui ont contribué à la mythologie de Deauville insiste sur la place de l’appareil photographique dans l’acte de voir. Une donnée qui est devenue obsolète de nos jours. Il s’est livré à une série de collages par typologie d’évènements : les gradins, la remise des récompenses…tandis que « Hierarchy of Genres » s’attaque aux catégories de la peinture au XVIIème siècle : de paysage, de genre, de portrait pour réaliser sa propre archéologie de l’image selon un procédé qu’il a mis au point jouant sur le hasard. La photographe franco-canadienne Coco Amardeil a répondu à la demande du festival de constituer un abécédaire pour les enfants autour de ce qui fait la Normandie, les vaches le camembert, le beurre.. C’est pop et ludique. Les couleurs et la mise en page efficace sont un clin d’œil à ses nombreuses collaborations et commandes notamment dans la publicité. Le photographe américain Philip Toledano présente son dernier opus “Another America” aux côtés de « We Are at War » à l’occasion du 80ème anniversaire du Débarquement Normand. Sortes de dystopies à l’ère des fake news et de l’intelligence artificielle qui cherchent à créer une histoire alternative des Etats-Unis. La technologie prend trop le pas pour tomber dans ces collisions artificielles.

Huang Xiaoliang Three Youngsters, © Planches Contact 2024

Le photographe chinois Huang Xiaoliang a été invité dans le cadre d’un partenariat Planches Contacts avec l’association et la résidence YISHU 8. Ses images regardent du côté de Hopper et du cinéma de David Lynch. Très onirique. La photographe franco-uruguayenne Bettina Pittaluga exposée au Grand Bain, explore l’intime à travers le lit dans des mises en scène où chacun se livre. Si le lit est devenu un espace de plus en plus important dans nos vies, ces vécus disent quelque chose de l’abandon, de la représentation de soi, sans jamais basculer dans le voyeurisme ou le pornographique. A ne pas manquer la caravane transformée en appareil photo géant par Lolita Bourdet qui reprend la tradition des studios ambulants du XIXIème siècle qui allaient de villages en villages. Une visée pédagogique et populaire réjouissante.

« Le Siècle des Vacances »

L’autre temps fort est l’exposition Le Siècle des Vacances aux Franciscaines par Laura Serani à l’occasion des 70 ans de la FNAC à partir de sa riche collection photographique. Cela mérite un voyage en soi. Laura en tant que directrice des Galeries photo et de la collection FNAC de 1985 à 2005, s’est livrée à une véritable traversée parmi ses 1800 œuvres qui couvrent tous les styles dans une approche internationale. Il faut rappeler que les 5 galeries photographiques de la FNAC ont eu un rôle prescripteur en France, Belgique, Italie, Espagne, Portugal..à une époque où le marché n’était pas aussi structuré comme le rappelle Laura. Le parcours sur 2 étages révèle des trésors de Doisneau à Willy Ronis, Harry Gruyaert, Martin Parr.. alors que Deauville en tant que station balnéaire a joué un rôle déterminant dans l’avènement du tourisme. Malheureusement nous n’avons pas eu le temps d’approfondir pendant cette journée presse très dense. Une autre visite s’impose !

Catalogue en vente au Point de Vue, Filigranes éditions 25 euros

Infos pratiques :

Planches Contact, 15ème édition

Festival de photographie de Deauville 

partout dans la ville !

Jusqu’au 5 janvier 2025

https://planchescontact.fr/fr